3 axes de la pédagogie Freinet (une pédagogie émancipatrice, coopérative et non autoritaire)
3 axes de la pédagogie Freinet (une pédagogie émancipatrice, coopérative et non autoritaire)
Célestin Freinet était un pédagogue humaniste porteur d’une vision politique précise bâtie autour de trois grands axes :
- travail,
- coopération
- éducation populaire.
1.Travail
Pour Célestin Freinet, la vie sociale et politique a besoin de s’articuler autour du travail. Dans cette optique, le travail est envisagé comme émancipateur car il permet la réalisation de soi (en opposition au travail aliénant qui est forcé et n’apporte aucune satisfaction personnelle. Un travail peut être qualifié d’émancipateur quand il permet l’accomplissement de soi, tant au niveau personnel que collectif (être intégré dans un groupe, contribuer à ce groupe, recevoir et donner des signes de reconnaissance positive).
Dans le cadre scolaire, cet idéal d’émancipation passe dans l’engagement des enfants dans un travail qui fait sens pour eux, si possible de manière coopérative et en valorisant ce qui est vécu au quotidien. Cette articulation du travail individuel et collectif permet aux élèves de découvrir progressivement d’autres points de vue et des cultures éloignées.
Célestin Freinet a conçu des moyens vivants pour travailler les compétences utiles à l’émancipation des enfants à l’école :
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La production de petits livres
Chaque enfant est incité à écrire les textes de son choix (récits, reportages, poèmes, etc.) Il les propose ensuite au comité d’édition de l’école, constitué de représentants de chaque classe, qui vont relire, discuter et formuler des propositions d’amélioration aux textes. Une fois ceux-ci retravaillés, des exemplaires sont imprimés et pliés sous la forme de petits livres, puis vendus lors de certaines récréations ou d’événements. Les élèves peuvent même avoir le plaisir d’admirer leurs productions dans les rayons de la bibliothèque municipale du quartier.
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Les « Quoi de neuf ? »
Il s’agit d’un temps quotidien d’oral où les élèves prennent la parole pour présenter quelque chose de neuf, d’où le nom “Quoi de neuf ?”. Cette chose peut avoir rapport avec le quotidien des enfants ou un centre d’intérêt éveillé par une expérience personnelle. Cela donne généralement lieu à des questions intéressantes qui sont ensuite explorées à travers des recherches de la part des élèves qui vont développer des compétences et acquérir des connaissances.
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Les conférences
Les conférences ressemblent aux « exposés » : les élèves partent de sujets qui les intéressent ou les passionnent et font une présentation à la classe. Deux conditions sont en général obligatoires :
- Qu’un maximum d’élèves soit intéressé.
- Que l’élève ou les élèves qui proposent la conférence apprennent de nouvelles choses sur leur centre d’intérêt ou leur passion.
Dans ces deux cas, une trace écrite va être produite par et pour la classe.
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Des “vraies” situations de production d’écrit
En pédagogie Freinet, les élèves travaillent, entre autres, les compétences de français à partir de la correspondance et du journal scolaire.
Pour que les élèves progressent et travaillent les compétences qu’ils ne maîtrisent pas encore, l’enseignant doit bien connaître ses élèves et proposer à un élève (ou à un groupe d’élèves qui rencontre la même difficulté) un travail spécifique pour l’aider.
2.Coopération
Dans la pédagogie Freinet, la vie sociale et politique se pense nécessairement avec les autres. La coopération passe par plusieurs dimensions dans les classes Freinet :
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La participation à des œuvres communes
Chaque élève doit pouvoir retirer un bénéfice personnel de ses participations collectives, sans pour autant accepter les répartitions inéquitables des tâches. Pour ce faire, des conseils coopératifs sont régulièrement organisés. C’est l’occasion pour les élèves d’y exprimer des envies de projets, de s’associer avec d’autres et de penser ensemble les conditions efficaces pour travailler ensemble. Une attention particulière est portée aux modalités de prise de décision pour éviter la domination des plus forts, plus âgés ou plus populaires sur les autres.
