Comment aider les élèves à sortir de la résignation et à se motiver ?
Comment aider les élèves à sortir de la résignation et à se motiver ?
La théorie de l’espoir pour aider les élèves à se motiver
Certains élèves se sont résignés et ont fini par abandonner l’idée même de faire des efforts parce qu’ils se disent que cela ne sert à rien. Les discours du type “Ce n’est pas la peine”, “C’est comme ça, je ne suis pas faite pour les maths”, “Je ne serai jamais à la hauteur” ou encore “J’ai toujours été nul en orthographe, ça ne sert à rien d’essayer” traduisent le fait que l’élève a développé l’idée qu’il n’a plus aucun pouvoir d’agir.
La “théorie du manque d’espoir” (Abramson, Metalsky et Alloy) décrit plusieurs phases qui mènent de la motivation à la résignation :
- la confiance : l’élève est motivé et essaie de bonne volonté;
- la déception : les actions entreprises ne mènent pas au résultat espéré, il y a un décalage réitéré entre la réalité et les attentes;
- le sentiment d’impuissance : dans la tête de l’élève, le lien est défait entre les actions et les résultats, il pense que ses efforts ne pourront plus jamais améliorer ses notes;
- la perte d’espoir : l’élève pense que c’est définitif et ne voit pas d’issue à la situation, il adopte un état d’esprit fixe en attribuant ses difficultés à des causes internes (manque de compétences, compétences requises inatteignables) ou externes (le prof lui en veut, c’est la faute de tel camarade qui a bavardé)
- la résignation, pouvant aller jusqu’à la dépression : passivité et démission face aux défis, retrait scolaire.
Un élève est motivé quand son sentiment d’efficacité personnelle et son sentiment d’autonomie sont élevés.
Le sentiment d’efficacité personnelle comme fondement de la motivation
Pour Albert Bandura, psychologue, l’auto-efficacité (ou le sentiment d’efficacité personnelle) est le fondement de la motivation. Bandura définit le sentiment d’auto-efficacité comme notre croyance dans notre capacité à parvenir à un objectif en fonction de stratégies actuellement à notre disposition. Ainsi, l’auto-efficacité désigne la conviction subjective de pouvoir réaliser efficacement des actions désirées, qui ont de la valeur pour soi, grâce à ses propres compétences. Cette notion est importante parce que cela signifie qu’un individu s’attaque (ou ne s’attaque pas) à une tâche exigeante en fonction de l’évaluation de ses propres compétences (c’est-à-dire ses capacités à faire face). Si cet individu s’estime capable de résoudre la tâche, alors il utilisera toutes ses possibilités pour y parvenir. Le sentiment d’auto-efficacité se traduit par la conviction de pouvoir effectuer la tâche avec succès.
Pour Bandura, le système de croyance sur son auto-efficacité, ou sentiment d’efficacité personnelle, est au fondement de la motivation, du bien-être et des accomplissements humains. Pour lui, si les gens ne sont pas convaincus qu’ils peuvent obtenir les résultats qu’ils souhaitent grâce à leur propre action, ils auront peu de raison d’agir ou de persévérer face aux difficultés. – Philippe Carré
Bandura (1997) identifie quatre facteurs sur lesquels se construit l’auto-efficacité. Ces facteurs n’ont pas la même importance : l’auto-efficacité se construit avant tout sur les expériences personnelles directes et sur l’observation de modèles inspirants, pas sur les simples encouragements. De plus, les encouragements sont efficaces sous plusieurs conditions.
