Des pistes pour accompagner les enfants qui n’aiment pas l’école

Quand un enfant n’aime pas l’école : une double pression

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Dans l’émission Grand bien vous fasse sur France Inter du 7 novembre 2018, Bruno Humbeeck et Marie Perarnau ont échangé avec Ali Rebeihi sur les manières d’accompagner un enfant qui n’aime pas l’école.

Le principal problème quand on aborde les enfants qui n’aiment pas l’école est que l’école est sur investie parce qu’elle représente un ascenseur social, une sorte de valeur refuge dans une société qui produit de l’exclusion et de la précarité.

Or le système scolaire français est porteur de lourdeurs et de traditions peu compatibles avec les mécanismes de l’apprentissages humain (peur de l’erreur, de longues plages de temps à rester immobiles, un enseignement principalement magistral et frontal, l’importance des notes et du classement, punitions, stress…).

Cette double pression (peur de l’exclusion sociale et système scolaire stressant) est à l’origine d’anxiété à la fois chez les parents et les enfants.

Les injonctions (même inconscientes), les blessures des parents et la peur du déclassement entraînent les parents à mettre beaucoup de pression sur les épaules des jeunes. Les parents vont être tentés de sur solliciter les enfants et de leur mettre la pression pour réussir à tout prix, quitte à sacrifier la bonne ambiance familiale et l’estime de soi des jeunes aux notes et aux devoirs (voire leur santé physique).

Les neurosciences ont montré que l’anxiété et le stress ressentis par les enfants et adolescents les empêchent de réfléchir car les hormones du stress bloquent l’accès aux fonctions supérieures du cerveau.

Un enfant rendu anxieux est un enfant qui est mis en position de ne pas pouvoir être performant à l’école. – Bruno Humbeeck

Des émotions à écouter et à comprendre

L’émotion de l’enfant n’est pas un problème et est toujours justifiée : si l’enfant n’aime pas l’école, s’il est en souffrance, s’il a peur de l’école, s’il est en colère contre son enseignant, ces sentiments sont à entendre et à déchiffrer, à décoder. Cela peut se faire en plusieurs étapes pour repérer où se situe l’inconfort :

1.Qu’est-ce que tu ressens ? Comment ça fait en toi ? Où est-ce que ça se passe ? Qu’est-ce que tu te dis ?

2.Qu’est-ce qui t’amène à ressentir et penser cela ? Qu’est-ce qui a déclenché cela ?

3.De quoi aurais-tu besoin ? Qu’est-ce qui t’aiderait ? As-tu des idées de solution pour que cela se passe mieux ?

Il se peut que l’enfant ne sache pas répondre à ces questions et il est de la responsabilité des parents de se mettre en mode enquêteur pour comprendre ce qui se passe, en gardant en tête qu’un enfant/ ado a toujours de bonnes raisons d’éprouver ce qu’il ressent. L’écoute empathique et sans jugement est utile à cet effet.

Ce travail de compréhension peut être difficile si le jeune a du mal à mettre en mots ses émotions et ses pensées et/ou s’il ne veut pas le faire (par honte ou par peur par exemple). Cela est d’autant plus difficile quand on est parasité par nos propres souvenirs scolaires (qu’ils aient été bons ou mauvais) car cela nous empêche d’accéder à la réalité de ce que vit l’enfant ici et maintenant.

Beaucoup d’enfants vont dans l’école parce qu’il y a l’obligation scolaire mais ne vont pas à l’école parce qu’il y a du plaisir à apprendre. – Bruno Humbeeck

Lire aussi : 11 outils pour aider un enfant anxieux à dépasser son anxiété

Des pistes pour accompagner les enfants qui n’aiment pas l’école

Plusieurs pistes peuvent être explorées :

  • un rendez-vous avec l’enseignant pour faire le point sur les difficultés (d’ordre pédagogique et relationnel) et les stratégies mises (ou à mettre) en place;

 

  • un rendez-vous médical pour un éventuel diagnostic selon les suspicions (orthophonie en cas de suspicion de troubles dys, neuropsychologue pour les troubles de l’attention, ophtalmologiste ou orthoptiste pour une grande fatigabilité, psychologue pour un test de QI…);

 

  • des activités “douces” pour alléger le stress (médiation animale, art thérapie, cohérence cardiaque, créativité et activités manuelles tels que la poterie, le tricot, la sculpture sur bois…);

 

 

  • des changements de scolarisation (changement d’école, instruction en famille, réorientation, école alternative type Montessori ou Sudbury…);

 

  • un lâcher prise parental sur les attentes et les notes (les jeunes étant bien plus que leurs notes) pour diminuer la peur de l’échec et la peur de décevoir chez les enfants;

 

  • un valorisation des intérêts et des points forts des enfants et adolescents en dehors de l’école (voir le jeu de cartes des forces);

 

