Éloge de l’erreur : apprendre, c’est comprendre pourquoi on se trompe !

Pour une vision positive de l’erreur

éloge de l'erreur

Apprenez à échouer ou vous échouerez à apprendre. – Tal Ben Shahar (psychologue)

Les erreurs sont un sujet de discussion qui soulèvent les passions. Dans la conception traditionnelle, et bien répandue à l’école, l’erreur est souvent quelque chose de négatif. Elle se pense en termes de manque (ignorance, non acquisition ou non maîtrise, absence de travail ou d’efforts). La responsabilité de l’erreur est donc souvent renvoyée du côté de l’enfant (qui n’a pas écouté, qui n’a pas assez travaillé, qui n’a pas bien lu l’énoncé, qui a mal compris, qui ne s’est pas forcé), exceptionnellement du côté de l’adulte (parent ou enseignant qui a mal expliqué).

Dans la conception traditionnelle, il suffit donc de combler ce manque et de :

  • réexpliquer,
  • encourager les enfants à travailler par des récompenses
  • punir pour qu’ils se mettent au travail,
  • proposer de nouveaux exercices pour s’entraîner plus.

L’objectif est de remplacer l’erreur par la vérité et cette correction passe nécessairement par la prise en compte de la parole de l’adulte.

Pourtant, apprendre, c’est comprendre pourquoi on se trompe. C’est seulement quand l’erreur est acceptée des deux côtés (enfants et adultes) que tout devient possible : réflexion, apprentissage, progression, création, innovation, invention !

Il incombe donc aux adultes de dédramatiser l’erreur, de faire comprendre que l’erreur fait partie du processus d’apprentissage : c’est parce que je me trompe que je suis en train d’apprendre ! Une fois que l’enfant a compris qu’il faut pouvoir se tromper pour apprendre, il pourra donner un rôle positif à l’erreur sans la craindre.

Dans cette approche, l’adulte s’intéressera plus à faire expliciter  par l’enfant ce qu’il a voulu faire, plutôt qu’à ce qu’il a mal fait ou pas fait. L’adulte pourra ainsi tenter d’identifier les connaissances sur lesquelles s’appuie le raisonnement de l’enfant et en déterminer les origines possibles.

L’erreur n’est pas seulement l’effet de l’ignorance, de l’incertitude, du hasard […] , mais l’effet d’une connaissance antérieure, qui avait son intérêt, ses succès, et qui, maintenant, se révèle fausse ou simplement inadaptée. – G. Brousseau (didacticien des mathématiques)

Dans leur livre La pédagogie positive, Audrey Akoun et Isabelle Pailleur vont également en ce sens quand elles écrivent qu’il n’y a pas d’erreurs bêtes, il n’y a que des erreurs intelligentes.

 

Comment utiliser les erreurs comme leviers de progression dans les apprentissages ?

De l’importance des corrections personnelles (la métacognition)

80% des corrections faites en classe ne seraient ni mémorisées ni comprises par les élèves. Il serait donc pertinent d’accompagner les enfants à la maison dans la relecture de leurs exercices et évaluations corrigés en classe.

L’idée est à la fois d’analyser les erreurs mais aussi de valoriser les points difficiles surmontés. Ce regard sur les réussites permet de mesurer les progrès et de consolider la confiance en soi de l’enfant. Cela peut poser par des questions comme :

  • Comment as-tu fait ?
  • Par quoi as-tu commencé ?
  • A quelle leçon/ à quel autre exercice cela te fait-il penser ?
  • Comment aurais-tu pu faire différemment ?

 

Identifier la cause des erreurs

Dans leur livre Donner l’envie d’apprendre, Alain Sotto et Varinia Oberto proposent plusieurs pistes pour utiliser efficacement les erreurs dans les apprentissages des enfants :

1. Un problème de mémorisation ?

L’enfant peut se demander :

  • Qu’est-ce que je croyais savoir à ce sujet ?
  • Qu’est-ce que je sais maintenant ?

Si un enfant a du mal à mémoriser, vous trouverez des méthodes et des informations sur le cerveau pour faciliter la mémorisation :

Comprendre le fonctionnement de la mémoire pour aider les enfants présentant des difficultés de mémorisation ou d’apprentissage

Comment retenir ses cours efficacement : 5 astuces de mémorisation

 

2. Un problème de savoir-faire et d’application des connaissances ?

L’enfant connaît la leçon mais ignore quand et comment l’appliquer. Lors de la mémorisation d’une connaissance (une règle, un théorème, une définition, une date), l’enfant peut se demander : Quand et comment vais-je avoir à l’utiliser ?

L’élève peut aussi passer par les 5 questions de la compréhension pour s’assurer qu’il maîtrise la compréhension au delà de la simple mémorisation :

C’est quoi ?

Pour quoi faire ?

Comment ?

Avec quoi ?

Pourquoi ?

objectif mémoire les cinq questions de la compréhension

Illustration tirée du livre Objectif Mémoire de Hélène Weber

 

3. Un défaut d’automatisation ?

Il s’agit de transformer des savoirs en réflexes pour libérer l’esprit et appliquer automatiquement des règles. Ceci est notamment très important en orthographe.

