Neurosciences : 15 neuromythes toujours prégnants en pédagogie
Neurosciences : 15 neuromythes toujours prégnants en pédagogie
On passe en revue plusieurs neuromythes dont celui des styles d’apprentissage. Quels sont les principaux neuromythes en pédagogie ?
1. On a une bonne ou une mauvaise mémoire
Il existe plusieurs mémoires et nous n’avons donc pas “une” bonne ou “une” mauvaise mémoire. On peut distinguer plusieurs types de mémoires :
- les mémoires sensorielles (cette mémoire stocke toutes les informations sensorielles de manière extrêmement transitoire et est indisponible après quelques centaines de millisecondes)
- la mémoire de travail (la mémoire de travail permet de maintenir et de traiter des informations de différentes natures pendant quelques dizaines de secondes mais seules sept informations peuvent être maintenues et manipulées en même temps; elle est sensible aux interférences et aux distracteurs présents dans l’environnement)
- la mémoire déclarative sémantique (la mémoire sémantique contient l’ensemble des faits et des connaissances acquises au cours de la vie et sa capacité est quasiment illimitée; les informations peuvent y être maintenues pendant plusieurs années, voire toute une vie, même si elles sont sujettes à l’oubli)
- la mémoire déclarative épisodique (la mémoire épisodique contient l’ensemble des événements et des souvenirs liés à notre histoire personnelle et sa capacité est quasiment illimitée; elle est moins sujette à l’oubli notamment quand les souvenirs sont chargés d’émotions)
- la mémoire procédurale (la mémoire procédurale est implicite; elle stocke toutes les procédures, routines et automatismes développés au fur et à mesure de nos apprentissages; elle est peu sujette à l’oubli mais nécessite qu’une même activité soit répétée un très grand nombre de fois pour être stockée).
2. Répéter et/ou relire un grand nombre de fois suffit pour apprendre par coeur
La répétition massée (rabâcher une information de nombreuses fois en un temps court pour la mémoriser) n’est efficace qu’à très court terme.
3. Les pseudosciences sont fiables
Les pseudosciences sont appelées comme telles car elles ne respectent pas le processus scientifique qui consiste à mettre à l’épreuve des données expérimentales méthodologiquement recueillies, sur la base d’un test statistique inférentiel. La science se différencie de la pseudoscience dans le sens où les scientifiques sont toujours prêts à remettre en cause leurs résultats et la véracité des connaissances en doute quand une nouvelle observation contradictoire surgit.
En lien avec les pseudosciences, on peut citer parmi les neuromythes en pédagogie la Brain Gym (ou kinésiologie), l’homéopathie, les fleurs de Bach ou encore la loi de l’attraction.
4. Apprendre des poésies par coeur muscle la mémoire
La mémoire n’est pas un muscle unique et le fonctionnement des mémoires est complexe. Leur spécialisation sur le type de signaux (mots, formes, visages, couleurs, odeurs…) conduit à retenir sélectivement les informations perçues selon leur nature.
5. Il y a des gens “cerveau gauche” et des gens “cerveau droit” (un des neuromythes les plus courants en pédagogie)
Les compétences qui permettraient d’attribuer à un individu des qualités (logique pour les cerveaux gauche et créativité pour les cerveaux droits) ne sont pas clairement associées à un hémisphère plutôt qu’un autre sur le plan biologique.
6. Chacun apprend de manière plus efficace selon son mode préféré (visuel, auditif, kinesthésique)
L’un des neuromythes en pédagogie les plus répandus est celui des styles d’apprentissage et des profils visuel/ auditif/ kinesthésique.
Aucune étude n’a été capable de montrer que le mode préféré de l’apprenant conduit à une efficacité plus grande en termes d’apprentissage ou de mémorisation. Il peut exister des préférences des élèves mais préférence n’est pas synonyme d’efficacité supérieure.
7. On peut oublier à volonté
Supprimer par le simple fait de la volonté et définitivement de la mémoire humaine une connaissance paraît inconcevable en l’état actuel des recherches.
Les recherches penchent plutôt du côté de l’inhibition et de la réorganisation du cerveau qui prend cependant du temps et nécessitent de l’entraînement. On ne peut donc pas dire qu’on puisse oublier “à volonté” comme si on pouvait décider du jour au lendemain d’oublier.
