Les 3 systèmes attentionnels humains : quand faire attention, à quoi faire attention et comment traiter les informations sélectionnées

Les 3 systèmes attentionnels humains : quand faire attention, à quoi faire attention et comment traiter les informations sélectionnées

3 systèmes attentionnels humains

L’attention change littéralement l’activité cérébrale. Les sciences cognitives distinguent trois grands systèmes attentionnels :

  1. L’alerte qui indique quand faire attention et adapte notre niveau de vigilance
  2. L’orientation de l’attention qui signale à quoi faire attention et amplifie tout objet d’intérêt
  3. Le contrôle exécutif qui décide comment traiter l’information : il choisit la chaîne de traitement appropriée à une tâche donnée et en contrôle l’exécution.

Connaître les mécanismes de ces trois systèmes attentionnels permet de mieux comprendre comment les humains apprennent.

Alerte : quand faire attention

Qu’un prédateur s’approche, qu’une émotion forte nous submerge, et toute une série de noyaux sous-corticaux décident immédiatement d’augmenter l’éveil et la vigilance du cortex – Stanislas Dehaene

Stanislas Dehaene parle d’un signal “now print” (imprimer maintenant) comme si ces systèmes commandaient directement au cortex d’imprimer en mémoire le contenu actuel de l’activité neuronale.

Stanislas Dehaene mentionne quelques voies qui sont des puissants signaux d’alerte et d’éveil de la plasticité cérébrale :

  • un professeur qui passionne ses élèves
  • un livre qui absorbe le lecteur
  • un film ou une pièce de théâtre qui transportent le spectateur
  • une activité génératrice de fortes émotions
  • les jeux vidéos (Dehaene écrit que certains travaux suggèrent que les jeux vidéos, notamment ceux d’action où l’on joue à la vie et à la mort, fournissent un moyen particulièrement d’engager ces mécanismes attentionnels parce que, en mobilisant les systèmes d’alerte et de récompense, ils modulent massivement les apprentissages.)

Orientation : à quoi faire attention

véritable coup de projecteur sur le monde extérieur, il choisit, parmi les millions de stimulations qui nous bombardent, celle à laquelle nous choisissons d’attribuer nos ressources mentales parce que nous la jugeons plus pertinente ou plus digne d’intérêt. – Stanislas Dehaene

Ce que nous percevons est ce à quoi nous acceptons de prêter attention. Or seuls les éléments détectés par les sens (vue, ouïe, odorat…) affectent notre pensée. C’est l’intérêt qui donne de l’emphase pour faire émerger un premier plan dans la conscience.

Stanislas Dehaene explique que l’orientation de l’attention dans l’espace se traduit souvent par un mouvement de la tête et du regard mais la sélection attentionnelle s’applique à toutes les modalités sensorielles (voix, couleur ,forme d’une courbe, vitesse d’un coureur, style d’un écrivain…).

Dans tous les cas, l’effet est le même : les neurones qui reçoivent ce coup de projecteur sont amplifiés de manière à rendre ces neurones mieux à même de répondre aux informations jugées pertinentes et à augmenter leur influence sur le reste du cerveau.

On comprend alors qu’orienter l’attention, c’est faire des choix (choisir ce qu’on décide de négliger). L’attention “biaise la compétition” dans le sens où elle retient certaines informations mais pas d’autres. Cela se traduit dans l’activité du cerveau : les aires qui sont dépourvues de pertinence sont envahies par des ondes assez lentes, dans les fréquences alpha (de l’ordre de 10 hertz), ce qui les empêche de développer une activité neuronale cohérente.

Dehaene rappelle que le simple fait de focaliser son attention sur un objet de pensée rend sourd et aveugle à d’autres stimulations. C’est la raison pour laquelle téléphoner au volant est si dangereux.

Notre attention est extrêmement limitée et, malgré toute notre bonne volonté, lorsque nous sommes concentrés sur un objet de pensée, d’autres objets, même saillants, amusants ou importants peuvent nous échapper totalement et demeurer invisibles à nos yeux. – Stanislas Dehaene

Par ailleurs, nous sommes inconscients de ce mécanisme attentionnel et cela nous conduit à sur estimer constamment ce que nous percevons du monde extérieur.

Stanislas Dehaene milite pour une meilleure connaissance du mécanismes de l’orientation sélective dans les classes parce que certains adultes (notamment des enseignants) ne comprennent pas qu’un enfant, sans mauvaise volonté, puisse ne pas voir ce qu’ils cherchent à lui enseigner.

Bien enseigner, c’est donc avant tout choisir avec soin le niveau auquel on souhaite que l’enfant fasse attention parce que c’est lui et lui seul qui sera représenté dans son cerveau avec toute la force nécessaire pour un apprentissage efficace. Les autres stimuli, les perdants de la compétition attentionnelle, ne seront pas appris. – Stanislas Dehaene

Contrôle exécutif : comment traiter les informations sélectionnées

Le contrôle exécutif implique toute une hiérarchie de régions situées principalement dans le cortex préfrontal (le cerveau des fonctions supérieures comme le raisonnement, la logique, la prise de décision). C’est notre cortex préfrontal qui nous permet d’organiser nos opérations mentales et de prendre conscience de nos erreurs.

Le contrôle exécutif agit comme un aiguilleur du cerveau : il pilote, dirige, gouverne, comme un chef de gare qui, en orientant l’aiguillage, parvient à mener un train sur la voie désirée. C’est encore un système de sélection mentale, mais parmi les stimuli qui nous parviennent. Ainsi, l’attention spatiale et l’attention exécutive se complètent. – Stanislas Dehaene

Il y a un lien étroit entre le contrôle exécutif et la mémoire de travail  parce que suivre un raisonnement mental et contrôler son exécution impliquent de conserver une mémoire de tous les éléments du programme en cours (exemple dans le cas d’une résolution de problème mathématique : résultats intermédiaires, étapes déjà effectuées, opérations restant à effectuer…).

L’attention exécutive décide comment et dans quel ordre envoyer les informations aux différents “processeurs” que comprend notre cerveau. Mais, à ce niveau , les opérations mentales sont lentes et organisées en série : ce système traite les informations les une après les autres (jamais simultanément). Ce n’est qu’avec un entraînement intense qu’un humain devient capable de faire deux choses à la fois : c’est cet entraînement qui va rendre l’une des tâches tellement automatisées qu’elle n’a plus besoin d’espace dans la mémoire de travail et en libère donc pour l’autre tâche. L’automatisation libère l’espace de travail conscient mais la règle de base, c’est qu’en situation de double tâche, l’une des opérations est ralentie ou abolie.

Ainsi, Stanislas Dehaene rappelle qu’un enseignant ne peut pas exiger d’un élève que ce dernier apprenne simultanément deux choses à la fois. Apprendre requiert d’accorder la priorité à une tâche précise et toute distraction ralentit (et parfois même anéantit) les efforts d’apprentissage (l’apprenant “perd le fil de ses pensées”). Ainsi,une salle de classe trop décorée distrait l’enfant et l’empêche de se concentrer.

 

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Source : Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines de Stanislas Dehaene (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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