8 idées pour cultiver la curiosité des enfants (et soutenir les apprentissages)

Garder intacte la curiosité des enfants, c’est fondamental !

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La curiosité, une condition des apprentissages humains 

La curiosité et la créativité sont souvent emmêlées de manière inextricable. C’est l’habitude de se demander “Pourquoi” et “Et si…“. Il est commun de dire que les enfants sont naturellement curieux. Ken Robinson, pédagogue anglais, explique que les personnes les plus douées pour la pensée divergente sont… les enfants de moins de 5 ans. Les personnes les plus créatives au monde seraient les enfants de maternelle.

Peter Gray, professeur de psychologie au Boston College et auteur de Libre pour apprendre, affirme que le fait d’enfermer une personne seule dans un environnement immobile (sans le moindre changement) dans lequel il n’y aurait rien à explorer, rien à faire,  rien à découvrir – rien à apprendre en somme ! -, est une punition considérée comme extrêmement cruelle dans toutes les cultures (même si les autres besoins physiologiques sont satisfaits). La curiosité des humains ne diminue pas quand ils grandissent mais elle prend des formes plus sophistiquées d’exploration.

Peter Gray mentionne plusieurs études qui mènent aux conclusions que, dans leurs tentatives de comprendre le monde, les bébés humains sont plus attirés par les événements qui vont à l’encontre de leurs attentes et de leurs hypothèses. Ainsi, Laura Schulz a mené une expérience auprès d’enfants de 4 ans auxquels son équipe avait présenté un même jouet de manière différente : à certains enfants, le fonctionnement du jouet était expliqué en détails (chaque bouton étant identifié à son action); aux enfants du groupe témoin, le fonctionnement du jouet était montré de manière sommaire (tous les boutons étaient appuyés en même temps si bien que les enfants ne pouvaient pas voir quel bouton actionnait quelle action). Les enfants du premier groupe n’ont presque pas joué avec le jouet parce qu’ils n’avaient pas grand chose à en apprendre. A l’inverse, les enfants du groupe témoin ont été conduits par leur curiosité à explorer le fonctionnement du jouet.

D’autres études ont montré les effets inhibiteurs de démonstrations complètes avec une seule manière de faire les choses (que Peter Gray compare à l’enseignement magistral) sur la curiosité des enfants… qui fait pourtant partie des mécanismes naturels de l’apprentissage !

Il se trouve donc que l’enseignement et l’intervention des adultes peut entraver les apprentissages à travers le court-circuitage de la curiosité. Les enfants ont tendance à ne pas aller au-delà de ce qui est enseigné.

Lien entre curiosité, jeu libre et apprentissages humains

L’attrait des enfants pour le jeu sert au même titre que la curiosité les apprentissages. Tandis que la curiosité motive les enfants à chercher des nouveaux savoirs et des nouvelles compétences, l’attrait pour le jeu les motive à pratiquer leurs nouvelles compétences et de les utiliser de manière créative.

Ainsi, la curiosité entraîne les enfants à s’approcher des choses inconnues et de les manipuler pour en découvrir les propriétés. L’attrait pour le jeu les conduit ensuite à s’entraîner et à devenir experts dans l’utilisation de ces nouvelles compétences dans un dessein personnel et créatif.

La curiosité est marquée par une concentration intense et continue, ponctuée par des moments d’expression de surprise, parfois mélangée à de la joie, quand de nouvelles découvertes sont faites. La curiosité est le plus souvent solitaire.

Après la phase d’exploration, les enfants commencent à jouer avec. Le jeu est caractérisé par une attitude plus détendue que la phase de curiosité, marqué par un air sérieux. Le jeu est également caractérisé par une recherche de partage avec d’autres humains et d’intégration d’autres objet dans le jeu que l’objet initial d’exploration.

Pour Peter Gray, l’attrait pour le jeu est la manière dont la nature s’est assurée que les jeunes mammifères pratiquent les compétences dont ils ont besoin pour survivre et s’épanouir dans leurs environnements. Il affirme d’ailleurs que la longue durée de l’enfance humaine est utile parce que les humains ont beaucoup besoin de jouer : les humains jouent beaucoup parce qu’ils ont beaucoup à apprendre !

