La joie est l’émotion de l’apprentissage

La joie est l’émotion de l’apprentissage

La joie est l’émotion de l’apprentissage

Apprendre et travailler, tant que ce sont des activités librement choisies, sont de grandes sources de joie, parce que cela nourrit notre impulsion exploratrice et nous permet de créer, de produire, d’avoir un impact sur notre environnement. – Isabelle Filliozat

Dans son livre Les chemins de la joie, Isabelle Filliozat rappelle que la dopamine est considérée comme la principale hormone de la joie (sans en être la seule responsable). La dopamine est un neuromédiateur du circuit de la récompense. Elle nous apporte une sensation de plaisir intense et, par là, permet la mémorisation des réseaux de neurones impliqués dans l’action amenant à ce plaisir. La dopamine nous motive à agir quand elle anticipe des perspectives intéressantes en lien avec ces expériences de plaisir passées et mémorisées.

Plus la « récompense » associée à une activité est importante, plus l’organisme s’en souvient et plus il cherchera à renouveler cette activité. – Isabelle Filliozat

La dopamine nous récompense quand nous réussissons et nous encourage à persévérer quand nous échouons de peu.

On comprend alors en quoi la joie nous aide à apprendre et nous motive à dépasser nos limites à travers la sécrétion de dopamine.

Plus de joie dans les apprentissages

Lien entre joie et liberté

Selon Isabelle Fillozat, afin de retrouver la joie d’apprendre, nous avons tout d’abord à reconquérir des espaces-temps de liberté. Nous gagnerions à laisser plus de liberté aux enfants pour qu’ils jouent librement, en dehors des directives décidées pour eux par des adultes. Cela est également valables pour les adolescents et les adultes.

Apprendre et travailler, tant que ce sont des activités librement choisies, sont de grandes sources de joie, parce que cela nourrit notre impulsion exploratrice et nous permet de créer, de produire, d’avoir un impact sur notre environnement. – Isabelle Filliozat

Nous pouvons permettre aux enfants de temps à autre de rester concentrés sur une même tâche autant de temps qu’ils en ont besoin. C’est le principe de l’expérience optimale (ou flow) tel que conceptualisé par Mihály Csíkszentmihályi . L’expérience optimale est une situation dans laquelle l’attention est librement investie en vue de réaliser un but personnel parce qu’il n’y a pas de désordre qui dérange ou menace le soi. Les personnes qui atteignent fréquemment cet état de développent un soi plus fort, plein de confiance et efficace parce que leur énergie psychique a été investie avec succès dans la réalisation des objectifs qu’ils avaient l’intention de poursuivre

Des enfants autonomes dans leurs apprentissages connaissent le flow plus souvent que la plupart des enfants qui ne peuvent se consacrer longtemps à la même chose. Or dans l’immense majorité des école, collèges et lycées, les élèves font une heure de maths, puis une heure d’anglais, puis une heure d’histoire… Cette habitude organisationnelle n’est ni efficace ni motivante.

Pour rappeler l’absurdité du temps saucissonné tel que le vit la plupart des enfants à l’école, Isabelle Filliozat prend cette comparaison : imaginez que votre patron vous interrompe toutes les cinquante minutes pour vous faire changer de dossier, et ce sans aucune considération pour là où vous en êtes dans ledit dossier. A défaut de le proposer pour les apprentissages dits « scolaires » (encore que quelques enseignants aménagent des temps pédagogiques en ce sens dans le public ou qu’il est possible d’opter pour l’instruction en famille ou pour des écoles types Montessori ou démocratiques), nous pouvons accorder cela aux enfants à la maison autant que possible.

Concernant les études supérieures, Isabelle Filliozat mentionne quelques expériences dans lesquelles les étudiants ont pu expérimenter plus de liberté. Au sein de la faculté University College proposant quelque trois cents thèmes, les étudiants font leur scolarité « à la carte », optant pour deux thèmes par trimestre.

Au collège alternatif Anne-Franck du Mans, dont Isabelle Filliozat a accompagné l’équipe lors de la création, les cours sont au choix. Chaque élève, en début de semaine, opte pour les cours qu’il désire parmi une grille proposée par les enseignants. L’équipe n’avait osé laisser le choix pour les maths et le français. Au bout d’un trimestre, il s’est avéré que dans ces deux matières, les élèves ne progressaient pas, et que la classe était très agitée. Une fois maths et français rendus au choix, les élèves les ont choisis et les classes sont devenues plus studieuses.

