La peur, moyen de contrôle des comportements des élèves à l’école

La peur, moyen de contrôle des comportements des élèves à l’école

La peur, moyen de contrôle des comportements des élèves à l'école

John Holt, enseignant américain qui a beaucoup écrit au sujet des apprentissages autonomes, s’est longtemps interrogé sur les raisons pour lesquels l’école échoue dans sa mission d’enseignement. Dans son livre Comment l’enfant échoue, il estime que l’immense majorité des écoliers ressentent de la peur et de l’anxiété à l’école (même les bons élèves). Cette peur et cette anxiété sont incompatibles avec des apprentissages profonds et réels (au-delà des notes aux contrôles).

Il y a très peu d’enfants, pendant le plus clair du temps qu’ils passent à l’école, qui ne ressentent pas une dose de peur, d’anxiété et de tension que la plupart des adultes trouveraient insupportable. – John Holt

De nombreux élèves sont pris au piège dans un cercle d’échec, de découragement et de peur qu’il leur est difficile de rompre eux-mêmes et que les adultes ne veulent pas non plus briser. En effet, selon Holt, la peur des élèves arrange le système tel qu’il est conçu car il est plus facile d’obliger un enfant ou un adolescent à faire ce que les adultes attendent d’eux s’ils ont peur de ce que ces mêmes adultes peuvent leur faire (punition, exclusion, honte, menace sur l’orientation et le futur professionnel…).

Ainsi, Holt n’a pas peur d’affirmer que l’école rend consciemment et délibérément les enfants peureux pour que les adultes puissent contrôler plus facilement leur comportement. Il est difficile de reconnaître que la crainte et l’anxiété sont utilisées, à des degrés divers et de manière plus ou moins consciente, par les professionnels de l’éducation comme instruments de contrôle. En effet, le travail scolaire doit bien être fait pour se conformer aux programmes scolaires et aux attentes de la hiérarchie (sous peine pour les élèves lents ou récalcitrants de punition, de privation de récréation ou de réprimande publique).  Les méthodes utilisées pour que le travail soit fait (en classe et les devoirs à la maison) reposent bel et bien sur la peur : peur de l’enseignant, peur des parents, peur de la société (intégration professionnelle future).

Malgré tous nos discours et nos bonnes intentions, il y a bien plus de bâtons que de carottes à l’école, et tant qu’il en sera ainsi, les enfants adopteront une stratégie visant par-dessus tout à rester à l’écart des ennuis. Comment susciter l’envie de prendre joyeusement part à la vie, avec allégresse et du fond du coeur, quand nous construisons tout notre système en sanctifiant l’obtention des “bonnes réponses” ? – John Holt

L’école ne fait pas honneur à l’intelligence innée des petits humains

John Holt plaide la cause des enfants : il rappelle que les enfants sont déjà intelligents avant d’aller à l’école et qu’il n’est pas nécessaire de les rendre intelligents par une instruction formelle et standardisée. Il estime que l’école telle qu’organisée traditionnellement (classe d’âge unique, programmes à suivre, enseignement segmenté par heure, enseignant qui montre) ne peut que rendre les enfants (un peu ou beaucoup plus) stupides.

Pour les petits enfants, tout est nouveau. Ils peuvent réfléchir et rêver un bon moment sur ce qu’ils ne comprennent pas, mais ils s’en inquiètent à peine. C’est seulement quand d’autres personnes, des adultes, commencent à essayer de contrôler leur apprentissage et de forcer leur compréhension qu’ils commencent à s’inquiéter de ne pas comprendre, parce qu’ils savent que s’ils ne comprennent pas, tôt ou tard, ils vont avoir quelques soucis avec ces adultes. – John Holt

John Holt affirme qu’il ne faut pas partir du principe que, si les adultes n’enseignent pas ce qu’il y a à savoir aux enfants, aucun enfant ne les apprendraient jamais. Holt regrette qu’une personne soit considérée comme éduquée (et donc comme ayant de la valeur socialement) si et seulement si elle maîtrise les connaissances jugées comme fondamentales pour être un membre utile au groupe. Cette réalité est cachée derrière des déclarations d’intention sur l’émancipation que permet l’école, sur l’accès à la culture qui ouvre la voie à une pensée complexe et riche. Pourtant, de nombreux enfants deviennent des experts d’un sujet en se documentant en dehors de l’école; de nombreux enfants apprennent à lire sans l’école; les adultes continuent à apprendre sans passer par l’école; la plupart des adultes ont oublié une grande partie de ce qu’ils ont appris à l’école (simplement parce qu’ils n’en ont pas besoin)… mais rares sont les adultes qui n’ont pas de souvenirs douloureux en lien avec l’école (humiliation par un enseignant, sentiment de nullité, maux de ventre avant les évaluations, ennui profond, peur des punitions ou bien de l’absence de récompense…).