 

8 idées pour cultiver la curiosité des enfants (et soutenir les apprentissages) 

1. S’émerveiller et prendre le temps

Que ce soit par la reconnaissance d’un beau paysage, d’une pièce de musique, d’une oeuvre d’art, d’un talent particulier chez une personne, apprécier la beauté et l’excellence permet à l’être humain de se connecter à quelque chose de plus grand que lui. – Julie Bazinet

L’expérience émotionnelle d’admiration et d’émerveillement sublime l’ordinaire en extraordinaire et rend la vie plus savoureuse, pleine de ces micros moments de bonheur. Cette expérience émotionnelle repose sur l’aptitude à trouver, à reconnaître et à prendre plaisir à s’émerveiller face à toute forme de beauté et face à ce qui touche la sensibilité.

Einstein disait qu’il existe 2 façons de vivre : l’une en faisant comme si rien n’est un miracle, l’autre en faisant comme si tout est un miracle.

Il suffit juste d’un peu d’obstination et un optimisme de volonté pour faire émerger ce qu’il y a de plus beau en soi et dans le monde : notre manière de voir et de regarder les événements qui nous touchent ! – Malek Boukerchi

Malek Boukerchi, conteur, coach et sportif, propose d’ajouter un examen d’émerveillement à nos examens de conscience : chaque jour, émerveillons-nous !

 

2. Poser des questions et alimenter la source des “pourquoi”

Il est vital d’impliquer les enfants dans nos discussions. On peut le faire de plusieurs manières :

  • montrer l’exemple en nous interrogeant nous-mêmes sur des choses du quotidien (“je ne sais pas faire cela, où est-ce que je vais pouvoir trouver l’information ?”, “qu’est-ce que ça donnerait si je faisais ça comme ça ? “),
  • demander l’avis des enfants sur ce qu’ils voient, les histoires qu’ils entendent, les événements qui se déroulent autour d’eux : “et toi, qu’est-ce que tu en penses ?”,
  • engager les enfants dans des discussions du quotidien : “tiens, le bus est en retard, est-ce que tu aurais une idée pourquoi ? qu’est-ce qui a pu arriver ?”,
  • pratiquer la philosophie de manière plus ou moins formelle et poser des questions à valeur métaphysique (l’important est la capacité à se poser des questions, à s’engager dans une réflexion poussée, à accepter de se contredire et d’être contredit, à savoir que le processus est finalement plus important que la réponse).

 

3. Passer autant de temps que possible dehors au contact de la nature

Dans son dernier livre « La famille buissonnière », Marie Gervais encourage la (re)connexion avec la nature pour vivre une vie plus autonome, plus réfléchie, plus intense car reliée au monde qui l’entoure et la nourrit.

Elle regrette que la majorité des enfants rentrent chez eux après l’école et passent de l’intérieur à l’intérieur : école, voiture, maison, écran.

Le temps passé dehors permet aux enfants de créer leurs propres scénarios, de faire leurs propres expériences, de détourner des objets et matériaux sans crainte du regard adulte, d’initier seuls leurs propres activités.

La capacité de transformer l’existant et la débrouillardise seront des outils précieux pour sa vie entière ! – Marie Gervais

Pour aller plus loin : 7 vertus d’une éducation nature (et comment ne pas éduquer des enfants “d’intérieur”)

 

4. Explorer, faire des expériences et créer

Les premiers pas sont de s’émerveiller et de s’interroger, mais le deuxième est d’agir. On peut mettre en action les idées imaginées : et si on remplaçait le beurre par de l’huile de coco ou les oeufs par des bananes dans la recette ? Qu’est-ce que cela donnerait ? Essayons pour voir !

On peut proposer des opportunités aux enfants d’observer physiquement les résultats de leurs hypothèses.  L’exploration et le passage à l’acte fournissent souvent de nouvelles questions et nourrissent de nouvelles idées à tester au cours de nouvelles expériences.

Exposons les enfants à de nouvelles idées et ils créeront de nouvelles questions !

5. Soutenir et encourager les passions

Il n’est pas nécessaire d’attendre que les concepts ou thèmes soient “au programme” de l’école pour nourrir la soif de connaissance des enfants.

Soutenir et encourager les passions des enfants (en proposant des livres, des sorties, des rencontres, des documentaires, des voyages en rapport avec ce qui enthousiasme les enfants) a un double effet bénéfique :

  • cela renforce la relation en créant des liens émotionnels forts via des souvenirs partagés et la preuve pour l’enfant que son avis compte pour l’adulte,
  • cela consolide la motivation intrinsèque des enfants (on n’apprend pas pour un examen ou une date butoir dans un objectif précis, mais on apprend par joie de comprendre et de penser, par l’élan qui satisfait un profond contentement de l’âme).

