« Si je suis résigné, j’échoue »: l’amotivation est délétère pour les performances scolaires
Motivation intrinsèque, motivation extrinsèque et amotivation
La motivation est multidimensionnelle. Les théoriciens de la motivation distinguent deux types de motivation : la motivation intrinsèque d’une part et la motivation extrinsèque d’autre part.
La motivation intrinsèque est considérée comme la marque de la motivation autonome. La motivation intrinsèque conduit les personnes à agir sans recherche d’autre récompense que le succès de cette réalisation. La personne se perçoit comme l’agent à l’origine de son propre comportement.
La motivation extrinsèque prend différentes formes selon le degré d’autonomie de la personne qui réalise l’action. Les formes de motivation extrinsèque sont :
−externe (lorsque la récompense n’est pas liée à l’action mais qu’elle constitue l’objectif réel),
−introjectée (lorsque la personne concernée s‘impose d’atteindre un objectif, sans pour autant l’avoir totalement accepté ; comme pour éviter la honte ou la culpabilité),
−identifiée (lorsque la personne perçoit du mérite et de l’importance à accomplir l’action qu’il entreprend),
−intégrée (ce type de motivation extrinsèque se rapproche de la motivation intrinsèque car l’action entreprise est cohérente avec le concept de soi de la personne).
Les théoriciens de la motivation complètent ces deux types de motivation par un troisième état mental : l’amotivation. Une personne amotivée a le sentiment d’être soumise à des facteurs qu’elle ne peut pas contrôler. L’amotivation se caractérise par une absence de motivation en lien avec le sentiment de ne plus être capable de prévoir les conséquences de ses actions.
Lien entre motivation et performance scolaire
Les liens entre performances initiales, motivation et réussite scolaire ont fait l’objet d’une étude menée par Leroy et Bressoux en 2016 auprès d’élèves français de sixième (la sixième étant une période scolaire réputée particulièrement sensible au déclin de la motivation).
Dans cette recherche, l’amotivation a été considérée comme une absence générale de motivation, ne se limitant pas à un simple rejet des tâches scolaires à effectuer (l’amotivation est caractérisée par des questions du type : à quoi ça sert ? pourquoi je perds mon temps à faire ça ?).
Une questionnaire de mesure de leur motivation et de leur niveau en mathématiques a été administré aux élèves à quatre moments de l’année.
Leroy et Bressoux ont observé un déclin de toutes les formes de motivation et un accroissement parallèle de l’amotivation au cours de l’année scolaire.
A travers cette étude, Leroy et Bressoux ont voulu montré que, quand l’influence des compétences initiales était neutralisée (c’est-à-dire l’effet vertueux bonnes notes en début d’année -> motivation -> bonnes notes tout au long de l’année), seule l’amotivation et son évolution étaient corrélée, négativement, avec les performances à la fin de l’année scolaire.
Plus l’amotivation est élevée au début de l’année scolaire, moins bonnes sont les performances en mathématiques à la fin de l’année. Par ailleurs, plus l’amotivation croît rapidement, moins bonnes sont les performances à la fin de l’année.
Leroy et Bressou ont montré que ni la motivation intrinsèque ni la motivation extrinsèque ne sont directement liées aux performances scolaires mais que, en revanche, l’amotivation influence négativement les performances scolaires.
Les auteurs soulignent que les élèves amotivés ont tendance à interpréter leurs échecs comme un manque de compétences personnelles, ce qui manifeste un manque de confiance en leur capacité à entreprendre des actions afin de surmonter les difficultés rencontrées.
Les auteurs ont observé une corrélation négative de l’amotivation avec l’estime que les élèves placent dans leurs compétences et capacités (ces derniers pensent ne pas avoir les capacités nécessaires). Il apparaît ainsi que l’amotivation est d’autant plus importante que l’estime de soi des élèves est faible.
Leroy et Bressou concluent que les élèves amotivés sont moins capables de faire face aux difficultés qu’ils rencontrent. Ainsi, les élèves qui ne se perçoivent pas comme habiles ou comme aptes à faire des efforts sont les plus susceptibles d’avoir de faibles performances scolaires.
Dans leur livre Les neurosciences en éducation, Gros, Sander et Gvozdic notent qu’un sentiment de non-sens profond, assimilable à un manque d’intérêt global, à une résignation et à une impression d’absurdité généralisée, est facteur d’échec scolaire. Comme les élèves amotivés ne sont pas forcément ceux qui ont le moins de compétences, si l’amotivation est endiguée, la voie est ouverte au progrès scolaire.
Ce n’est donc pas tant la motivation qu’il faut renforcer chez les élèves mais le fait de créer chez eux le sentiment enraciné qu’ils ont du pouvoir sur la situation, qu’ils peuvent développer leurs compétences, qu’ils sont capables de trouver des solutions à leurs problèmes, qu’ils peuvent avoir confiance en leur intelligence, qu’ils peuvent compter sur des adultes qui ont foi en eux et qui les encourageront.
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Source : Les neurosciences en éducation de Hippolyte Gros, Emmanuel Sander et Katarina Gvozdic (éditions Retz). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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