École : “ensauvager” les extérieurs et créer des cours vertes pour prendre en compte les besoins des enfants (et plus encore)

École : “ensauvager” les extérieurs et créer des cours vertes pour prendre en compte les besoins des enfants (et plus encore)

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Dans leur livre L’enfant dans la nature, Matthieu Chéreau et Moïna Fauchier-Delavigne nous invitent à reconsidérer l’aménagement des cours de récréation dans nos écoles pour y faire entrer la nature. Ils estiment que nos cours de récréations ressemblent à des parkings.

Les pays nordiques sont en avance sur nous en matière d’aménagement des espaces scolaires, et notamment des extérieurs. Les principales différences en termes de présence de nature résident dans la présence de :

  • petits arbustes,
  • petits recoins pour se cacher et être au calme (compartimenter des espaces plus petits),
  • petits chemins ou passages secrets
  • arbres fruitiers et plantes mellifères,
  • fleurs qui sentent bon et fleurissent à différents moments de l’année
  • pierres, troncs, rochers et souches à escalader
  • espaces délimités, petits formats
  • volumes (buttes, tas de pierres, petites collines) et matières différentes (feuilles séchées, terre humide, galet froid…)
  • bac à sable ou, mieux, bac à terre
  • barres fixes à différentes hauteurs
  • terrains variés (dur, mou, cyclable, creusable)
  • potager

Tout y fait pour que le bitume ne devienne que des passages, des chemins et que l’essentiel soit ailleurs.

Les extérieurs sont aménagés ainsi de manière à prendre en compte les besoins physiques (courir, sauter, rouler, être en équilibre, changer d’espace, toucher, cueillir, construire, creuser) mais aussi les besoins relationnels (jouer ensemble, faire ensemble, coopérer), et cognitifs (créer des choses, découvrir par tous les sens, comprendre, imaginer, rêver).

La cour classique, avec un grand espace plat, tout ouvert, goudronnée ou bétonnée, c’est un environnement très stressant pour les enfants. Le pire qui soit. Au final, ça n’est qu’un grand terrain de foot pour une quinzaine de garçons. Les autres se cachent, sur les côtés, ou même dedans quand ils peuvent. – Lene Nielsen (paysagiste, conceptrice de terrains de jeu à Copenhague)

L’idée est que la cour d’école ainsi aménagée soit pratique à la fois pour les enfants (pour jouer) et pour les adultes (peu d’entretien, lâcher prise sur le désherbage) . Par ailleurs, ce type de cour d’école verte prend en compte les enjeux bioclimatiques (rafraichissement, biodiversité).

Lene Nielsen reconnaît que deux grands problèmes se posent et freinent la propagation de ce type d’extérieur dans les pays non nordiques :

  • la question de l’entretien : ce problème peut être traité en amont lors de concertation et de processus de résolution de conflit (souvent, les parents de l’école offrent leurs bras et leur temps pour participer à l’entretien)
  • la question de la sécurité : Lene Nielsen estime que la France est “malade de ses normes” bien que le pays soit signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui oblige à protéger le droit au jeu des enfants.

Dans les pays nordiques, l’état d’esprit consiste à dire que le risque est présent partout (avec ou sans tas de pierres à escalader) et que les enfants apprennent mieux à prendre des risques mesurés dans un environnement riche et ouvert. Les risques évidents sont évidemment écartés (du type une structure de balançoire défectueuse ou des substances toxiques dans un jouet).

Matthieu Chéreau et Moïna Fauchier-Delavigne regrettent qu’en France, nous soyons loin d’un mouvement général ou même d’une prise de conscience ou d’une volonté d’en haut. Face aux problèmes de sédentarité, d’attention et de violence, le gouvernement tarde à réagir et ne remet toujours pas en cause l’aménagement même de l’environnement scolaire. Toutefois, des initiatives locales peuvent éclore, comme c’est le cas à Strasbourg (et ailleurs). A Strasbourg, des arbres fruitiers sont plantés dans certaines cours d’école plutôt que des platanes (la moitié des écoles primaires y dispose d’un jardin pédagogique).

Une école du centre ville strasbourgeois a même créé un espace vert ensauvagé en son sein. Les enseignantes, aidées d’une animatrice nature, ont planté des arbres, des arbustes et des plantes vivaces, ont rapporté des matériaux (branches, souches, cailloux, sable) et ont construit une butte de terre d’un mètre de haut pour transformer de fond en comble une partie de l’extérieur. Une partie de la cour a été débétonnée par le service technique de la ville en accord avec la mairie et des aménagements se sont poursuivis (mise en place d’une mare sèche, d’un petit pont, d’un grenier à insectes…). L’entretien des lieux est réduit et les plantes sauvages y poussent librement (pas de tonte, peu de taille, feuilles non ramassées). Les dix classes de l’école pratiquent l’école du dehors tous les jours (en s’inspirant des recommandations de Sarah Wauqiez, pédagogue par la nature).

J’ai une certitude : le “Touche pas”, “Prends pas”, c’est pas possible. Il faut en sortir, sinon on est foutu. Dans notre société, on nous pousse à avoir un amour platonique et intello avec la nature. C’est impossible. Si on ne touche pas la nature, on ne l’aime pas. Le corps doit être en action pour que le cerveau se développe et pour que les enfants s’attachent à la nature. – Louis Espinassous

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Source : L’enfant dans la nature de Matthieu Chéreau et Moïna Fauchier-Delavigne (éditions Fayard). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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