L’idée d’une contrainte indolore et dénuée de menaces est une illusion. La peur est la compagne inséparable de la contrainte et sa conséquence inévitable. Si vous pensez qu’il est de votre devoir que les enfants fassent ce que vous voulez, qu’ils le veuillent ou non; alors il s’en suivra inévitablement que vous devrez leur faire peur avec ce qui leur arrivera s’ils ne font pas ce que vous voulez. – John Holt

Les stratégies de défense et de fuite mises en place par les élèves pour palier à la peur (et qui sabotent leur intelligence)

Holt estime que les enfants mettent en place des stratégies de défense et de fuite en situation d’enseignement :

  • apparaître mignons ou terrifiés pour déclencher de l’aide de la part de l’enseignant;
  • dire “je ne comprends pas” et demander des indices avant même de réfléchir;
  • attendre que l’enseignant montre comment faire chaque exercice puis continuer par une démarche “d’imitation aveugle“;
  • chercher des indices dans la posture corporelle de l’enseignant (là où les yeux de l’enseignant se poseront par exemple);
  • marmonner une réponse qui peut être perçue comme juste par l’enseignant ou pour amener l’enseignant à reformuler de lui-même;
  • faire quelque chose (même faux et sans aucun sens) pour avoir la paix et donner l’impression de faire des efforts;
  • amener l‘enseignant à répondre à ses propres questions.

Les êtres humains naissent intelligents. Nous sommes des animaux qui par nature posons des questions, trouvons des réponses, résolvons des problèmes, et nous sommes extrêmement bons à cela, et surtout quand nous sommes petits. Mais dans certaines conditions, qui peuvent exister n’importe où et qui existent certainement presque tout le temps dans presque toutes les écoles, nous cessons d’utiliser nos plus grandes capacités intellectuelles, nous cessons de vouloir nous en servir, nous cessons même de croire que nous en avons.

Le remède n’est pas d’imaginer de plus en plus de trucs pour “construire l’intelligence”, mais de faire disparaître les conditions qui font agir de façon stupide et à la place, de mettre à disposition des enfants toutes sortes de situations variées dans lesquelles ils auront à nouveau une chance d’agir de façon intelligente. L’esprit et l’âme comme le corps guérissent de la plupart des blessures si nous ne passons pas notre temps à les rouvrir pour nous assurer qu’elles guérissent. – John Holt

Une école alternative… ou une alternative à l’école ?

John Holt plaide pour un autre style de relations humaines entre adultes et enfants qui permet aux enfants d’apprendre sans être “enseignés”, des relations qui évacuent la peur (et donc les punitions, les récompenses et les notes). Ces relations humains supposent des enseignants libérés des attentes scolaires (taux de réussite au bac par exemple) et juste humains dans toute leur vulnérabilité, sans jouer le rôle d’enseignants.

Lire aussi  : L’importance de l’acquisition de compétences relationnelles de la part des enseignants

C’est déjà assez pénible pour un enseignant de sentir que les enfants dont il a la charge utilisent les parties conscientes de leur cerveau d’une façon qui à long terme et même à court terme ne leur sera pas profitable, qui les limite et les mène à l’échec; de les voir faire bien sagement leurs devoirs en étant sûr qu’ils n’en retireront pas la moindre miette de nourriture intellectuelle; de savoir que ce qu’ils semblent avoir appris aujourd’hui, ils l’auront oublié dans un mois, dans une semaine ou même dès le lendemain.

Mais c’est encore bien pire de savoir que beaucoup d’enfants réagissent à l’école d’une façon complètement indépendante de leur volonté. Sentir qu’on contribue à rendre les enfants moins intelligents est déjà difficile, il faut en plus se demander si on ne crée pas des névroses. – John Holt

John Holt milite pour l’installation dans chaque quartier de centres de ressources et d’activités gratuits et ouverts sur des plages horaires larges, et toute sorte d’espaces pour laisser la vie se dérouler (bibliothèques, ludothèques, salles de musique, théâtres, installations sportives, ateliers, salles de réunion…). Ces espaces pourront être utilisés par tout le monde, sans distinction d’âge (jeunes et moins jeunes).

Par ailleurs, les apprentissages autonomes et informels, à travers notamment des discussions à bâtons rompus ou le simple aménagement d’un environnement suffisamment riche en opportunités, sont les plus efficaces et respectueux des droits des enfants.

On peut également mentionner que l’école n’est pas obligatoire en France, seule l’instruction l’est (des milliers de familles ont choisi l’instruction en famille) et que des initiatives fleurissent partout pour redéfinir l’école et l’enseignement (école du 3° type dans le public ou écoles dites démocratiques).

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Source : Comment l’enfant échoue de John Holt (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur).

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