Le statut de l’erreur en mathématiques : l’erreur est normale et féconde.

L’erreur est normale et féconde : se tromper est indispensable pour apprendre.

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Un cerveau performant est un cerveau qui fait des erreurs.

Les études en neurosciences ont montré que le cerveau humain passe son temps à chercher à prédire des régularités du monde qui l’entoure et à comparer ces prédictions avec les observations issues de l’environnement. La prédiction est une activité essentielle et irrépressible du cerveau humain dès le plus jeune âge et notre cerveau apprend de ses erreurs de prédiction, qu’il les détecte par lui-même ou par un retour d’information de l’environnement : c’est ainsi que les connaissances sont “mises à jour”.

L’apprentissage repose donc sur des écarts aux attentes. Un cerveau qui ne commet aucune erreur de prédiction n’apprend pas. Ainsi, l’erreur a toute sa place dans les processus d’apprentissage.

Il ne semble pas abusif d’affirmer qu’un cerveau performant est un cerveau qui fait des erreurs/échoue. – Hippolyte Gros (Les neurosciences en éducation, éditions Retz).

L’erreur est une manifestation d’un état de connaissance donnée.

Se tromper déclenche une reconfiguration des réseaux neuronaux au moment où on se rend compte qu’on a fait un erreur. Le cerveau a besoin de signaux d’erreur pour corriger ses modèles du monde extérieur.

A l’école, l’erreur des élèves peut être considérée comme la manifestation d’un état de connaissance qu’il est utile de faire évoluer. C’est là le travail des enseignants. S’intéresser aux erreurs des élèves  permet de comprendre les prédictions de l’élève, et de connaitre ses hypothèses.

Dès lors que l’erreur est vue non pas comme un échec mais comme une information précieuse sur les processus mentaux en jeu chez l’élève : elle devient même une alliée pour les apprentissages. Dans cette perspective, l’erreur est généralement plus informative que la réponse exacte dans la mesure où il y a souvent une multiplicité d’erreurs possibles, mais une seule réponse juste.

 

Le statut de l’erreur en mathématiques

Deux types d’erreurs en mathématiques : exercices répétitifs / résolution de problèmes

Dans son livre Être bon en maths, ça s’apprend, Laetitia Grail écrit que le statut de l’erreur est différent selon le type d’exercices sur lequel les élèves travaillent en mathématiques : série d’exercices répétitifs ou résolution d’un problème.

Dans le cas d’exercices répétitifs dont la finalité est l’acquisition d’automatismes, l’objectif est d’éviter les erreurs. Par exemple, un élève doit connaître par cœur ses tables de multiplication, être capable de les réciter rapidement et sans hésiter.

Pour aller plus loin sur le thème des séries répétitives en mathématiques : Les cahiers Kumon pour s’entraîner en calculs (fiches pour l’acquisition des automatismes nécessaires en calcul)

cahiers Kumon pour s'entraîner en calculs

Dans le cas d’une résolution de problèmes, l’erreur fait partie du processus de recherche dans une démarche de tâtonnement et d’essais pour progresser. C’est ainsi que travaillent les chercheurs en mathématiques : ils suivent une piste, qui parfois n’aboutit pas, avant d’en suivre une autre qui sera peut‐être elle-même une impasse. Laetitia Grail rappelle que les problèmes en mathématiques peuvent rester « ouverts » longtemps avant d’être résolus. La conjecture de Poincaré fut formulée pour la première fois en 1904 et démontrée en 2003… De même, la conjecture de Syracuse n’a jamais été prouvée et de nombreux mathématiciens travaillent encore dessus. 

Le cerveau fonctionne par itérations, avec des cycles qu’on peut décomposer en quatre étapes successives: prédiction, feedback, correction, nouvelle prédiction. Il internalise organiquement des statistiques. Il s’agit tout simplement de continuellement corriger le tir grâce au retour d’expérience, ce qui revient à dire que… l’erreur est fondamentale ! En effet, si les signaux d’erreur nous permettent, à nouveau, d’ajuster nos prédictions, l’apprentissage ne peut se déclencher que s’il y a un signal d’erreur, autrement, rien ne change.

Transposé à la pédagogie, cela implique que l’erreur est normale, inévitable et… fertile. À condition, impérativement, d’être d’une part activement remarquée par l’apprenant, qui loin de l’ignorer, doit la dépasser. D’autre part, pour être fertile elle doit ne pas être trop sanctionnée, le stress étant un inhibiteur d’apprentissage. Pire, un sentiment d’impuissance noierait les futurs efforts dans l’œuf. – Stanislas Dehaene, psychologue cognitiviste et neuroscientifique ( « Les quatre piliers de l’apprentissage, ou ce que nous disent les neuros­ciences », Paris Innovation Revue, 7 novembre 2013)

Laetitia Grail nous invite à changer le statut de l’erreur en mathématiques chez les élèves. Cela peut passer par certains mots qui valorisent les efforts faits dans le bon sens, et non le résultat, pour encourager la pratique. 

Considérer les erreurs en mathématiques comme fécondes

Considérer les erreurs comme fécondes possèdent deux avantages :

1.Ne pas leur donner un caractère culpabilisant qui serait le départ d’une inhibition pour la recherche et d’un dégoût des maths.

Les effets du stress ont été particulièrement étudiés dans le domaine des mathématiques, “championnes mondiales de l’anxiété scolaire” comme l’écrit Stanislas Dehaene. En cours de mathématiques, certains élèves souffrent d’un authentique mal-être proche de la dépression parce qu’ils sont complètement découragés. Quoi qu’ils fassent, ils seront sanctionnés par une note synonyme d’échec. Or le stress et l’anxiété nuisent à la faculté d’apprendre.