Alain Sotto et Varinia Oberto écrivent  :”Si, dans un texte, les règles sont nombreuses, leur esprit débordé ne peut travailler correctement. Libérer son espace mental grâce à des réflexes, c’est récupérer de l’énergie, travailler mieux et de façon moins fatigante.” En langage plus savant, c’est ce qu’on appelle la surcharge cognitive.

Dans le processus d’apprentissage de la conduite, nous procédons de cette manière : nous ne faisons même plus attention quand nous passons une vitesse, mettons un clignotant ou regardons dans notre rétroviseur avant de doubler. Et c’est la raison pour laquelle nous sommes capables d’écouter de la musique ou de bavarder tout en conduisant.

Mais cette automatisation ne peut se faire qu’avec de l’entrainement : l’enfant ne peut se contenter d’apprendre, il doit utiliser souvent ce qu’il apprend. Par exemple, la mémorisation des tables de multiplication sera d’autant plus efficace que l’enfant les mobilisera dans des opérations de multiplication ou/et de division en plus de la récitation orale par cœur.

 

Vérifier et relire : des bonnes habitudes à prendre tôt…

… pour une bonne compréhension de la consigne

Dans la résolution de problème, dans l’étude de documents ou encore dans la rédaction d’un production écrite, la compréhension de la consigne est essentielle.

Il peut exister plusieurs réponses et/ou plusieurs méthodes d’arriver à une même réponse.

Il s’agit d’apprendre à vérifier que l’on répond bien à la question.

Cela peut passer par l’identification de mots clés, par la lecture de toutes les questions d’un devoir pour en déduire l’enchaînement logique, parfois même la réponse à une question est donnée dans la question suivante. L’enfant peut ensuite mobiliser ses connaissances et voir quelles sont celles qui s’appliquent dans ce cas précis.

Près de 50% des échecs (erreurs, contre sens, incompréhension, trous noirs) sont dus à la précipitation, à une lecture trop rapide de ce qui est demandé.

… pour s’auto corriger

La relecture en cours de travail et à la fin permet d’auto corriger un certain nombre d’erreurs. Cette relecture est encore plus efficace quand l’enfant la fait en fonction des erreurs relevées dans les contrôles précédents.

… pour s’auto tester

L’enfant peut vérifier s’il a bien retenu les connaissances qu’il avait à apprendre en se posant des questions : Qu’ai-je retenu d’important ?

Il peut faire l’exercice de les mettre sous forme de Mind Map ou d’encarts de mémorisation afin d’en tirer la quintessence.

Réfléchir, c’est au moins autant se poser des questions qu’apporter des réponses !

 

Les bénéfices de travailler à haute voix

Dans leur livre Donner l’envie d’apprendre, Alain Sotto et Varinia Oberto expliquent que les enfants à qui l’on demande de prononcer les mots d’une dictée font beaucoup moins de fautes d’orthographe que ceux qui les écrivent sans remuer les lèvres.

Le travail à haute voix est un soutien efficace car :

  • le fait de s’entendre sollicite un canal supplémentaire de mémorisation,
  • l’enfant qui apprend à voix haute a moins tendance à rêvasser,
  • un erreur peut “sonner” à l’oreille alors qu’elle ne déclenche pas de réaction à l’écrit (par exemple, en conjugaison),
  • la relecture à haute voix permet d’identifier les répétitions, les lourdeurs, les erreurs de syntaxe dans un texte,
  • l’enfant apprend ainsi à se parler dans sa tête.

La valorisation des erreurs dans la vie quotidienne (au-delà du travail scolaire)

Les erreurs, des opportunités d’apprentissage en famille

Jane Nelsen base son concept de Discipline Positive sur l’intégration de l’erreur dans le processus d’apprentissage. Pour elle, les erreurs sont de merveilleuses opportunités d’apprentissage dans la vie de famille. Jane Nelsen affirme qu’il serait merveilleux de dire à l’enfant : Tu t’es trompé. C’est fantastique ! Qu’apprends-tu de cette erreur ?

Elle donne dans livre La discipline positive quelques pistes en famille :

  • Chacun pourrait par exemple partager son “erreur du jour” et la leçon qu’il en a tirée,
  • Partir de ce qui est réussi et se centrer sur les forces avant de demander à l’enfant d’évaluer son erreur pour continuer ce qui est bien et progresser
  • Ne pas se précipiter pour intervenir quand les enfants se trompent pour leur apprendre à résoudre des problèmes par eux-mêmes.

Jane Nelsen écrit que si les enfants considèrent les erreurs comme marques de faiblesse, alors ils auront tendance à se sentir inadéquats et découragés alors qu’intégrer les erreurs dans le processus d’apprentissage permet de les assumer et d’en faire un exercice enrichissant :

Je me demande ce que je vais apprendre de cette erreur.

Le courage d’être imparfait : l’exemple des adultes

Jane Nelsen considère l’outil des 3 “R” de la réparation comme un moyen de transmettre le courage d’être imparfait. Ces 3 “R” utilisés aussi bien par les enfants que par les parents permettront d’apprendre des erreurs, de réparer ce qui est fait et d’améliorer les relations familiales.

les erreurs sont des opportunités dapprentissage

 

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Source : Donner l’envie d’apprendre de Alain Sotto et Varinia Oberto (éditions Le Livre de Poche)