L’auto-efficacité peut être renforcée par:
1. La maîtrise personnelle (expérience directe)
2. L’observation (apprentissage social)
3. L’état physiologique et émotionnel (bonne santé physique et mentale, régulation du stress)
4. La persuasion par autrui (les encouragements)
Pour aller plus loin : Des ressources pour développer son sentiment d’efficacité personnelle
Des pistes pour aider les élèves à se motiver en classe
Dans son livre Cerveau et émotions à l’adolescence, Ellen Bales liste quelques idées pour relancer et soutenir la motivation des élèves en classe. Elle rappelle qu’une activité doit respecter quatre conditions pour l’élève pour qu’une activité d’apprentissage suscite la motivation :
- accorder une valeur positive à cette activité : l’élève doit percevoir le sens pour lui (ce n’est pas le professeur qui doit être convaincu de l’intérêt de la tâche mais bel et bien l’élève),
- percevoir son utilité,
- se sentir suffisamment compétent pour réussir l’activité,
- pouvoir effectuer des choix (par exemple, dans l’ordre de résolution des exercices).
Cultiver l’état d’esprit de développement
Le simple fait de réussir une fois ou d’avoir une bonne note ne suffit pas à rompre avec la résignation parce qu’il peut arriver que l’élève attribue cette réussite à des causes externes (comme si c’était un coup de chance ou une gentillesse de la part du professeur qui a noté largement). Deux leviers sont à travailler :
- l’élève doit arrêter de penser que ses échecs et ses difficultés sont dues des causes incontrôlables,
- penser que ses réussites sont bel et bien liées à ses efforts.
Pour cela, il est utile de mettre l’élève en situation de réussite en allégeant le nombre d’exercices ou en permettant d’avoir le cours sous les yeux par exemple. Quand les notes progressent, il est recommandé de souligner pourquoi l’élève a réussi : il a persévéré, il a écouté les conseils, il a appliqué de nouvelles méthodes, il a travaillé. Cultiver l’état d’esprit de développement pour remplacer l’état d’esprit fixe vise à attribuer les bonnes performances à des causes sur lesquelles l’élèves peut agir (utilisation des connaissances, méthodes, entraînements, efforts).
Comme la motivation est en lien avec l’espoir, les professeurs ont un rôle à jouer dans le fait d’aider les élèves à imaginer un avenir plus optimiste. C’est possible en encourageant les efforts, en rassurant, en proposant des buts adaptés à leurs capacités.
Adapter l’activité
L’activité doit représenter un défi, ni trop dur, ni trop facile. Un succès qui n’a coûté aucun effort ou bien un échec dû à une incapacité à réussir une activité désintéressent rapidement. Si l’élève trouve la tâche à sa mesure, il aura le sentiment qu’il triomphera en persévérant.
Découper une tâche en plusieurs sous-tâche permet d’être moins impressionné et de se sentir progresser puisque l’atteinte de chaque sous-étape sera une réussite en soi.
Voir les erreurs et les échecs comme des conditions de l’apprentissage
Les sciences cognitives nous apprennent que le cerveau apprend précisément grâce à l’erreur. Un cerveau performant est précisément un cerveau qui fait des erreurs. Les études en neurosciences ont montré que le cerveau humain passe son temps à chercher à prédire des régularités du monde qui l’entoure et à comparer ces prédictions avec les observations issues de l’environnement. La prédiction est une activité essentielle et irrépressible du cerveau humain dès le plus jeune âge et notre cerveau apprend de ses erreurs de prédiction, qu’il les détecte par lui-même ou par un retour d’information de l’environnement : c’est ainsi que les connaissances sont “mises à jour”.
L’apprentissage repose donc sur des écarts aux attentes. Un cerveau qui ne commet aucune erreur de prédiction n’apprend pas. Ainsi, l’erreur a toute sa place dans les processus d’apprentissage.
L’humour et la dérision peut également être une approche efficace avec les jeunes enfants. On pourrait par exemple tenter de dédramatiser les erreurs avec des questions du type : “Si tu te trompes, tes sourcils deviendront-ils oranges ? Évidemment que non ! Ton cartable va-t-il se transformer en hérisson ? Mais non !”. Nous pouvons aussi demander aux enfants de raconter leur erreur la plus drôle. Une fois l’ambiance détendue autour de l’erreur, on peut dire que les erreurs sont en fait une chance : les erreurs sont la façon dont les humains apprennent. Nous pouvons être heureux de faire une erreur parce que nous saurons quoi faire la prochaine fois si nous acceptons d’analyser les raisons de l’erreur.
