La pollution attentionnelle : un enjeu de société, dès le plus jeune âge
La pollution attentionnelle : un enjeu de société, dès le plus jeune âge
Christophe André nous met en garde contre ce qu’il appelle la “pollution attentionnelle”. Cette pollution attentionnelle est d’autant plus marquée dans nos sociétés actuelles que les écrans ont envahi nos vies, dès le plus jeune âge. Christophe André est alerté par les conséquences de cette pollution attentionnelle chez les adultes et les enfants :
Du temps de qualité en moins
Les écrans induisent des compétitions dans la répartition du temps :
- compétition entre le temps d’écran et le temps d’interactions familiales
- compétition entre le temps d’écran et le temps de sommeil
- compétition entre un certain temps d’écran “futile” (jeux futiles, informations inutiles) et un temps de qualité (activités créatives, activités concrètes, manipulation, expériences, interactions “vivantes”…)
Le “réseau par défaut” (RD) désactivé
Il existe des zones cérébrales qui s’activent seulement quand on ne fait rien, quand on n’a pas d’activités intentionnelles. C’est le “réseau par défaut“. Chaque fois que notre cerveau est au repos, il se passe quelque chose :
– des souvenirs de vie sont traités
– plusieurs expériences sont mises en corrélation
– le cerveau donne du sens à ce qui a été vécu.
Le flow empêché
Le flow est une expérience optimale de vie. C’est un état de pure concentration où nous sommes entièrement concentrés sur la tâche que nous exécutons. Quand nous sommes dans l’état de flow, nous éprouvons un profond sentiment de satisfaction de vie. Nous prenons un plaisir intense, le temps n’existe plus, les efforts requis deviennent faciles. C’est en s’impliquant pleinement dans chaque instant que l’on accède à l’harmonie et à la joie et l’état de flow permet d’accéder au bonheur.
Mihaly Csikszentmihalyi, le père de ce concept, définit le flow comme
L’engagement dans une tâche précise (un défi) qui fournit une rétroaction immédiate, qui exige des aptitudes appropriées, un contrôle sur ses actions et une concentration intense ne laissant aucune place aux distractions ni aux préoccupations à propos de soi et qui s’accompagne (généralement) d’une perception altérée du temps constitue une expérience optimale (le flow). Cette dernière entraîne des conséquences très importantes : meilleure performance, créativité, développement des capacités, estime de soi et réduction du stress. Bref, elle contribue à la croissance personnelle, apporte un grand enchantement et émailler la qualité de la vie.
Le flow est un état de grâce qui se trouve au point d’équilibre entre compétences et difficulté de la tâche. Selon Mihaly Csikszentmihalyi, ces moments d’équilibre représentent la zone où on apprend car on est stimulé et on se sent vraiment “vivre”.
Si la situation présente un challenge inaccessible au vu de nos compétences, nous éprouverons de l’anxiété. Si le challenge est trpo facile au vu de nos compétences, nous éprouverons de l’ennui. Si la situation ne présente pas de challenge et ne stimule pas les compétences, nous serons dans un état apathique.
La pollution attentionnelle empêche la survenue du flow.
Les problèmes liés à la pollution attentionnelle
Chez les adultes
Les interruptions fréquentes de nos pensées et de nos actions par des sollicitations visuelles ou sonores (sonneries de téléphone, notifications sur le téléphone, publicités qui clignotent, flux ininterrompu de mails…) posent plusieurs problèmes :
1. Baisse de l’efficacité et de la qualité du travail : quand on est moins attentif, on risque de faire plus d’erreurs d’inattention, de bêtises.
2. Altération des capacités de stabilité attentionnelle.
3. Baisse du niveau de bien-être : plus on est dispersé, moins on est heureux. Etre conscient à ce qu’est notre vie maintenant augmente notre niveau de bonheur car on est pleinement conscient de la chance d’être en vie, on s’ouvre à toutes les petites grâces qui parcourent le chemin de notre vie.
Chez les enfants
Christophe André estime “inquiétant” que les cerveaux des enfants soient sans cesse sollicités : soit par des distractions ou des sollicitations visuelles, soit par des activités scolaires. Il estime qu’il manque un “temps d’inactivité” pour permettre au réseau par défaut de faire son travail. Les choses futiles coupent de la construction de l’identité personnelle, du sens des actions, de la “respiration de l’esprit”.
Jeanne Siaud-Facchin renchérit. Dans son livre “Mais qu’est-ce qui l’empêche de réussir ?'”, elle écrit :
Pour penser, pour laisser notre cerveau, divaguer, associer, créer, générer de nouvelles pensées, il a besoin de ne pas être occupé dans une tâche qui mobilise notre pensée.
La prochaine fois que votre enfant se plaint de s’ennuyer, vous aurez une réponse toute faite : “Tant mieux, tu penses ! Pour penser, il faut des moments où l’on ne fait rien, où notre cerveau est libre.”
Il est bénéfique de laisser aux enfants des moments de rêverie, des moments d’évasion dans leurs pensées. Rêver n’est pas seulement s’évader mais aussi s’adapter au monde, trouver des alternatives, imaginer des solutions à des problèmes rencontrés plus tôt.