  • reconnaître tous les types d’intelligence et toutes les forces des enfants pour transmettre à l’enfant la foi en ses capacités (ce qu’ils aiment faire, ce qu’ils savent faire, ce qu’ils ont réussi dans le passé, ce qu’ils peuvent apprendre aux autres…);

 

  • veiller à maintenir du lien nourricier et de la chaleur au sein du foyer (à travers de l’écoute, des temps partagés sans parler d’école, des jeux partagés, des films regardés en famille, des rires, des sorties dans la nature…)

Par ailleurs, il est important de garder en tête que les outils sans le changement de posture ne sont rien : l’essentiel est dans le changement de posture (écoute, accueil de l’émotion de l’enfant, bienveillance, encouragement, parentalité en conscience). La plus grande crainte des enfants est un retrait affectif de leurs parents et ils ont besoin d’être aimés inconditionnellement pour retrouver confiance en eux. On ne parle ici ni de punition ni de récompense mais d’accueil émotionnel, d’encouragement, de présence, d’écoute véritable, de lien, d’attachement.

Quand un sentiment de terreur s’installe au long cours et que les manifestations de rejet de l’école sont physiques (maux de ventre, maux de tête, vomissements…), on parle de phobie scolaire. Il s’agit d’une réelle souffrance à entendre et à comprendre. Les équipes enseignantes peuvent être d’une grande aide, ainsi que les associations de parents (telles que phobiescolaire.org).

Pour les collégiens et les lycéens, la question de l’orientation est primordiale : les filières techniques et professionnelles sont des options à explorer sérieusement, de même que les Maisons Familiales Rurales.

 

Le rôle des enseignants

Toute personne qui apprend passe par des périodes de troubles, de déstabilisation parce qu’apprendre, c’est comprendre qu’on ne sait pas encore ou que ce qu’on croyait vrai ne l’est pas. Les jeunes ont besoin d’une estime de soi stable et résistante à cette déstabilisation et aux échecs. En effet, apprendre, c’est comprendre pourquoi on se trompe… encore faut-il accepter de se lancer en prenant le risque de se tromper et reconnaître son erreur quand c’est le cas.

Un des plus grands démolisseurs de l’estime de soi des enfants est l’étiquetage qui fige et décourage : “tu es nul”, “les maths, c’est pas ton truc”, “tu es bête”…

Bruno Humbeeck suggère une question à poser aux enfants pour les inciter à dépasser la peur de l’erreur : quelle belle question vas-tu/ as-tu posée aujourd’hui ? Petit rappel : il n’y a pas de question bête !

Les questions qui invitent à la progression (un 8/20 est une progression par rapport à un 5/20) et à l’élaboration de stratégies sont aussi efficaces : tu as progressé, comment tu as fait ? quel est ton objectif pour la prochaine évaluation ? comment vas-tu t’y prendre ?

cartes growth mindset

Les enseignants ont également un rôle dans l’assurance d’un cadre sécurisé et propice aux apprentissages, à travers la régulation des violences et du stress. On ne peut pas demander à un enfant de s’investir dans son travail quand il se sent en insécurité à cause de moqueries, de mise à l’écart par un petit groupe, voire de harcèlement (que ce soit par les adultes en termes d’humiliations ou des autres élèves). Cela peut passer par :

La question des devoirs est également à interroger : quand les enfants rentrent à la maison, l’école n’est pas terminée. Les devoirs sont source à la fois de conflits familiaux et de stress. Certaines familles passent une à deux heures sur les devoirs des enfants par peur qu’ils ne décrochent, pour rattraper ce qui n’a pas été compris ou fini ou classe, par souci de bien faire. Il est à rappeler que les devoirs écrits sont interdits à l’école élémentaires.

Harmoniser les relations école/ famille

Bruno Humbeeck suggère aux parents de venir avec les émotions de l’enfant lors d’un rendez-vous avec l’enseignant plutôt qu’avec une plainte ou une agression envers l’école (ex : Mon fils a peur/ Ma fille a mal au ventre à l’idée de venir à l’école / La veille des contrôles, il n’arrive pas à dormir/ Elle est inquiète et a peur de se tromper…).

 

Certains enseignants vont beaucoup plus loin dans la prise en compte des souffrances des enfants à l’école qu’ils voient comme un symptôme de l’inadaptation du système éducatif à la nature humaine. Ils proposent de refonder ce qu’on appelle une école en s’appuyant sur les principes de l’école démocratique pour en faire un système ouvert sans note, sans compétition, en multi âge, en s’appuyant sur la résolution de conflits plutôt que la punition et sur le jeu libre plutôt que sur l’enseignement imposé de notions à un âge prédéfini.

Pour aller plus loin : 3 livres pour comprendre la puissance du jeu libre pour apprendre (et comment les écoles démocratiques en font la démonstration)

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Pour aller plus loin : Aider son enfant à bien vivre l’école – Phobie scolaire, maux d’école, difficultés d’apprentissage : comment réagir ? de Bruno Humbeeck (éditions Leduc S)

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