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La coopérative scolaire
Dans les classes Freinet, les élèves sont associés à la recherche de financement pour les projets collectifs. Il n’est pas rare que, en plus d’une subvention de la coopérative de l’école en début d’année, les élèves volontaires récoltent de l’argent via des ventes qu’ils organisent (ex : vente d’exemplaires du journal de classe ou de petits livres rédigés par les élèves).
D’après l’Office Central de la Coopération à l’École, « le but des coopératives scolaires est, avant tout, d’éduquer les élèves (par l’apprentissage de la vie associative et la prise de responsabilités réelle en fonction de leur âge) à leur futur rôle de citoyens ». Des élèves volontaires tiennent un registre à jour et il existe une condition pour que la candidature soit retenue (avoir passé une sorte de qualification comme avoir un minimum de compétences en calcul validées par la ceinture bleue par exemple).
L’argent de la coopérative scolaire peut financer certains projets comme l’achat d’ingrédients pour un atelier cuisine ou l’achat de matériel pour une expérience, l’achat de jeux de société pour la récréation, l’achat de livres, etc. mais aussi et surtout le financement de projets de sorties scolaires. La règle est que chaque achat est proposé au conseil coopératif et soumis au vote de la classe.
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Le conseil coopératif (ou conseil des enfants)
le conseil des enfants est un outil de régulation que les enseignants peuvent activer dans une classe coopérative. Ces conseils sont des espaces-temps de débat réglé qui prennent la forme d’une réunion coopérative à laquelle tous les élèves de la classe participent.
Fernand Oury, fondateur de la pédagogie institutionnelle, disait que le conseil des enfants est « l’œil, le cerveau, le rein et le cœur du groupe ». Le conseil coopératif ne doit pas être un outil mis au service de la discipline unilatérale d’un enseignant qui fait semblant de consulter les élèves mais finit par imposer ses propres décisions par une sorte de manipulation. Les élèves ne sont pas dupes.
Ce type de conseil n’a de sens et d’efficacité que dans une pédagogie coopérative et montre ses limites dans le cadre d’une pédagogie traditionnelle, qui ne laisse pas (ou peu) de liberté aux enfants et fixe l’acquisition des savoirs académiques comme objectif unique (l’éducation morale et civique y étant vu comme le seul moyen d’éducation à la démocratie…).
Pour aller plus loin : Le conseil des enfants dans une classe coopérative : réfléchir, réguler et décider ensemble
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Le message-clair pour la résolution de conflit
Célestin Freinet a été un ardent défenseur de la paix et son engagement pacifique passe par la reconnaissance de la vie de chacun et par l’apprentissage d’une résolution non-violente des conflits. Quand un conflit apparaît au sein du groupe ou entre deux élèves, ces derniers peuvent utiliser des techniques pour lesquelles ils ont été formés, notamment le message-clair. Les élèves peuvent aussi aborder les problèmes en conseil coopératif, afin que l’intelligence du groupe tente d’y apporter des réponses.
3.Education populaire
En pédagogie Freinet, l’organisation coopérative du travail est pensée dans le but d’une éducation populaire, de manière à ce que l’école participe réellement à l’émancipation des plus pauvres, à la lutte contre toutes les formes d’emprise et à la construction d’une société humaine à la fois paisible et plus juste.
Eduquer y est synonyme à la fois d’affranchir et d’acculturer, dans le sens où l’école conduit vers une culture non directement présente dans la vie spontanée des enfants. Les pédagogues Freinet tentent de trouver un équilibre entre la permission des tâtonnements naturels via des essais/ erreurs et un étayage permettant un rapport au savoir. Un étayage est un soutien de la part d’un adulte sous forme d’une aide, d’une ressource, d’un accompagnement, afin que les élèves ne se retrouvent pas démunis, découragés parce que seuls et isolés. Ainsi, des ressources variées sont présentes et accessibles au sein de la classe pour que les élèves s’en servent afin de réaliser les projets dont ils sont auteurs.
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Pour aller plus loin : Les pédagogies Freinet : origines, valeurs et outils pour tous (éditions Eyrolles). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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