Les difficultés rencontrées par les enfants dys en situation de double tâche

Les difficultés rencontrées par les enfants dys en situation de double tâche

Les difficultés rencontrées par les enfants dys en situation de double tâche

Les enfants en difficultés n’ayant pas automatisé certains traitements (lire, écrire…) sont le plus souvent soumis à des tâches multiples : dissocier les tâches est donc fondamental pour eux.

En effet, les capacités attentionnelles de tous les élèves sont limitées. Personne ne peut faire un nombre infini de choses à la fois parce que des traitements nouveaux et sophistiqués, non automatisés, saturent les capacités d’attention.

Ce phénomène de saturation est lié aux situations de doubles tâches dans lesquelles les élèves sont débordés par des tâches simultanées. Heureusement, cet “embouteillage” ne se produit pas tout le temps. Le phénomène de saturation ne se produit que lorsque la ou les tâches sous-jacentes ne sont pas (encore) implicites (et donc réalisées de manière automatisée).

Un enfant en difficulté est constamment en double tâche.

Un enfant présentant des troubles dys ne parvient pas à atteindre l’automatisation des tâches.

Dyslexie

Chez l’enfant dyslexique, la lecture va rester lente, laborieuse. Il va continuer à mobiliser explicitement certaines règles de conversion grapho-phonologique (transformer des lettres écrites en sons).

Ce travail, lourd et coûteux du point de vue cognitif, va occuper toutes les capacités attentionnelles de l’enfant, ce qui laissera très peu de place à la compréhension du contenu.

Si un enfant dyslexique doit lire un texte pour répondre à des questions de compréhension, il va s’atteler à une lecture précise du texte, ce qui va l’empêcher de réfléchir et mobiliser ses idées. Le temps nécessaire à la tâche s’allonge. Soit l’enfant ne parvient pas à terminer dans le délai imparti, soit ses réponses sont incomplètes et/ou fausses (s’il décide de privilégier la rapidité à la compréhension, source de contre sens).

L’enfant ne fait pas exprès de “mal lire” : il opère des choix dans une situation d’économie de son attention.

Dysgraphie/ dyspraxie

Si former ses lettres, les tracer de manière fluide et lisible est une tâche difficile et coûteuse, l’enfant qui doit donner ses réponses à l’écrit est rapidement pénalisé. Il doit trouver un point d’équilibre permanent entre l’attention qu’il va porter à la lisibilité et celle qu’il va mobiliser pour donner des réponses pertinentes.

Copie

Lorsqu’on lui demande de recopier ce qu’il voit, l’enfant dyspraxique ou dysgraphique va prendre peut-être un peu plus de temps que ses camarades n’ayant pas ce type de difficulté. L’enfant peut néanmoins sauter des mots ou ne pas respecter l’orthographe. Ces omissions ou erreurs ne sont probablement pas dues à un problème fondamental d’attention ou d’orthographe, mais au poids du coût attentionnel de l’acte d’écrire.

Dictée

Si on passe à une dictée, dans laquelle le but de la tâche est de mettre en évidence ses compétences en orthographe, on note rapidement une dégradation de la qualité de l’écriture.

L’enfant doit à la fois se focaliser sur une tâche complexe : récupérer l’orthographe d’usage des mots et appliquer les règles d’orthographe grammaticale. Mais il doit en même temps rester vigilant quant à la qualité de son écriture manuscrite. Il se trouve donc rapidement en situation de double tâche : écrire pour réaliser correctement une tâche d’un niveau supérieur, en l’occurrence une tâche d’orthographe.

Dysphasie (troubles du langage oral)

L’enfant dysphasique présente un trouble du langage oral : il est généralement à l’aise lors de la résolution de tâches complexes d’abstraction et de raisonnement. Sa pensée conceptuelle et logique est préservée.

Cependant, il peut être très en difficulté quand il s’agit de manipuler explicitement des concepts verbaux. Pour l’enfant présentant des troubles du langage oral, ce ne sont pas les idées en elles-mêmes qui sont difficiles à mobiliser, mais leur formulation (et donc leur retranscription, à l’oral ou à l’écrit).

