Les enfants d’aujourd’hui arrivent en classe avec des corps moins préparés au fait d’apprendre que jamais dans l’histoire humaine
Le mouvement est une composante importante de l’apprentissage mais nous avons tendance à l’oublier dans les écoles.
Non seulement le mouvement augmente l’engagement du cerveau dans l’action mais le mouvement va également aider le cerveau à fonctionner plus efficacement en augmentant la quantité d’oxygène et de sang qui l’irrigue.
Les premiers systèmes sensoriels à maturer sont ceux qui gouvernent l’activité motrice (cervelet ) et l’orientation spatiale (système vestibulaire). Le système vestibulaire nous dit où se trouve notre corps dans l’espace, où se trouvent nos membres, et nous permet d’aller d’un point A à un point ou encore de rester assis ou debout sans tomber. Ces systèmes travaillent ensemble pour percevoir, rassembler et traiter des informations dans le but de planifier nos mouvements et de diriger notre attention.
Par ailleurs, les enfants ne sont pas des purs esprits ou des cerveaux désincarnés. Les enfants n’apprennent pas seulement à former des idées mais apprennent également à utiliser leurs mains, à parler, à interagir avec les autres ou encore à utiliser leur corps au service de leurs objectifs. Ces compétences se construisent justement par le mouvement, par l’interaction avec les autres, par le toucher, par l’engagement actif au sein d’un environnement donné.
En classe, on a trop souvent tendance à oublier que les élèves ont des corps (voire à considérer les corps comme des éléments gênants, source de nuisances).
Les conséquences du manque de mouvement chez les enfants
Un accroissement des problèmes sensoriels et moteurs
Angela Hanscom, ergothérapeute américaine spécialisée dans le développement de l’enfant, a remarqué un accroissement des problèmes sensoriels et moteurs chez les jeunes américains. Elle estime qu’il y a un effet de causalité entre ces problèmes (chutes fréquentes, problèmes de repérage dans l’espace, agressivité, motricité fine peu précise, problèmes de maintien de l’attention) et le manque de mouvement des enfants.
Les travaux de recherche de Angela Hanscom ont montré que plusieurs aspects du développement physique des enfants américains (sens de l’équilibre, repérage dans l’espace, proprioception, motricité fine, force des muscles longs, maintien de l’attention) sont en déclin.
L’ergothérapeute regrette que les enfants d’aujourd’hui arrivent en classe avec des corps moins préparés au fait d’apprendre que jamais dans l’histoire humaine. A cause d’un manque de mouvement, de plus en plus de jeunes enfants n’ont pas le développement musculaire et vestibulaire requis pour effectuer les tâches scolaires qui leur sont demandées. En parallèle, de nombreux professionnels (et parents) n’ont pas une bonne compréhension des besoins de mouvement des enfants et leur demandent de rester tranquilles, assis alors que c’est précisément le mouvement qui facilite l’attention.
Angela Hanscom estime que le système éducatif accorde trop d’importance (et trop tôt) aux performances académiques et aux activités structurées. Elle regrette également que nos mode de vie soient trop sédentaires et que les enfants ne soient (presque) plus autorisés à prendre des risques. Elle plaide pour une organisation scolaire qui permette aux enfants (surtout aux plus jeunes) de bouger tout au long de la journée, dans toutes les directions et de manière libre, auto dirigée (sans consignes de la part de l’adulte).
Comment introduire plus de mouvement dans les écoles ?
Angela Hanscom formule trois propositions pour introduire plus de mouvement dans les écoles :
- augmenter le temps des récréations (au minimum une heure par jour de récréation)
- autoriser les enfants à bouger même si cela nous paraît risqué ou non convenable (mettre la tête en bas, tourner en rond, escalader, sauter par dessus des choses…)
- passer du temps dans la nature, hors des murs de l’école (elle va même jusqu’à dire que les enfants de moins de 6 ans devraient passer au moins trois heures dehors par jour -> c’est ce que proposent les écoles dans la forêt dans certains pays)
Aller à pieds à l’école semble également une bonne idée :). De même, certaines activités ont été abandonnées à l’école (du type piquage ou broderie) à cause du risque (de se piquer ou que les aiguilles soient utilisées comme des “armes” j’imagine 🙂 ). Pourtant, prendre le temps de travailler patiemment et par le mouvement les pré-requis au geste d’écriture (notamment posture et tenue du crayon) a des effets très positifs. La pédagogie Montessori propose justement des exercices de vie pratique à cet effet; de même, l’approche de Danielle Dumont insiste énormément sur les pré-requis au geste d’écriture par des mouvements qui, a priori, n’ont rien à voir avec l’écriture manuscrite mais qui en sont en fait le fondement !
Cela peut nous paraître contre-intuitif mais savoir maintenir son attention, savoir écrire, savoir rester assis plusieurs minutes d’affilée n’est pas le fruit d’une obligation à rester attentif et assis dès le plus jeune âge. Il s’agit plutôt du résultat final de beaucoup de mouvement !
S’asseoir sur une chaise, tenir un crayon, tourner les pages d’un livre trouvent leurs racines dans la construction progressive de la stabilité du bras, de la précision de la motricité fine, de la longueur des muscles ou encore du repérage dans l’espace. Cette construction ne passe pas par le fait de rester assis mais par le mouvement…
Et avant la scolarisation et en dehors de l’école ?
Beaucoup de choses se construisent avant l’âge de la scolarisation donc (ré)introduire du mouvement et de la prise de risque passe par le quotidien en famille, à la maison et ce dès le plus jeune âge.
L’approche de la motricité libre propose justement d’autoriser le mouvement libre des bébés. Le crédo d’Emmi Pikler, créatrice du concept de motricité libre, était qu’il ne faut pas empêcher un enfant de se mouvoir (par exemple en le laissant attaché dans un transat, en le faisant jouer dans un petit espace clos comme un parc ou en le mettant dans un trotteur/ youpala) ni le mettre dans une position qu’il ne sait pas encore prendre de lui-même.
Emmi Pikler affirme que, lorsqu’un enfant est maintenu dans une position plus évoluée que celles qu’il a déjà acquises, certains de ses groupes musculaires sont condamnés à la passivité (par exemple, les jambes d’un bébé qu’on maintient assis) ou qu’une tenue défectueuse provoque des crispations (par exemple, quand on fait marcher un enfant qui ne marche pas encore tout seul).
L’autonomie est bel et bien un mode de vie, pas des petits moments octroyés par ci par là. La confiance en soi et la conscience en soi sont fondamentalement soutenues par la motricité libre parce que le petit enfant fait à la fois ce qu’il veut et ce qu’il peut, il sait qui il est et où il est.
Cela peut passer par des choses assez simples au quotidien : marcher au lieu de prendre la voiture ou la poussette, aller plus souvent au parc ou jouer dehors, prendre les escaliers, proposer une draisienne au lieu des porteurs, diminuer les temps structurés imposés aux enfants (4 activités structurées hebdomadaires ne sont pas nécessaires, voire même contre productives…).
C’est d’ailleurs un des fondements du mouvement de l’éducation lente (et probablement une des raisons de sa propagation) :
- plus de temps libre et de temps passé dehors, moins d’écran,
- plus de relation et de connexion émotionnelle, moins de planification.