 

6. Autoriser les erreurs

La curiosité ne peut s’épanouir qu’à la condition que les enfants se sentent autorisés de faire des erreurs. Thomas Edison disait déjà en son temps : “Le simple fait qu’une chose ne se passe exactement de la manière dont vous l’aviez prévue ne signifie pas qu’elle soit inutile. ”

Au cours du processus de recherche pour créer l’ampoule électrique, Thomas Edison a toujours refusé de voir dans ses échecs successifs des échecs personnels, mais il les a vus comme le processus même qui le rapprochait, petit à petit, de l’objectif final.

On peut au contraire faire l‘éloge de l’erreur et encourager un état d’esprit de développement chez les enfants. Les échecs sont instructifs : ils sont un appel à s’améliorer et apprendre. Ce que les enfants apprennent ne cesse jamais d’être un travail, un chantier en cours. La réussite personnelle, c’est faire tout son possible pour devenir meilleur.e.

 

7. Le jeu libre et ouvert

Les petits d’homme sont les mammifères qui jouent le plus naturellement ! On peut cultiver la créativité naturelles des jeunes enfants de bien nombreuses manières :

  • les laisser jouer dans la nature,
  • mettre à disposition des jeux de construction divers et variés, à commencer par des blocs en bois,
  • provoquer des opportunités de créations artistiques (des classiques crayons de couleur à l’argile, en passant par la peinture ou le collage),
  • proposer des loose parts : les loose parts sont des petits objets mobiles, des matériaux naturels ou synthétiques, qui ont été trouvés, ramassés, achetés ou bien recyclés et qui peuvent être touchés, manipulés, transformés, transportés à travers le jeu. Les loose parts n’ont pas d’usage déterminé et donnent lieu à des jeux libres,
  • laisser les enfants jouer avec des “non jouets (le panier à trésors fait de pommes de pin, d’un fouet de cuisine, de couvercles en plastique et de foulards; la fameuse boîte en carton d’emballage; les reflets de la lumière à travers une vitre ou sur un disque…).

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8. Lire des livres vivants

Dans la pédagogie Charlotte Mason, le choix des livres qui seront lus aux enfants est le point clé de l’acte éducatif. La pédagogie Mason insiste sur les idées : les esprits des enfants ont besoin de nourriture sous forme d’idées.

Notre travail d’éducateur est d’exposer l’enfant à un maximum de belles et grandes idées : il a besoin d’une grande quantité de matière noble pour bâtir sa propre vie. (source La pédagogie Charlotte Mason par Laura Laffon)

Charlotte Mason estime qu’un des grands rôles de l’éducateur est de mettre à disposition des enfants des sources d’inspiration et de toujours veiller à ce que l’enfant soit entouré de belles idées nobles et inspirantes.

Pour elle, l’enfant a besoin de livres vivants en abondance. Ils sont vitaux pour le développement de sa vie intellectuelle car la vie intellectuelle a besoin d’idées vivantes

Or les histoires prévisibles, les listes, les résumés ne nourrissent pas l’esprit. Les meilleurs livres, poèmes et chefs d’oeuvre sont ceux qui créent la surprise chez celui qui les découvre.

Dans la pédagogie Mason, il est primordial d’immerger les enfants dans un bain d’excellents exemples de nature, de vie, d’amour, d’héroïsme… et de les laisser piocher ce qu’ils veulent. Leurs esprits sont indépendants, ils feront leur propre sélection parmi ce qu’on leur propose.

L’enfant doit avoir à sa disposition en grande quantité :

  • des livres de fiction, de poésie, de voyages, d’aventure, de récits historiques et de biographies stimulantes,
  • des livres avec des idées vivantes, pour nourrir l’esprit,
  • des idées nobles, qui placent le devoir comme une belle valeur et la nature comme quelque chose d’omniprésent,
  • des idées toujours exaltantes dans tous les domaines d’étude : géographie, grammaire, histoire, astronomie…

Pour aller plus loin : Petits conseils pour choisir des livres adaptés à chaque tranche d’âge (de 18 mois à 7 ans)

sélection livres vivants

 

En résumé :

Le fait de cultiver la curiosité des enfants a plus de chance de soutenir leurs performances “scolaires” ultérieures que le fait de les immerger dans un bain de “préparation” à l’école maternelle et primaire à travers des activités trop structurées.