L’étape décisive de mise en mots est généralement très coûteuse. L’élève peut être très gêné pour trouver les mots pour exprimer ce qu’il souhaite dire : c’est ce qu’on appelle un “manque du mot”.

La grande difficulté de l’enfant dysphasique est d’être en quelque sorte “étranger à sa propre langue”. Pour mieux comprendre ce que vit un enfant dysphasique, il est possible de faire le parallèle avec l’apprentissage d’une langue étrangère : nous pouvons être très à l’aise et pertinents dans notre langue maternelle, mais avoir nettement plus de mal à mobiliser des idées intéressantes dans une langue étrangère (sauf éventuellement dans notre domaine d’expertise pour lequel le stock de mots nécessaires est connu et aisément accessible, car utilisé tout le temps). De ce fait, bavarder pour le plaisir de la conversation est laborieux, la mémoire est limitée. Bref, nous ne sommes pas vraiment « nous-mêmes », avant d’avoir un certain niveau de fluidité et d’aisance, de telle sorte que la mise en mots de la pensée puisse être immédiate, sans passage par notre langue maternelle et sans nécessité d’une traduction intermédiaire. On ressent bien qu’à ce moment-là les idées sont disponibles, mais pas les mots. C’est exactement ce que ressent l’enfant dysphasique.

L’expression écrite : une tâche extrêmement complexe pour les enfants dys

Du point de vue des élèves

L’archétype de la tâche complexe, exigeant de convoquer simultanément et successivement de nombreuses compétences élaborées, est l’expression écrite.

Il s’agit d’abord de mobiliser ses idées, puis de les mettre en mots. Il faut ensuite les coucher sur le papier. L’enfant, qui doit rester lisible, doit simultanément convoquer l’orthographe d’usage des mots utilisés et l’orthographe grammaticale en fonction de la structure de la phrase. Il doit de plus s’assurer, au fur et à mesure de la rédaction, que la syntaxe des phrases est correcte. Enfin, à mesure qu’il construit sa composition, l’enfant doit anticiper la structure du paragraphe et celle du texte tout entier ! Il s’agit donc d’une tâche complexe qui mobilise de très nombreux savoirs et savoir-faire.

Si une ou plusieurs étapes ne sont pas suffisamment automatisées, l’ensemble de la tâche est compromis, car l’enfant aura du mal à coordonner, au sein d’un espace attentionnel limité, les différents traitements nécessaires.

Du point de vue des enseignants

Les élèves dys sont donc pénalisés en termes de fatigue mais ils sont souvent également pénalisés dans la manière dont ils sont ensuite évalués.

Même si les idées sont bonnes, l’enseignant se trouve lui-même à son tour en double tâche lors de l’évaluation : comprendre le contenu de la production écrite tout en déchiffrant les mots et les phrases qui peuvent être illisibles (dysgraphie/ dyspraxie) et/ou parsemées de nombreuses erreurs (orthographe, grammaire, conjugaison).

L’enseignant va alors être lui-même fatigué et plus enclin à juger sévèrement une copie sur la qualité de l’écriture manuscrite ou sur l’orthographe plutôt que sur la construction logique du récit, la richesse du vocabulaire ou le traitement  correct du sujet.

Force est de reconnaître qu’il est difficile de passer outre et de faire comme si le travail rendu était propre et aisément accessible.

C’est pour cette raison qu’il est important que les enseignants veillent à analyser leur objectif pédagogique d’une part et leur objectif cognitif d’autre part :

– que veut-on que l’enfant maîtrise à la fin de la leçon ?

– sous quelle forme est-il possible de le présenter ? (par exemple, production d’écrit tapée à l’ordinateur pour les enfants dysgraphiques)

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Source : Une école sans échec : L’enfant en difficulté et les sciences cognitives  de Hervé Glasel (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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