Qu’est-ce qui pousse les enfants à apprendre ?
Qu’est-ce qui pousse les enfants à apprendre ? 3 aspects de la nature humaine qui poussent les enfants à apprendre
Peter Gray est professeur de psychologie au Boston College et auteur de Libre pour apprendre. Dans cet ouvrage, il plaide en faveur d’apprentissages auto dirigés et explique ce qui pousse les enfants à apprendre. Peter Gray explique que les humains sont animés par trois mécanismes naturels d’apprentissage :
- la curiosité,
- le jeu,
- la sociabilité.
1.La curiosité pousse les enfants à apprendre
Peter Gray affirme que le fait d’enfermer une personne seule dans un environnement immobile (sans le moindre changement) dans lequel il n’y aurait rien à explorer, rien à faire, rien à découvrir – rien à apprendre en somme ! – est une punition considérée comme extrêmement cruelle dans toutes les cultures (même si les autres besoins physiologiques sont satisfaits). La curiosité des humains ne diminue pas quand ils grandissent mais elle prend des formes plus sophistiquées d’exploration.
Peter Gray mentionne plusieurs études qui mènent aux conclusions que, dans leurs tentatives de comprendre le monde, les bébés humains sont plus attirés par les événements qui vont à l’encontre de leurs attentes et de leurs hypothèses. Ainsi, Laura Schulz a mené une expérience auprès d’enfants de 4 ans auxquels son équipe avait présenté un même jouet de manière différente : à certains enfants, le fonctionnement du jouet était expliqué en détails (chaque bouton étant identifié à son action); aux enfants du groupe témoin, le fonctionnement du jouet était montré de manière sommaire (tous les boutons étaient appuyés en même temps si bien que les enfants ne pouvaient pas voir quel bouton actionnait quelle action). Les enfants du premier groupe n’ont presque pas joué avec le jouet parce qu’ils n’avaient pas grand chose à en apprendre. A l’inverse, les enfants du groupe témoin ont été conduits par leur curiosité à explorer le fonctionnement du jouet.
D’autres études ont montré les effets inhibiteurs de démonstrations complètes avec une seule manière de faire les choses (que Peter Gray compare à l’enseignement magistral) sur la curiosité des enfants. Il se trouve donc que l’enseignement et l’intervention des adultes peut entraver les apprentissages à travers le court-circuitage de la curiosité. Les enfants ont tendance à ne pas aller au-delà de ce qui est enseigné. L’enseignement magistral entraverait donc ce qui pousse les enfants à apprendre.
2.Le jeu
Le jeu vient après la curiosité
L’attrait des enfants pour le jeu, et en particulier le jeu libre, sert au même titre que la curiosité les apprentissages. Tandis que la curiosité motive les enfants à chercher des nouveaux savoirs et des nouvelles compétences, l’attrait pour le jeu les motive à pratiquer leurs nouvelles compétences et de les utiliser de manière créative.
Ainsi, la curiosité entraîne les enfants à s’approcher des choses inconnues et de les manipuler pour en découvrir les propriétés. L’attrait pour le jeu les conduit ensuite à s’entraîner et à devenir experts dans l’utilisation de ces nouvelles compétences dans un dessein personnel et créatif.
La curiosité est marquée par une concentration intense et continue, ponctuée par des moments d’expression de surprise, parfois mélangée à de la joie, quand de nouvelles découvertes sont faites. La curiosité est le plus souvent solitaire.
Après la phase d’exploration, les enfants commencent à jouer avec. Le jeu est caractérisé par une attitude plus détendue que la phase de curiosité, marqué par un air sérieux. Le jeu est également caractérisé par une recherche de partage avec d’autres humains et d’intégration d’autres objet dans le jeu que l’objet initial d’exploration. Pour Peter Gray, l’attrait pour le jeu est la manière dont la nature s’est assurée que les jeunes mammifères pratiquent les compétences dont ils ont besoin pour survivre et s’épanouir dans leurs environnements. Il affirme d’ailleurs que la longue durée de l’enfance humaine est utile parce que les humains ont beaucoup besoin de jouer : les humains jouent beaucoup parce qu’ils ont beaucoup à apprendre.
Les différents aspects du jeu qui poussent les enfants à apprendre
Ces jeux peuvent recouvrir de nombreux aspects et correspondent aux compétences que les humains ont besoin d’acquérir selon leurs cultures et l’environnement dans lequel ils vivent :
- les jeux physiques,
- les jeux de langage,
- les jeux d’exploration,
- les jeux de construction,
- les jeux d’imagination,
- les jeux sociaux.
On comprend alors que prendre en compte le jeu autodirigé est indispensable pour comprendre ce qui pousse les enfants à apprendre. Peter Gray ajoute par ailleurs que les enfants sont capables de reconnaître les compétences qui leur seront les plus utiles dans leur environnement.
3.La sociabilité
La curiosité conduit les enfants à approcher et manipuler les choses intéressantes, nouvelles et utiles; l’attrait pour le jeu les conduit à devenir compétents avec ces choses et la sociabilité engendre la propagation des nouvelles compétences et savoirs.
Grâce à leur sociabilité naturelle, les esprits des enfants ont interconnectés entre eux. Nous sommes biologiquement conçus pour être en lien les uns avec les autres à travers le regard. Cette sociabilité s’appuie sur deux piliers principaux :
- le regard
Les humains sont dotés d’un “regard suiveur” sous forme de réflexe : par exemple, si une personne nous dit “oh, c’est beau !”, notre réflexe du regard suiveur nous aide à identifier immédiatement (ou presque) à quoi l’autre personne fait référence.
- le langage.
L’école traditionnelle contrarie ce qui pousse les enfants à apprendre
Le système éducatif va à l’encontre des mécanismes naturels de l’apprentissage humain. A l’école traditionnelle, les enfants ne sont pas libres de poursuivre leurs propres intérêts ou de poursuivre des intérêts à la manière qu’ils ont choisie.
La curiosité, l’attrait pour le jeu et la sociabilité (à travers des conversations significatives) sont contrariés à l’école parce que ces trois aspects de la nature humaine requièrent la liberté.
Or l’école traditionnelle prive les enfants de liberté à travers :
- les évaluations,
- les emplois du temps contraints,
- les espaces contraints,
- les enseignements imposés (sur le fond et la forme),
- les classes réparties par tranche d’âge,
- la quasi absence de jeu libre,
- le silence imposé.
Les apprentissages, la créativité et la résolution de problèmes sont facilités par tout ce qui promeut un état d’esprit joueur et sont inhibés par les évaluations, les récompenses ou tout ce qui peut détruire l’attrait pour le jeu.
C’est la raison pour laquelle les écoles démocratiques qui s’inspirent du modèle Sudbury n’ont ni programme, ni cahier, ni enseignant, ni méthode.
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Source : Libre pour apprendre de Peter Gray (éditions Actes Sud). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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