Par ailleurs, comme vu dans le premier point, la rémanence d’un souvenir dépendra beaucoup de l’émotion (agréable ou désagréable) associé : oublier un souvenir dont la charge émotionnelle est forte paraît impossible.
Encore une fois, tout dépend du type d’information : une information dans la mémoire de travail est vite oubliée (surtout s’il y a des distractions dans l’environnement au moment de l’encodage) mais une information stockée dans la mémoire procédurale semble presque ineffaçable.
8. On apprend et on retient à long terme du premier coup
Le traitement en mémoire de travail ne suffit pas pour une rétention à long terme. La première trace a besoin d’être consolidée plusieurs fois de manière espacée dans le temps grâce à une stratégie de révisions étalée dans le temps.
9. On ne se souvient pas, on croit se souvenir
Un souvenir est une reconstruction et cette reconstruction est souvent biaisée, involontairement et/ou volontairement, par des ajouts et/ou des modifications. Nous sommes tous tentés de combler des trous par des éléments qui nous paraissent plausibles (mais qui ne sont pas forcément véridiques).
10. Les garçons sont meilleurs en maths que les filles
Des études à la fois sociologiques et scientifiques ont montré qu’il n’y a aucun lien entre le sexe et les performances en mathématiques.
Si les filles se sentent moins attirées par les maths que les garçons, la cause n’en est pas neurobiologique mais culturelle : les stéréotypes influencent les goûts plus qu’on ne veut le croire.
11. Il ne faut pas entremêler deux types d’apprentissages (deux thèmes différents, deux types d’exercices différents, deux matières différentes)
L’apprentissage entremêlé est plus efficace pour la mémorisation à long terme car l’attention requise est importante pour passer de l’un à l’autre. L’effort déployé en mode “apprentissages entremêlés” a des effets positifs à long terme.
12. On est efficace dans des situations de multitâches
Nous sommes beaucoup à avoir l’impression d’être performants dans des situations de multitâches (par exemple, nous sommes tous capables de conduire et de parler en même temps). Or cette impression est biaisée par le fait que la conduite est une action automatisée et donc inconsciente qui mobilise peu de ressources attentionnelles.
Dès que nous nous engageons dans deux activités conscientes en même temps, l’une ou l’autre des activités en souffrira car le cerveau humain a beaucoup de mal à distribuer son attention sur plusieurs tâches simultanément. En fait, l’impression d’être multitâche n’est rien d’autre que le fait de passer d’une tâche à l’autre très vite (et le plus souvent au détriment de la qualité des deux).
13. Nous utilisons 10% de notre cerveau
Tous les neurones du cerveau humain servent à quelque chose… mais ne sont pas tous activés en même temps. Même quand nous sommes au repos, les imageries cérébrales ont montré que plus de 10% de nos neurones s’agitent.
14. Le bilinguisme freine le développement des capacités langagières de l’enfant
Cette question mérite réflexion car le développement des compétences langagières des enfants dépend d’un nombre important de variables et facteurs : âge, taux d’exposition, nature de l’apprentissage (immersion, apprentissage volontaire, par écran ou en interactions physiques), nature des langues parlées…
Cependant, l’acquisition précoce et simultanée de deux langues semble développer certaines capacités cognitives comme les fonctions exécutives (fonctions de haut niveau qui contrôlent l’ensemble des processus cognitifs de bas niveau).
15. Tout se joue avant 6 ans.
Tout ne se joue pas avant 6 ans (ni avant 2, 3, 4, 10 ou 25 ans). Le développement cognitif est très dynamique et se caractérise par des phases de progression, de stagnation et de régression. Bien qu’il existe des périodes de plus ou moins grande plasticité cérébrale, durant lesquelles le cerveau peut se reconfigurer plus rapidement à la suite d’apprentissage, cela ne signifie pas que le cerveau arrête de se développer après un certain âge : la neuroplasticité est possible à tous les âges de la vie (et les émotions agréables, l’enthousiasme sont des engrais pour le cerveau).
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Source : Les neurosciences cognitives dans la classe de Jean-Luc Berthier et collectif (éditions ESF Sciences Humaines). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.
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