Dans leurs rêves et rêveries, les enfants peuvent imaginer des scénarios, émettre des hypothèses, planifier des actions, préparer des solutions.
Grâce au rêve, je produis du sens et de la pensée sur quelque chose que je ne connais pas. Je me projette dans l’avenir, proche ou plus lointain. Je m’approprie une pensée personnelle. – Jeanne Siaud-Facchin
6 solutions pour lutter contre la pollution attentionnelle chez les adultes et les enfants
Voici 6 solutions pour à la fois vivre en pleine conscience et vivre plus souvent des moments de flow.
1. L’auto contrôle conscient
Cela nécessite une grande force de caractère : ne pas sortir le téléphone lors de temps morts dans la journée, couper les sonneries des notifications, ramener l’esprit qui divague sur le moment présent, ne pas forcément allumer l’ordinateur ou la télé au moindre temps libre…
2. Une philosophie ou une méthode sous forme de rituel
Christophe André conseille la méditation de pleine conscience. Il explique que les gens qui apprennent à méditer de manière régulière deviennent attentifs à ce qu’ils sont en train de vivre : plus ils pratiquent, plus ils éprouvent des émotions positives fréquemment.
Ce qui rend réellement et durablement heureux est de se rendre présent à sa vie telle qu’elle se déroule au quotidien.
La pratique formelle de la méditation se prête bien à ce point. Des livres, des CD ou encore des vidéos sont utiles pour les débutants. J’ai personnellement opté pour le livre de Christophe André “Méditer jour après jour” (accompagné d’un CD).
Pour les plus jeunes, mes préférences vont à “Calme et attentif comme une grenouille” (de 5 à 12 ans) et à “Tout est là, juste là” (pour les ados).
3. Le cerveau au repos lors des temps de transition ou d’attente
Lors des temps de transition ou d’attente (files d’attente, salle d’attente, trajet en transports communs…), il est possible de mettre le cerveau au repos : ne pas forcément lire un livre, jouer sur un smartphone, passer un coup de fil, regarder une vidéo, juste une présence non réactive au monde.
Cela peut passer par :
- la concentration sur le souffle (j’inspire, je suis conscient que j’inspire, je sens l’air entrer par mes narines, je sens l’air dans ma gorge, je sens ma cage thoracique se gonfler, puis se dégonfler, je sens l’air remonter dans ma gorge, je sens l’air sortir par mes narines, je suis conscient que j’expire) ,
- la concentration sur les parties du corps (j’inspire, je suis conscient de mon corps, j’expire, je relâche toutes les tensions de mon corps),
- l’observation sans jugement (je vois…, la dame fait…, l’enfant dit…, j’entends…, je sens telle odeur….).
4. Des plages de continuité (sans interruption)
Les interruptions rendent non seulement inefficaces mais participent à baisser le niveau de bonheur.
5. Des plages d’unité (une seule activité)
Le multitâche est mauvais pour le moral et pour l’efficacité des tâches en cours.
6. Provoquer des moments de “flow”
M. Csikszentmihalyi mentionne neuf éléments constitutifs de l’état de flow et qui en rendent l’émergence possible :
1. des buts clairement fixés à chaque étape du processus ;
2. chaque action est suivie d’une rétroaction immédiate ;
3. la difficulté de l’entreprise et les capacités de la mener à bien s’équilibrent (la tâche à accomplir ne paraît ni trop facile ni trop difficile) ;
4. conscience et action sont intimement mêlées (l’attention est entièrement fixée sur l’action en cours) ;
5. les distractions sont exclues de la conscience (intense concentration sur l’instant présent) ;
6. la crainte de l’échec disparaît (état décrit par certains sujets comme un contrôle absolu de la situation mais il s’agit plutôt d’une absence totale d’inquiétude en raison d’une conscience aigüe de ce qui doit être fait) ;
7. la conscience de soi disparaît et ressort paradoxalement renforcée une fois l’épisode de flow passé ;
8. la notion du temps se modifie (le temps écoulé durant l’activité peut paraître plus long ou plus court que ce qu’il n’est en réalité en fonction de l’activité menée) ;
9. l’activité devient autotélique, c’est-à-dire que l’on s’engage dans une activité pour le seul plaisir qu’elle procure, lorsque la plupart des conditions précitées se trouvent réunies.
Pour favoriser les moments de flow, on peut s’appuyer sur les points forts, les talents et les qualités de chacun.
Aussi bien les adultes que les enfants peuvent vivre des moments de flow : on peut s’observer soi-même (et observer les enfants) pour proposer des activités ou des environnements qui créeront les conditions favorables à l’émergence de l’état de flow.
- A quels moment de la journée je suis déconnecté(e) du temps ?
- Quelles activités je suis en train de faire dans ces moments-là ?
- Quels points forts j’utilise dans ces moments-là ?
- Qu’est-ce que j’aime faire ?
- Qu’est-ce que je sais bien faire ?
- Quel est mon niveau de compétences ?
- Quel est le dernier défi que j’ai réussi à relever ?
- Quel pourrait être le prochain ?