Distribuer une mauvaise note en la présentant comme une sanction morale et comme une identité (tu es nul.le), c’est déclencher du stress et donc prendre le risque d’inhiber les progrès de l’enfant. De plus, une action (j’ai échoué) ne doit pas se figer en une identité (je suis nul.le).

2.Considérer les erreurs comme des messages sur les représentations mentales des enfants.

L’analyse des erreurs permet d’aider les élèves à construire un savoir mathématique qui tient compte de leurs conceptions personnelles. Il n’y a pas d’erreur bête : il n’y a que des erreurs intelligentes dans le sens où un raisonnement mental a abouti au résultat. Il s’agit de mettre au jour ce raisonnement “caché” lié à des représentations erronées afin de les corriger. 

L’enseignant peut considérer une erreur comme le reflet d’une cohérence interne de l’enfant : cette cohérence lui est propre et il convient de la comprendre pour prendre en compte le raisonnement qui a produit l’erreur. Par exemple, si un enfant écrit « 38 > 42 », plusieurs explications sont possibles au fait qu’il considère 38 comme étant plus grand que 42. L’élève peut simplement confondre les signes « > » et « < » (notamment dans le cas d’une dyspraxie visuo-spatiale). Il est possible de lui demander d’entourer le plus grand nombre afin d’éliminer cette piste. Cette erreur peut aussi témoigner d’une mauvaise compréhension du système numérique décimal. L’enseignant peut proposer à l’élève de manipuler du matériel pour réaliser son erreur (par exemple, des réglettes Cuisenaire, des cartes Montessori ou des allumettes à regrouper par paquet de dizaines). Le but est que l’élève se rende compte que, malgré la grande valeur absolue du chiffre 8, sa position à la place des unités implique une quantité moindre que le chiffre 4 placé au rang des dizaines, représentant en fait quatre paquets de dix, soit quarante unités. Il faut bien prendre en compte les rangs des chiffres dans les nombres pour les comparer.

Lire aussi : Les cartes Montessori pour travailler la composition et la décomposition des nombres

Les cartes Montessori pour travailler la composition et la décomposition des nombres

Le cas des erreurs récurrentes et le rôle de l’inhibition cérébrale

L’inhibition cérébrale

L’inhibition cérébrale est la capacité à contrôler ou bloquer nos intuitions, nos habitudes ou nos stratégies spontanées. L’inhibition est un processus qui se déroule dans le cerveau quand des groupes de neurones relâchent des hormones inhibitrices qui nuisent à l’activation d’autres neurones. La région en question a plus de mal à s’activer ou ne s’activera pas du tout. L’inhibition est surtout en lien avec les apprentissages difficiles. L’apprentissage ne se fait pas de manière linéaire (on passe d’un niveau 1 à un niveau 2 puis à un niveau 3) car certaines erreurs sont persistantes et il est nécessaire de développer l’inhibition cérébrale chez les apprenants pour que ces erreurs persistantes n’émergent pas à nouveau.

Les adultes et les experts dans un domaine activent des régions cérébrales liées à l’inhibition. Ces derniers seraient donc en train d’inhiber une ou des fausses conceptions qui n’aurait jamais disparu dans leur cerveau malgré les apprentissages et les expériences. Même les scientifiques doivent faire preuve d’inhibition (dont ils n’ont pas conscience) pour contrôler leur intuition que leur cerveau sait être fausse. Quand on apprend, une conception antérieure ne disparaîtrait jamais vraiment et c’est l’inhibition cérébrale qui prend le relais pour que la conception apprise puisse émerger face à la croyance.

Ainsi apprendre, ce serait à la fois changer de conceptions mais aussi apprendre à contrôler les conceptions initiales pour arriver à une connaissance scientifique. Parfois, les erreurs ne proviennent donc pas d’un manque de connaissances, mais d’une incapacité à inhiber une autre stratégie inadaptée (les erreurs récurrentes).

Les erreurs récurrentes

Eric Gaspar, professeur de mathématiques et créateur du projet Neurosup, rappelle que, quand on fait une même erreur plusieurs fois sans arriver à se corriger, c’est la preuve que le cerveau n’arrive pas à inhiber les raisonnements qu’il a élaborés auparavant en fonction d’exercices rencontrés par le passé ou d’une leçon apprise (sans prendre en compte les exceptions par exemple).

Eric Gaspar écrit que les erreurs récurrentes sont normales, et qu’il est possible d’apprendre à reconnaître ces erreurs récurrentes lorsqu’elles influencent nos réponses face à une question ou un problème. Cette première étape peut paraître facile, mais l’expérience prouve que c’est un concept qui n’est pas toujours facile à accepter et que l’on a plutôt tendance à penser que l’on a un problème. En tant qu’enseignants et parents, dire aux enfants que les erreurs récurrentes sont normales leur permet de se libérer de la peur de l’erreur et de la pression de la perfection.

Il est possible de conseiller aux élèves de s’accorder volontairement une pause de quelques secondes pour examiner leurs réponses réflexes en détail. Cela peut se faire grâce à des exercices répétitifs à refaire ou à des astuces développées en fonction des erreurs reproduites souvent (par exemple, les erreurs dans la comparaison des nombres selon qu’ils sont entiers ou décimaux si les élèves ont la conception que le nombre qui a le plus de chiffres est toujours le plus grand).

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Sources :

Être bon en maths, ça s’apprend… et ce n’est pas si compliqué – Tout se joue à l’école primaire de Laetitia Grail (InterEditions ). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.

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