A la découverte de la pédagogie Reggio : une approche globale de l’enfant pour cultiver la créativité et la pensée divergente
A la découverte de la pédagogie Reggio : une approche globale de l’enfant pour cultiver la créativité et la pensée divergente
J’avais envie de parler aujourd’hui d’une pédagogie qui est de plus en plus connue et qui gagne à être encore plus démocratisée. Il s’agit de la pédagogie Reggio, une approche innovante pour la petite enfance (crèche et maternelle).
Je ne me prétends pas spécialiste et je vous parlerai que de ce que j’en ai compris. J’ai proposé à ma fille des activités inspirées par cette pédagogie (et surtout ce que j’en ai compris et retenu). Je ne prétends donc ni à une présentation exhaustive, ni à une parfaite compréhension mais simplement à un partage d’activités qui m’ont été inspirées par ce que j’ai lu ou vu sur le sujet.
Les grands principes de la pédagogie Reggio
Cette pédagogie est à prendre comme une expérience plutôt qu’une pédagogie figée. La pédagogie Reggio tire son nom d’une ville italienne Reggio Emilia et le fondateur de ce modèle éducatif est Loris Malaguzzi.
Comme point de départ, Malaguzzi s’est posé une question difficile: quelle image ai-je de l’enfant ? Lui-même définit l’enfant comme plein de richesses et de ressources dès la naissance. Les enfants sont tous doués, créatifs, inventifs et possèdent tous un potentiel extraordinaire qui ne cessera jamais d’étonner les adultes. C’est donc une vision profondément optimiste qui guide la pédagogie Reggio.
La pédagogie Reggio s’appuie sur ces grands principes :
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écoute et relations humaines
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environnement
La richesse et la diversité de l’environnement passent par l’introduction de nombreux matériels, de diverses techniques et de la pensée simultanée des mains et du cerveau. L’environnement est un enseignant à part entière.
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transgression
Douter des vérités les plus rigides qui freinent la possibilité de penser différemment et cultiver l’imagination sont deux idées maîtresses.
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esthétisme
La pédagogie de Malaguzzi est aussi esthétique en raison de sa capacité de révélation, de sa capacité de montrer l’essentiel sous des angles nouveaux, en rapprochant des éléments apparemment éloignés.
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100 langages
Les racines de la connaissance sont multiples, le processus d’apprentissage n’est pas linéaire, la réalité présente de nombreux avantages, et les choses “dansent ensemble”. Tous les langages possèdent leur propre capacité expressive. Il n’y a pas de hiérarchie dans les langages (écriture, peinture, théâtre, photographie, parole, marionnette…)
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complexité
Les connexions ne sont pas nécessairement données, l’individu doit les fabriquer ou les vivre et, ce faisant, apprendre. La création de connexions est le souci principal. Les images, les langages du son, de l’odeur, de la lumière et du toucher renforcent la perception de la connexion entre toutes choses.
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espérance et foi en l’avenir
L’avenir est plein de possibilités. Quelque chose d’inattendu, de surprenant, de provocant, va découler des connexions que l’on crée.
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processus
Au lieu de considérer uniquement le résultat final d’une oeuvre, la pédagogie Reggio s’intéresse également aux processus créatifs. Les deux s’entrelacent et participent à l’invention créative.
Une pédagogie de la créativité
Invitations et provocations
En pédagogie Reggio, on peut laisser libre cours aux expérimentations des enfants, leur proposer des invitations (des provocations) ou les accompagner en fonction de leurs demandes.
Ce qui me plait particulièrement dans cette approche est la notion d’invitation ou de provocation : on invite l’enfant à créer en mettant à sa disposition des objets, du matériel pour provoquer des pensées, des questions, des discussions, des intérêts ou encore des idées. L’objectif des provocations est d’inviter les enfants à explorer le matériel et à s’exprimer. Les provocations peuvent être présentées de manière très simple (juste une photo ou un objet posés sur une table) ou plus élaborée (par exemple, une table sur laquelle sont posés des matériaux recyclés à côté d’un livre sur les robots et un schéma pour fabriquer un robot à partir de matériel recyclé par exemple). L’important est que les provocations soient présentées de manière attractive, en insistant sur la beauté de la chose.
Elles doivent demeurer ouvertes et sujettes à exploration, à une utilisation libre : si l’enfant ne suit pas l’objectif qu’on avait prévu en mettant en place la provocation, ce n’est pas grave. Il aura quand même fait un apprentissage, une création, une découverte… pas celle qu’on avait prévu mais celle qui l’intéressait lui :-).
Les 100 langages
J’aime aussi l’idée des 100 langages et de comprendre les choses dans leur complexité, sans “saucissonage”.
