L’école peut être source d’insécurité : quelles caractéristiques d’une école “base de sécurité” ?

L’attachement insécure à l’école : les comportements ont un sens et communiquent une expérience

école base de sécurité

Dans son livre Aider les élèves en difficulté d’apprentissage : L’influence de l’attachement sur le comportement en classe, Heather Geddes propose de décoder la signification possible d’un comportement particulier en tant que mode de communication des craintes et expériences des enfants.

Heather Geddes s’appuie sur la théorie de l’attachement conceptualisée par John Bowlby pour comprendre les difficultés de certaines élèves et y réagir.

L’attachement sécure

La principale caractéristique qui différencie un attachement sécure d’un attachement insécure est liée au fait que, dans le premier cas, le parent répond adéquatement aux signaux et aux besoins de l’enfant et ce dernier n’a pas d’effort particulier à faire pour être entendu et objet d’attention, d’affection.

L’attachement sécure est associé à une certaine flexibilité attentionnelle et cognitive alternant les points de vue et les centres d’intérêt, sans se mettre sur la défensive systématiquement en cas de contradiction.

Les enfants qui ont un attachement sécure ont développé un sens de soi et des attentes du monde qui sont teintées d’espoir et de confiance.

L’attachement insécure

Geddes cite une étude qui indique l’importance de la qualité de l’attachement comme prédicteur du comportement des enfants à l’école maternelle (Erickson et al., 1985).

Heather Geddes liste quelques conséquences d’un attachement insécure sur les enfants de maternelle :

  • ils réagissent aux défis avec moins de confiance
  • ils font face aux difficultés avec une insécurité
  • ils ont une faible estime de soi
  • ils montrent moins d’engagement affectif positif avec les adultes et les autres enfants (ils sont moins populaires)

Les enfants à l’attachement sécure qui n’ont pas connu d’expériences positives correctrices (chaleur et soutien de la part des grands parents ou d’autres adultes proches) ont de grandes chances d’avoir des difficultés de comportement et d’apprentissage.

Le rôle des enseignants figures d’attachement secondaires

En l’absence de sensibilité des parents aux signaux de l’enfant, sans satisfaction de ses besoins, sans réconfort ni réponses aux pleurs de l’enfant, l’attachement est donc qualifié d’insécure. Toutefois, l’expérience précoce des enfants avec leurs parents menant à un attachement insécure peut être améliorée par des expériences positives ultérieures ou avec d’autres figures d’attachement. Ces autres figures d’attachement peuvent être des membres de la famille, des amis, des voisins ou encore des enseignants.

Dès l’école maternelle, l’enseignant représente une personne d’attachement secondaire et peut offrir des expériences correctrices sécurisantes en montrant de l’empathie et de la bienveillance aux enfants. Les spécialistes de la théorie de l’attachement parlent de “base de sécurité” pour décrire le rôle des enseignants dans le monde perturbant et exigeant de l’école.

On comprend alors que la connaissance du comportement d’attachement dans un contexte scolaire améliore la qualité d’accompagnement des élèves (accompagnement dans les apprentissages à la fois académiques et relationnels).

Il est donc possible de reproduire l’expérience “sécure” dans les pratiques et les réactions à l’école. L’ensemble du personnel scolaire, la direction, les administrateurs, les coordinateurs, les enseignants et tout le personnel de soutien, unis dans la promotion du bien-être de tous les élèves, forment un cadre de travail que l’élève peut ressentir comme une base de sécurité sécure et fiable. – Heather Geddes

L’école peut être source d’insécurité (plutôt qu’une base de sécurité)

Heather Geddes regrette que la pression sur les écoles et sur les enseignants pour privilégier l’évaluation des performances et leurs comparaisons peut estomper l’expérience émotionnelle et interpersonnelles au cœur de l’enseignement et des apprentissages. Les enseignants peuvent s’inquiéter des performances et du contenu, et inhiber leur capacité à se centrer sur l’expérience émotionnelle de l’apprentissage (raisonnement en termes d’émotions et de besoins, montrer de l’empathie pour les causes du comportement, médiation dans les conflits…).

Ceci peut avoir un effet négatif sur l’expérience scolaire des élèves qui ont connu une relation précoce négative dans laquelle leurs besoins ont été ignorés étant donné les difficultés de leurs parents ou les pressions extérieures.

Heather Geddes prévient donc que le système scolaire peut donc produire de l’insécurité quand les objectifs scolaires reposent sur la compétition, la comparaison et les performances et ignorent l’expérience émotionnelle des élèves.

Un climat éducatif qui se préoccupe de performances, de résultats et de tableaux d’honneur peut être ressenti comme moins intéressé par le bien-être émotionnel des élèves et peut reproduire des expériences d’attachement insécure.  – Heather Geddes

Ainsi, il est intéressant de réfléchir sur les conditions d’une école “base de sécurité”.

Les caractéristiques d’une école base de sécurité

La théorie de l’attachement aide à construire l’école comme une “base de sécurité” qui place au coeur de son projet à la fois la développement intellectuel ET la santé émotionnelle.

Pour les élèves, ceci signifie :

  • le respect de tous les élèves (leur intégrité et leur dignité), quelles que soient leurs compétences et leurs difficultés (lire : 10 idées pour une discipline sans punition à l’école)
  • un bâtiment sûr et un aménagement de l’environnement qui réponde aux besoins fondamentaux des enfants, tant cognitifs que physiques et relationnels (ex : droit d’aller aux toilettes en autonomie et sans restriction, opportunité et droit de se lever et de bouger…)
  • des compétences de la part des adultes en communication bienveillante et en écoute active
  • des adultes au clair avec leur propre style d’attachement, leur histoire personnelle et leur mémoire traumatique
  • un espace de régulation des conflits non violent (ex : messages clairs, médiation entre pairs, cercles restauratifs)
  • des relations familiales à long terme où les familles se sentent vues, connues et reconnues comme compétentes
  • un modèle de bonnes relations entre adultes

Pour les équipes, cela signifie :

Selon Heather Geddes, ce type d’école peut devenir une base de sécurité de remplacement et contenir l’anxiété engendrées par les défis de l’apprentissage. De plus, l’école pourra offrir des relations et des expériences compensatoires aux élèves dont les capacités d’apprentissage ont été altérées par des expériences négatives émotionnelles et sociales.

Il s’agit d’une décision politique pour changer le système scolaire et personnelle car chaque enseignant peut décider de placer les compétences émotionnelles et relationnelles au cœur de son enseignement.

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Source : Aider les élèves en difficulté d’apprentissage : L’influence de l’attachement sur le comportement en classe de Heather Geddes (éditions DeBoeck Supérieur). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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