Apprentissage et écrans : les enfants apprennent-ils mieux avec des écrans ?

Apprentissage et écrans : les enfants apprennent-ils mieux avec des écrans ?

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Guillemette Faure explique dans son livre Le meilleur pour mon enfant pourquoi de nombreux cadres et entrepreneurs dans le domaine des hautes technologies limitent l’exposition de leurs propres enfants aux écrans. Ces parents, très loin d’être technophobes, estiment que leurs enfants apprennent plus et mieux autrement, notamment en fabriquant de vraies choses et à travers des conversations réelles chargées en émotions et en interactions vivantes.

Je vous livre les éléments de réflexion qui m’ont le plus marquée dans ce questionnement autour des enfants et des écrans.

L’importance de tous les sens, de l’expérience et de la manipulation

On apprend mieux en sollicitant tous les sens et en manipulant. Pendant qu’on est sur un écran, on se prive d’expériences sensorielles plus riches, à travers la manipulation (de jouets, de jeux, d’outils, de matières, de plantes, d’animaux, de matériaux divers, de terre…).

L’écran n’empêche pas d’apprendre, mais il limite l’apprentissage puisqu’il diminue les expériences physiques et émotionnelles.

Remplir une bouteille d’eau, voir les bulles qui s’en échappent, observer les rapports masse volume, alterner les couleurs en enfilant un collier de perles : tout cela participe déjà à l’approche des notions mathématiques.

Le cerveau de l’enfant qui colorie avec un doigt sur un petit écran ne se développe pas autant que lorsqu’il attrape un crayon, le débouche, se déplace pour prendre une feuille, colorie car ces activités participent au développement du corps calleux du cerveau (lien entre les deux hémisphères) et à la coordination oeil/main.

Pour aller plus loin : Pour une utilisation raisonnée des écrans chez les enfants (non, ils ne rendent pas autistes)

Le mythe de l’interactivité des écrans

C’est avec des interactions avec des gens (et non pas avec des écrans) que les jeunes enfants apprennent le mieux. Guillemette Faure cite une étude de la chercheuse américaine Kathy Hirsch-Pasek qui a comparé trois façons dont des enfants peuvent assimiler de nouveaux mots : en les entendant dans un programme enregistré, dans un tchat vidéo (type Skype) ou dans une conversation face à face. Il s’avère que le fait d’avoir une conversation est le levier pour que les enfants soient capables d’utiliser les nouveaux mots.

La peur injustifiée du retard et de l’inadaptation

Guillemette Faure écrit : “Qu’un enfant touche à un ordinateur, une tablette ou un téléphone et ses parents se disent qu’il se forme en high tech. On en arrive ainsi à appeler geeks des bambins juste gavés d’écrans.”

Ce n’est pas parce qu’un enfant apprend à utiliser une technologie qu’il apprend à réaliser une tâche.  En utilisant les outils dits de nouvelle technologie, on devient surtout… un utilisateur.

Pour aller plus loin : Neurosciences : un bain numérique n’est pas synonyme de compétences numériques

Les parents cadres et entrepreneurs dans le domaine des hautes technologies estiment plutôt que, quel que soit le monde dans lequel leurs enfants vivront, ils auront surtout besoin d’un cerveau suffisamment souple pour explorer ce qui est encore inconnu aujourd’hui. La maîtrise de la technologie actuelle est secondaire car, d’une part, les entreprises high tech travaillent à rendre la technologie de plus en plus accessible, et d’autre part, les outils auront le temps de changer mille fois avec le temps.

L’alibi du “C’est éducatif !”

Une étude de l’université de Washington a montré que les  bébés de 8 à 16 mois exposés aux vidéos Baby Einstein, fort succès commercial aux Etats Unis dans les années 1990-2000,  avaient un vocabulaire plus limité que ceux qui n’avaient pas regardé ces vidéos. Les bébés avaient certes appris des choses en regardant ces DVD… mais ceux qui ne les avaient pas regardés avaient découvert plus de choses !

Cet alibi marketing du “C’est éducatif” est d’autant plus nuisible que les parents à faible revenus croient qu’ils peuvent aider leurs enfants à se rattraper avec des équipements électroniques… à tel point que la fracture numérique a eu lieu à l’envers. Guillemette Faure écrit avec véhémence : les enfants de milieux défavorisés sont souvent le plus entourés d’écrans pendant que les enfants plus favorisés jouent avec des Kaplas.

Lire aussi : « Google effect » : les écrans sont-ils néfastes à la mémorisation ? la connaissance à portée de clic dispense-t-elle d’apprendre ?

 

Diaboliser et interdire les écrans, LA solution ?

Ce n’est pas tant ce que les écrans font aux enfants qui devraient nous préoccuper que ce que les enfants ne font pas quand ils sont devant les écrans… Par ailleurs, c’est la consommation passive qui est la plus délétère et les écrans peuvent venir en soutien de certains apprentissages (par exemple : décortiquer un mouvement de gym, observer les mains d’un pianiste, écouter une leçon de maths sur une chaîne You Tube d’un prof…).

Guillemette Faure ouvre un champ des possibles (en sachant qu’il n’y a pas une réponse valable pour tous, mais une recherche constante en fonction de nos valeurs, de notre culture familiale et des demandes de nos enfants) :

  • Réfléchir à ce qui nous parait juste, acceptable et à quel moment lever les freins (par exemple : est-ce que j’accepte que mon enfant joue à l’Ipad pendant un voyage en train/ avion ? est-ce que j’impose un temps limité de consommation d’écran par jour/ par semaine ? est-ce que j’interdis le smartphone avant 11/12/13 ans ? est-ce que je revends la télé ? est-ce que j’instaure des rituels comme le fait de regarder une émission tous ensemble le samedi soir ? dans quelle mesure je transfère mon rôle éducatif à un écran ? est-ce que je me sens un mauvais parent si je laisse mon enfant regarder la télé quand j’ai besoin de me reposer et pourquoi ?… )
  • Garder le maximum de temps pour les jeux manuels de construction, de manipulation, d’observation, d’expérimentation… (cela peut passer par un réaménagement des pièces et le fait de rendre plus accessibles les jeux manuels)
  • Jouer avec les enfants (aux jeux vidéos, sur la tablette…) pour comprendre ce qui les attire et connaître le contenu des jeux auxquels ils jouent
  • Interagir et partager les moments devant l’écran (les bénéfices d’une activité en termes cognitifs sont liés aux conversations qu’elle suscite et aux émotions positives ressenties)
  • Donner l’exemple d’une consommation raisonnée d’écrans (on ne peut pas attendre d’un enfant qu’il ait une consommation d’écrans plus raisonnable que la nôtre)
  • Lire aux et avec les enfants (c’est bien la lecture qui a le plus d’effet sur les capacités cognitives des enfants )

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Source : Le meilleur pour mon enfant de Guillemette Faure (éditions Les Arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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