En tant que professeur, nous pouvons engager l’élève dans une démarche de métacognition pour identifier ce qui a manqué, ce qui est nécessaire pour réussir la prochaine fois, ce qui peut être fait dès maintenant pour remédier aux manques.
S’intéresser aux erreurs des élèves permet de comprendre les prédictions de l’élève, et de connaitre ses hypothèses. Dès lors que l’erreur est vue non pas comme un échec mais comme une information précieuse sur les processus mentaux en jeu chez l’élève : elle devient même une alliée pour les apprentissages.
L’engagement en classe
Ellen Bales suggère trois approches, basées sur les travaux de Mary Helen Immordino-Yang :
- adopter une approche participative en classe (commencer le cours par un vote, un choix, un QCM facile ou une anecdote du type “le saviez-vous ?”)
- susciter l’intérêt des élèves
- expliquer en quoi ce qui va être appris a été utile dans l’histoire humaine ou leur sera utile à eux personnellement,
- demander aux élèves de se mettre à la place de personnages historiques (pourquoi et comment telle découverte a-t-elle été faite ? comment vivaient tel peuple à l’époque et comment se sentiraient les élèves s’ils étaient placés dans ces mêmes conditions ? quelles décisions les élèves auraient-ils pris face aux problèmes de société de l’époque ?)
- anticiper les questions posées lors de l’évaluation qui portera sur ce chapitre
- faire un retour sur performance
- évoquer les aspects réussis, même si c’est minime : “tu as réussi à…. j’ai remarqué que tu as essayé de…”
- pointer les erreurs en précisant pourquoi c’est faux, quels étaient les attendus, où trouver des ressources pour se corriger (leçon, autres exercices, fiches méthodes, copie d’un camarade…)
La gestion du stress
Nous sommes plus performants et motivés quand nous sommes en bonne santé physiologique et mentale. Il est donc important d’être capable de percevoir nos sensations corporelles, de les prendre en compte et de les décoder pour réguler le niveau de stress quand il est élevé et/ou récurrent.
En classe, il est important de s’assurer que les besoins d’appartenance, de compétence et d’autonomie des élèves soient comblés. Par ailleurs, assurer un climat de sécurité physique et émotionnelle est la condition de la confiance : confiance en soi des élèves, confiance dans l’enseignant, confiance de l’enseignant dans les élèves, confiance des élèves dans l’institution au sens large. C’est quand le cadre est sécurisé, avec des règles coconstuites, acceptées par tous, stables et connues pour reconnaître et gérer les conflits (comme les conseils en pédagogie Freinet) que l’imprévu peut être intégré sans mettre en péril l’ensemble et que les élèves peuvent apprendre en étant encouragés à prendre des risques et s’engager dans des recherches et des apprentissages.
Par ailleurs, des outils de régulation du stress existent et peuvent être présentés aux élèves :
1/ mieux comprendre le rôle du stress afin d’en faire un allié : Changer de conception sur le stress et en faire un ami
2/ évaluer le niveau de stress : Baromètre du stress : évaluer le niveau de stress et prendre des mesures pour éviter le surmenage intellectuel
3/ réguler le stress s’il est trop élevé
Des stratégies d’apprentissage efficaces
Enfin, s’appuyer sur des stratégies d’apprentissage qu’on sait efficaces est importante car il est inutile de faire toujours plus de choses inefficaces. Les neurosciences nous fournissent des données précieuses sur les stratégies d’apprentissage efficaces (et sur celles qui s’apparentent à des neuromythes et donc à laisser de côté des stratégies comme les profils auditif/ visuel/ kinesthésique).
Ainsi, on sait que juste relire une leçon est inefficace pour apprendre et mémoriser : Pourquoi juste relire pour apprendre et réviser est inefficace (et que faire à la place) Je vous propose un récapitulatif qui reprend les stratégies efficaces :