Dans nos relations avec les enfants, l’état de notre corps est important.

Dans nos relations avec les enfants, l’état de notre corps est important.

La théorie polyvagale de Stephen Porges professeur de psychiatrie à l’Université de Caroline du Nord, décrit le fait que le cerveau et le corps travaillent ensemble grâce à notre système nerveux. Cela signifie que notre système nerveux autonome (celui qui régule les fonctions involontaires comme la respiration, le rythme cardiaque, etc.) influence nos émotions, nos comportements sociaux et nos réactions face au stress. Quel est le rôle du corps dans les relations des enfants avec les adultes encadrants (professeurs, éducateurs, autres professionnels de l’éducation) ?

relations enfants corps

Quand nous nous sentons en sécurité et alignés, notre cerveau et notre corps sont différents :

  • le rythme cardiaque est lent,
  • la respiration est profonde,
  • les muscles sont détendus,
  • le sourire implique les yeux et la bouche.

La neuroception, ou le rôle du corps dans les relations des enfants avec les adultes encadrants 

La neuroception est le processus inconscient par lequel nous analysons constamment notre environnement pour déterminer si nous sommes en sécurité ou en danger. Selon cette évaluation, le corps et le cerveau décident (ou non) de mobiliser leur énergie pour faire face à une menace potentielle (l’affronter ou fuir). Si la vie est menacée, une option est de se dissocier, c’est-à-dire de se couper émotionnellement et physiquement (se mettre en « mode survie »).

C’est comme un programme qui tourne en permanence et qui demande : « Suis-je en sécurité ? »

Nous obtenons la réponse à cette question à partir de quatre domaines clés :

  1. Ce qui se passe dans notre environnement
  2. La manière dont les autres communiquent et entrent en relation avec nous (nous faisons-nous crier dessus ? humilier ?)
  3. Ce qui se passe à l’intérieur de notre corps (taux de sucre dans le sang, fatigue, soif, douleur)
  4. L’état du système nerveux de la personne avec laquelle nous interagissons

Nous sommes très sensibles aux autres et à leur état physique ou émotionnel. Nous savons, de manière instinctive, quand ce n’est pas le bon moment pour avoir une conversation avec quelqu’un, ou si nous nous sentons en confiance et à l’aise avec une autre personne.

Les enfants ont un radar neuroceptif sensible.

Les adultes disent souvent aux enfants : « Tu peux venir me parler, tu peux tout me dire. » Mais la neuroception montre que les enfants ne le feront pas, peu importe le nombre de fois où on le leur dit ou à quel point on pense qu’ils le feront, même s’ils l’ont promis. Ils ne viendront pas s’ils perçoivent que notre système nerveux est activé (colère, anxiété, stress, repli…).

Certains adultes ont vécu si longtemps avec un système nerveux en mode danger ou repli (souvent à cause de traumatismes vécus dans l’enfance, comme un accident, des maltraitances ou la mort d’un proche) que cet état activé est devenu leur état normal, sans qu’ils s’en rendent compte.

Les enfants, eux, le perçoivent : leur radar neuroceptif leur dit de ne pas s’approcher trop près, de ne pas se montrer vulnérables, car ce n’est pas sûr avec cet adulte-là. Notre corps et notre système nerveux peuvent contribuer à leur insécurité et la renforcer. On comprend alors que le point d’attention doit être mis sur nous-mêmes, en tant qu’adulte encadrant, et non uniquement sur les enfants.

Les gens se sentent en sécurité au contact de personnes ancrées (calmes et présentes).

Les personnes calmes et présentes peuvent écouter, faire des choix, soutenir un regard, faire preuve d’empathie et accueillir la douleur émotionnelle d’autrui sans y réagir. Il est possible de provoquer cet état d’ancrage, mais ce n’est pas facile car cela demande de regarder ce qui se passe à l’intérieur de notre corps.

Dans le cadre d’une relation adulte enfant, être une base de sécurité passe par le corps. Il est plus efficace de se concentrer sur son propre ressenti corporel plutôt que sur le comportement de l’enfant. Par ailleurs, c’est important de garder le système nerveux de l’enfant en sécurité et l’écoutant, sans le culpabiliser ni le gronder.

Si les enfants perçoivent que nous sommes en sécurité, ils viennent à nous. En effet, quand les enfants sentent que nous sommes calmes et respectueux, ils s’ouvrent et se confient.

Si nous voulons que nos enfants viennent nous parler et se confient, nous devons travailler à apaiser notre propre système nerveux. Au delà d’une simple dimension personnelle, cette approche des relations adultes/ enfants nécessite une dimension politico-sociale, notamment dans un contexte scolaire.

Sommes-nous prêts à agir pour réduire les facteurs économiques et sociaux qui stressent le système nerveux des adultes autant que celui des enfants ? Dans le système scolaire, cela passe par des points divers tels que le nombre d’enfants par classe, la présence d’enseignants spécialisés et de psychologues scolaires, le soutien de la hiérarchie, des salaires décents, une formation professionnelle solide, une formation continue de qualité, une médecine du travail, des bâtiments entretenus et chauffés, des cours de récréation sûres et proposant des coins de verdure, des compétences émotionnelles et relationnelles prises au sérieux…