C’est pour cette raison qu’on propose de mélanger les approches, les matériaux, les textures.
Par exemple, j’avais proposé une séance d’argile à ma fille. Je lui avais mis à disposition une boule d’argile en lui disant qu’elle pouvait m’en redemander si besoin. J’avais également mis à sa disposition plusieurs bols avec divers éléments : un bol avec des pièces de 1 centime, un bol avec des pics en bois, un bol avec des grains de maïs et des clous de girofle, un bol avec des bouts de branche de sapin… Elle était libre de choisir ce qu’elle voulait parmi ces propositions.
Après plusieurs constructions qu’elle a faites et défaites (j’ai à peine eu le temps de les prendre en photo), elle m’a demandé à quoi servait l’argile à l’origine. Je lui ai donc expliqué que cela pouvait servir à fabriquer de la vaisselle, comme des verres, des vases ou des assiettes. Elle a alors voulu faire des verres et des vases. Elle a ensuite choisi de les faire sécher pour pouvoir les peindre le lendemain… elle en a même offerte un à sa copine pour son anniversaire ! Un vrai cadeau original et fait maison :-).
Un coin Reggio en classe ou à la maison
A la maison, j’ai installé une petite table qui servira aux activités inspirées par Reggio.
J’y ai installé un miroir, une table lumineuse faite maison (avec une boite en plastique et une guirlande en LED à l’intérieur) et des bocaux contenants des “loose parts” (marrons, châtaignes, glands, galets, pierres polies, perles transparentes, billes d’eau, grains de maïs, plumes…).
Les “loose parts” sont des pièces détachées ou des pièces libres qu’on laisse à la disposition des enfants. Elles peuvent prendre de nombreux aspects (naturels – pierres, graviers, sable, bout de bois, corde, coquillage…- mais aussi objets recyclés, bâtons de glace, rouleaux de papier toilette, couvercles…). L’objectif des loose parts est d’engager la créativité naturelle et l’inventivité des enfants.
Tous les enfants sont créatifs et curieux, c’est la raison pour laquelle l’environnement doit leur laisser l’opportunité d’exercer cette créativité et cette curiosité. Expérimenter, construire, bricoler, inventer, jouer, créer , manipuler, réinventer, déconstruire, développer tout un petit monde : telles sont les possibilités infinies offertes aux enfants par des loose parts en libre accès.
Ma fille m’a par exemple surprise quand elle a mis des billes d’eau colorées dans les coques de gland et les châtaignes creuses pour faire des bateaux ;-). C’était beau et ingénieux !
La lumière et les miroirs sont des composantes importantes dans cette pédagogie. Une ombre projetée n’est pas qu’une ombre, c’est tout un mystère, c’est une invitation à se poser des questions, à confronter des interprétations. C’est une pratique courante en pédagogie Reggio de dessiner des ombres par terre par exemple.
Les classes inspirées par la pédagogie Reggio disposent souvent de tables lumineuses et de matériel transparent ou translucide.
J’ai également un plus grand miroir sur lequel ma fille peut jouer et même écrire avec des feutres à la craie.
Des enseignants (de maternelle essentiellement) proposent des activités et des aménagements inspirés de la pédagogie Reggio en classe. En voici quelques exemples :
Dans le poème qui suit, Loris Malaguzzi souligne l’importance de la multiplicité des langages des enfants :
L’enfant est fait de cent.
L’enfant a cent langages
cent mains et cent pensées
cent façons de penser
de jouer, de parler,
cent toujours cent
cent façons d’écouter
d’étonner et d’aimer
cent joies pour
chanter et comprendre
cent mondes à découvrir
cent mondes à inventer
cent mondes à rêver.
L’enfant a cent langages
(et puis cent cent cent cent)
mais on lui en vole 99.
Ecole et culture
séparent tête et corps.
On lui dit de :
penser sans les mains
faire sans la tête
écouter sans parler
comprendre sans joie
aimer et s’étonner
à Pâques et Noël uniquement.
On lui dit de :
découvrir le monde
qui existe déjà
et sur cent
on lui en vole 99.
On lui dit que :
le jeu et le travail
la réalité et la fantaisie
la science et l’imagination
le ciel et la terre
la raison et le rêve
sont des choses qui
ne vont pas ensemble.
En somme, lui dit-on,
le cent n’existe pas.
L’enfant dit cependant :
le cent est bel et bien.
Source : REGGIO EMILIA 40 ans de pédagogie alternative
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Pour aller plus loin dans la découverte de cette pédagogie : Reggio Emilia, une pédagogie innovante de la petite enfance de Adeline Charneau et Kevin Rebecchi (auto édition). Disponible sur interne et en librairie sur commande.