Encourager plutôt qu’évaluer

Une bonne note peut donner du plaisir, mais la joie naît de l’exploration, des essais et erreurs, de l’errance de la recherche, de la découverte, de la sensation de maîtrise du sujet. – Isabelle Filliozat

Certaines phrases positives et encourageantes comme « Tu es le meilleur » ou « C’est très bien »  portent des jugements. Elles peuvent nourrir la fierté mais risquent d’éteindre la joie et la motivation intrinsèque.

Isabelle Filliozat propose de laisser les enfants s’exprimer avant de formuler des encouragements :

-Reprendre le mot important de la phrase

Par exemple, pour un enfant qui annonce avoir eu 15 à son contrôle, répéter « 15 ? » d’un ton neutre à enjoué selon la communication non verbale envoyée par l’enfant. Il se peut que le contrôle soit noté sur plus de 20, que la moyenne de la classe soit supérieure à 15, qu’il s’attendait à une meilleure note…

-Demander ou faire des suppositions sur l’état émotionnel de l’enfant

« Et qu’est-ce que ça te fait ? »/ « Comment tu te sens ?»/ « Ça a l’air de te mettre en joie/ Tu as l’air hyper content/ On dirait que tu es vraiment fière. »

-Décrire

« Je t’ai vu travailler dur pour cette interro. C’est la récompense de tous tes efforts. Ça doit te faire plaisir. »/ « Quand l’ailier t’a fait la passe, tu as bondi pour prendre le ballon et tu as fait une passe décisive. Toute l’équipe a explosé de joie !»

Ce type de langage descriptif permet aux enfants de rester en contact avec leurs propres ressentis, de consolider leur motivation intrinsèque et  de sentir la connexion avec nous, notre intérêt réel pour ce qu’ils sont et ressentent (et pas seulement pour ce qu’ils font).

Par ailleurs, une bonne note ou la première place dans une compétition sportive peut donner du plaisir et de la fierté, mais la joie naît avant tout du processus, du déclic “j’ai compris” couronnant des heures de recherche et d’efforts (plus que du résultat en soi).

-Ecouter comment l’enfant enchaîne.

Partager la joie de l’enfant avec des mots et des expressions non verbales (grand sourire, bouche ouverte, yeux écarquillés, pouce levé, clin d’oeil…) permet de prolonger l’émotion de joie chez lui… et d’être contaminés nous-mêmes par cette émotion positive !

Quand nous permettons à l’enfant de sentir ce qui se passe dans son corps lorsqu’il éprouve de la joie, cette dernière augmente encore. Les enfants, comme les adultes, gagnent à célébrer bruyamment une réussite, un succès, un dépassement de soi. – Isabelle Filliozat

De plus, un bon niveau de jubilation augmente les sécrétions d’ocytocine et nourrit la confiance en soi. Enfin, la dopamine, une des hormones qui accompagne l’émotion de joie, nous récompense quand nous réussissons et nous encourage à persévérer quand nous échouons de peu.

Favoriser la motivation intrinsèque (plutôt que récompenser)

Une promesse de récompense augmente certes notre probabilité de faire quelque chose, mais cela change profondément notre manière de le faire. – Isabelle Filliozat

Une étude américaine a montré que des enfants récompensés pour jouer à des jeux mathématiques pendant douze jours ont rapidement joué davantage aux jeux qui leur faisaient gagner des récompenses. Mais quand les récompenses ont été supprimées par les expérimentateurs, l’intérêt des enfants pour ces jeux a diminué significativement… à tel point qu’ils se sont montrés moins intéressés que les enfants qui n’avaient jamais été récompensés ! Ainsi, l’utilisation des récompenses systématiques pour inciter l’engagement dans des activités spécifiques peut aussi produire une diminution de l’engagement envers la tâche dans des situations où la récompense n’est pas disponible. Une seule récompense suffit pour ôter la joie d’une activité, surtout si elle n’a pas de lien avec la tâche.

Les récompenses altèrent le goût de faire la chose pour elle-même. Or c’est une condition de la joie ! La joie naît naturellement de la mise en jeu de nos compétences. Nous sommes heureux quand nous nous absorbons dans une expérience optimale ou dirigée vers un objectif qui nous tient à cœur. Quelque chose de très difficile peut être vécu comme un défi à relever, et les humains adorent les défis. Ils détestent en revanche les contraintes, les tentatives de manipulation et les jeux de pouvoir.

Pour aller plus loin : Repenser les récompenses dans l’éducation des enfants : l’apprentissage lui-même devrait être la récompense.

 

On comprend mieux la relation entre joie et apprentissage : la joie est l’émotion de l’apprentissage. Apprendre donne de la joie et et l’émotion de joie aide à mémoriser.

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Source : Les chemins de la joie de Isabelle Filliozat (éditions Poche Marabout).

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