Une approche bienveillante aux conflits entre enseignants et élèves (quand un élève “difficile” n’écoute pas)

Une approche bienveillante aux conflits entre enseignants et élèves (quand un élève “difficile” n’écoute pas)

approche bienveillante aux conflits entre enseignants et élèves

Dans son livre Enseigner avec bienveillance, Marshall Rosenberg propose une approche bienveillante aux conflits entre enseignants et élèves. Il répond à la question d’une enseignante qui se demande pourquoi un de ses élèves qu’elle qualifie de “difficile” n’écoute jamais.

Nous ne sommes pas nés pour être des esclaves. Les ordres, on les donne aux esclaves. Les êtres humains y résistent. – Marshall Rosenberg

Marshall Rosenberg estime que c’est la posture prise par l’enseignante qui induit un rapport de force : l’élève ne voit en elle qu’une “donneuse d’ordres”. Selon lui, l’élève continuera à s’opposer tant que l’enseignante n’arrivera pas à lui faire parvenir son intention et ses besoins derrière ses mots.

Par exemple, quand l’enseignante dit “Tu ne dois pas lancer le ballon sur les autres parce que j’ai besoin que tout le monde soit en sécurité. “, l’enfant ne retient que : “Je ne dois pas lancer le ballon sur les autres” mais il y a peu de chances pour qu’il entende les émotions et besoins de l’adulte.

Rosenberg insiste sur l’importance de s’assurer que les enfants saisissent bien les enjeux derrière nos mots. Cela passe notamment par le fait de faire répéter à l’enfant ce qu’il a entendu dans un dialogue de ce type :

Adulte : – J’entends que ta maîtresse est inquiète parce qu’elle a besoin que tout le monde soit en sécurité. Peux-tu me répéter ce qu’elle a dit ?

Enfant : – Je ne dois pas prendre le ballon des mains des autres.

Adulte : – Merci de me dire que c’est ce que tu as entendu. Moi, j’ai entendu autre chose et il est vraiment important pour moi d’entendre ses sentiments. Je l’ai entendue dire qu’elle était réellement inquiète et même effrayée quand elle te voit faire du mal aux autres en leur prenant le ballon des mains. Pourrais-tu dire ça ?

Enfant :  – Hein ? J’ai pas compris.

Adulte : – J’ai entendu ta maîtresse dire qu’elle a peur et qu’elle est inquiète. Pourrais-tu redire cela ?

Enfant : – Elle est effrayée et inquiète.

Adulte : – J’aimerais que tu entendes ses besoins. Elle a besoin que tout le monde soit en sécurité. Pourrais-tu me redire cela ?

Enfant : – Elle a besoin que tout le monde soit en sécurité.

Adulte : – Y-a-t-il un moyen de combler à la fois ton besoin de jouer avec les autres et le besoin de sécurité de ta maîtresse ?

Enfant : – Je ne sais pas.

Adulte : – J’aimerais revenir sur ce que t’a dit la maîtresse la dernière fois. Elle t’a suggéré de demander aux autres de demander le ballon plutôt que leur prendre des mains.

Enfant : – Je leur ai demandé mais ils ne me le donnent pas.

Adulte : – J’aimerais entendre comment tu leur demandes.

Enfant : – Je leur ai dit : “Donne-moi le ballon.”

Adulte : – J’aimerais que tu penses à une autre façon de le leur demander. Serais-tu d’accord pour penser à une autre manière de le demander ?

Enfant : – De toute façon, ça sert à rien. Ils ne voudront jamais me le donner.

Adulte : – Tu te sens découragé à l’idée de parler autrement si ça ne sert à rien ?

Enfant : – Ben oui, personne ne m’écoute jamais !

Adulte : – Tu es donc triste à cause de ça ? Tu aimerais vraiment que les gens t’écoutent et tu ne vois pas comment t’y prendre ?

Enfant : – Non, même à la maison, personne ne m’écoute !

Adulte : – Ah, tu veux dire que tu es triste à la maison aussi ? Tu aimerais tellement que les gens t’écoutent vraiment.

Enfant : – Oui !

Adulte : – Merci de me le dire. Je suis heureux que tu partages tes sentiments avec moi parce que ça m’aide à mieux comprendre que tu te sens sans espoir de recevoir quelque chose quand tu le veux. Serais-tu d’accord pour voir ce qui se passerait si tu demandais autrement ?

C’est après ce type de dialogue que la relation nouvellement instaurée ouvre la voie à une résolution de problème. Tant que la connexion émotionnelle n’a pas eu lieu, tant que l’adulte n’a pas entendu les émotions de l’enfant et que l’enfant n’a pas entendu les sentiments et les besoins de l’adulte, les ordres et les résistances prennent toute la place.

Certains enfants ont besoin de plus d’écoute que les autres. Quand un enfant ou un adolescent ne se sent pas écouté, ses sentiments se bousculent et il en souffre. L’empathie est très utile pour faire diminuer la violence car la douleur à l’origine de cette violence a été reconnue, validée, accueillie.

Un dialogue centré sur les solutions peut ensuite se mettre en place :

Adulte : – La prochaine fois que tu veux quelque chose, au lieu de dire “Donne moi le ballon !”, si tu essayais quelque chose comme : “Est-ce que tu veux bien me passer le ballon ? J’ai envie de jouer avec vous.”. Essayons cela, puis viens me dire ce que ça a donné et, si ça n’a pas marché, nous essaierons autre chose. Serais-tu d’accord pour essayer ?

Enfant : – Oui.

Adulte :  – Merci. J’apprécie vraiment que tu aies pris le temps de parler avec moi parce que j’ai vraiment envie que tu puisses t’amuser et que les autres soient en sécurité en même temps.

L’idée directrice de ce type d’approche est d’apprendre aux enfants et aux adolescents le langage “girafe” (c’est-à-dire utiliser la Communication NonViolente). Des petits jeux de rôle à partir de situations vécues par les enfants peuvent aider à mettre le langage girafe en situation en jouant sur trois tableaux :

  • exprimer ses sentiments et ses besoins sans accuser ou critiquer les autres
  • se mettre en empathie avec les raisons qui empêchent les autres de faire ce qu’on veut
  • trouver des solutions pour conviennent à tout le monde

Le langage “girafe” tel que conçu dans la Communication NonViolente est le langage du cœur. Clore l’échange par une marque de gratitude n’équivaut pas à féliciter ou juger l’enfant en lui disant que c’est un bon élève ou un gentil garçon. L’adulte reste centré sur ce qu’il ressent lui-même en évoquant ses propres émotions quand ses besoins sont satisfaits.

La reformulation par l’enfant des mots prononcés par l’adulte permet de s’assurer que le premier a saisi le vrai sens et l’intention du dernier. Cette reformulation peut prendre un certain temps car les enfants (comme les adultes) sont plus habitués à donner des ordres ou des critiques et à les recevoir qu’à se relier (c’est-à-dire faire du chemin ensemble sans rapport de force ni domination).

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Source : Enseigner avec bienveillance : instaurer une entente mutuelle entre élèves et enseignants de Marshall Rosenberg (éditions Jouvence). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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