Les études, c’est pas pour toi : une phrase qui démotive et a valeur de prophétie auto-réalisatrice
Les études, c’est pas pour toi : une phrase qui démotive et a valeur de prophétie auto-réalisatrice
Les prophéties auto-réalisatrices : quand les croyances entravent les apprentissages scolaires
C’est le sociologue américain Robert King Merton qui a le premier défini les prophéties auto-réalisatrices :
La prophétie auto-réalisatrice est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie.
Par exemple, les actionnaires imaginent que le marché va s’écrouler et cela provoque un crack boursier. A l’inverse, la crainte d’un embouteillage peut amener à différer son départ et rendre le trafic plus fluide.
La puissance des prophéties auto-réalisatrices s’appliquent aussi en éducation : un enfant à qui on dit “Les études, c’est pas pour toi !” va alors acquérir la certitude qu’il n’est effectivement pas scolaire et que ça ne sert à rien de faire des efforts.
La notion de prophétie auto-réalisatrice va de pair avec celle d’impuissance apprise. Plusieurs psychologues ont démontré ce mécanisme scientifiquement. Martin Seligman est un psychologue comportementaliste qui a démontré dans les années 1960 qu’un animal finit par se résigner et se montrer apathique face à des chocs électriques qu’il subit sans aucune chance de s’y soustraire.
Martin Seligman a alors extrapolé ce mécanisme aux comportements humains : un enfant risque d’intérioriser des remarques du type “Ce n’est pas un cerveau que tu as, c’est une passoire !”, “C’est pas compliqué à comprendre pourtant !”, “Je ne sais plus quoi faire de toi !” et de se convaincre qu’il n’est effectivement pas capable d’apprendre du tout (à l’école ou ailleurs). Les psychologues parlent d’impuissance apprise (ou de résignation acquise) car c’est à force d’entendre qu’il n’est pas intelligent, qu’il n ‘arrivera à rien que l’enfant refuse de s’engager dans le travail et les apprentissages.
L’enfant finit par se persuader : A quoi bon faire des efforts si le résultat est toujours mauvais (et le sera à vie) ?
On comprend bien alors que la phrase “Les études, c’est pas pour toi” enferme l’enfant dans une catégorie dans une catégorie immuable. L’enfant se persuade que son échec scolaire est inéluctable. Or les performances, les trajectoires scolaires, les rythmes d’apprentissage et les difficultés dépendent d’un grand nombre de facteurs.
Identifier les raisons des difficultés scolaires
Il est utile d’avoir quelques-uns de ces facteurs en tête pour accompagner les enfants en difficulté scolaire :
- un trouble de l’apprentissage (du type dyslexie, TDA/H, troubles sensoriels…) ou même une myopie non détectée
- des problèmes relationnels à l’école (avec les camarades, avec l’enseignant.e…) pouvant aller jusqu’au harcèlement
- un manque de confiance en soi
- des troubles anxieux
- un fonctionnement atypique (préférence pour les activités manuelles, lenteur, besoin de mouvement non pris en compte…)
- un manque de sens dans les études (à quoi ça sert ?) qui entraîne un manque de motivation
Plutôt que poser une étiquette sur l’enfant, il est plus efficace de chercher à comprendre la nature des difficultés scolaires de l’enfant en échangeant avec les enseignants, en consultant des spécialistes (orthophonistes, psychomotricien, psychologue scolaire…).
Le plus important est de ne pas miner la confiance en soi de l’enfant car elle est sans doute déjà éprouvée par ses “mauvais” résultats.
Étiqueter l’enfant comme “non scolaire” n’a pas de valeur éducative ou pédagogique car l’enfant n’apprendra ni à persévérer, ni à améliorer ses stratégies, ni à surmonter les épreuves. Il ne peut pas non plus se projeter dans un futur plein de potentialités. Encourager et soutenir l’enfant, y compris en dehors de l’école, contribuera à renforcer sa confiance en soi. Il n’est pas impossible qu’un enfant possède des capacités qui ne sont pas valorisées par l’école, mais qui lui permettront de s’épanouir et de trouver éventuellement sa voie.
Le regard posé sur l’enfant a beaucoup plus de pouvoir que ce que nous pouvons imaginer.
Accompagner un enfant en difficulté scolaire
Aidez-le à diversifier ses centres d’intérêt et à cultiver ses passions
Les centres d’intérêt d’un enfant en difficulté scolaire peuvent être de puissants moteurs de progrès et même catalyser les apprentissages scolaires.
Cela suppose une bienveillance qui ne hiérarchise pas les personnes mais reconnait chacun dans ses potentialités, ses atouts et ses forces.
Lire aussi : Éducation positive : identifier les forces des enfants à l’école pour surmonter l’échec scolaire
Créez une ambiance propice aux apprentissages.
Une ambiance propice aux apprentissages touche plusieurs aspects :
- l’environnement physique de travail (bureau dégagé, éloignement des écrans lors des devoirs, méthode d’organisation à base de code couleur, possibilité de bouger pendant les devoirs…);
- le domaine affectif : un enfant apprend mieux quand il se sent en sécurité affective, quand il se sent aimé tel qu’il est, quand il sent qu’il a le droit à l’erreur, quand son parent l’encourage en lui disant qu’il croit en lui;
- le domaine physiologique (possibilité de décharge physique avant les devoirs, sommeil suffisant, nourriture équilibrée, eau en quantité suffisante…).
Enseigner des méthodes de travail efficaces
Les méthodes de travail efficaces sont celles qui sont adaptées à chaque enfant et il est possible de tester des outils avec les enfants pour voir ceux qu’ils préfèrent et qui lui permettent d’apprendre plus efficacement :
- utiliser des supports visuels (des schémas ou dessins, des cartes mentales, orthographe illustrée...)
- manipuler ( additions ou soustractions par manipulation d’ objets, apprentissage des lettres de l’alphabet par la création en pâte à modeler…)
- chanter pour apprendre une poésie
- créer des histoires pour apprendre
- Un exemple en orthographe : Inventer des histoires pour mémoriser les règles orthographiques
- faire des comparaisons avec des éléments connus ou des associations d’idées
- apprendre à créer des moyens mnémotechniques ou des acronymes
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Source : Les phrases à ne plus dire à son enfant de Natacha Deery (éditions Larousse)