L’impuissance apprise : quelles conséquences en situation d’apprentissage ? Quels leviers activer pour remotiver un enfant à l’école ?
L’impuissance apprise : quelles conséquences en situation d’apprentissage ?
Martin Seligman, psychologue américain, propose dans les années 1970, l’expression « impuissance apprise » pour désigner le découragement engendré par la répétition d’échecs dans une situation donnée malgré les efforts accomplis pour remplir cette tâche.
L’impuissance apprise est ce que l’on ressent quand on pense que, quoi qu’on fasse, cela ne servira à rien.
Le concept d’impuissance apprise a été élaboré en faisant subir à un groupe d’hommes et de femmes un bruit violent qu’ils n’avaient aucun moyen de faire cesser.
Le lendemain, pour un deuxième test, ce premier groupe est accompagné d’un autre groupe dit ” de contrôle” dont les membres, la veille, n’ont pas été soumis au bruit incontrôlable.
Ces deux groupes sont donc soumis au même bruit mais il y a dans l’environnement du deuxième test des moyens d’interrompre le bruit. Le groupe contrôle a utilisé ces moyens disponibles pour faire taire le bruit tandis que le premier groupe s’est résigné passivement, marqué par l’expérience précédente dans laquelle les efforts avaient été vains.
L’impuissance apprise génère des actes guidés par le découragement et la tristesse qui, si elles durent, peuvent conduire à la dépression.
Autrement dit, penser que ses efforts sont inutiles fait que l’on n’a pas de motivation pour agir et nos émotions douloureuses passagères se transforment en humeur négative permanente. (source)
A l’école, lorsqu’un élève n’arrive pas à répondre aux exigences d’un adulte (et notamment de son enseignant), alors qu’il en a le désir et qu’il redouble d’effort pour y arriver, il peut être confronté à des appréciations négatives telles que « il/elle ne fait pas d’effort », « doit mieux faire », « doit travailler davantage »….
Or justement, cet élève a travaillé et fourni des efforts mais il n’a pas les bonnes méthodes d’apprentissage, le bon état d’esprit, les dispositions psychologiques nécessaires (faible estime de soi, empêchement de penser…) ou ses particularités neurologiques (TDA/H, dys…) l’empêchent de faire plus. Lorsque l’élève échoue malgré ses efforts, et que la difficulté responsable de cet échec n’est pas reconnue par l’adulte, l’élève se retrouve dans cette situation « d’impuissance apprise ».
Il n’a plus confiance dans ses capacités à réussir en mobilisant ses efforts, et pire, il perd confiance en la capacité des adultes à repérer ses besoins et à y répondre.
Parents et enseignants : 3 leviers à activer pour mobiliser les élèves
1.Permettre à l’élève de retrouver le goût d’apprendre, c’est avant toute chose entendre sa souffrance et la reconnaître.
Lorsque l’enfant perçoit que l’adulte a compris qu’il avait voulu y arriver, qu’il avait fait des efforts, mais qu’il n’y arrivait pas pour une raison ou une autre, alors l’alliance se crée.
Il se peut qu’un élève fasse des efforts mais n’arrive pas à se concentrer ou à tenir en place (notamment du fait de la présence d’un TDA/H et de l’absence de compétences enseignées pour savoir comment faire pour se concentrer). Des erreurs de lecture ou une lecture lente peuvent s’expliquer par des automatismes non encore mis en place (parfois en lien avec une dyslexie). Lorsque l’enfant perçoit que l’adulte cherche à comprendre d’où viennent les erreurs et comment aménager les conditions d’apprentissages, l’investissement de la scolarité prend une nouvelle dimension.
2.Adopter une nouvelle manière d’envisager l’erreur
Apprendre, c’est comprendre pourquoi on se trompe. Quand l’erreur est acceptée des deux côtés (enfants et adultes), les essais-erreurs reprennent leur place dans les apprentissages scolaires.
Il incombe aux adultes de dédramatiser l’erreur, car elle fait partie du processus d’apprentissage : c’est parce que je me trompe que je suis en train d’apprendre ! Une fois que l’enfant a compris qu’il faut pouvoir se tromper pour apprendre, il pourra donner un rôle positif à l’erreur car il va chercher à l’analyser, à trouver des stratégies pour ne pas la renouveler et savoir la repérer plus rapidement (lors de la relecture d’une dictée par exemple en orthographe).
Dans cette approche, l’adulte s’intéressera plus à faire expliciter par l’enfant ce qu’il a voulu faire, plutôt qu’à ce qu’il a mal fait ou pas fait. L’adulte pourra ainsi tenter d’identifier les connaissances sur lesquelles s’appuie le raisonnement de l’enfant et en déterminer les origines possibles.
L’erreur n’est pas seulement l’effet de l’ignorance, de l’incertitude, du hasard […] , mais l’effet d’une connaissance antérieure, qui avait son intérêt, ses succès, et qui, maintenant, se révèle fausse ou simplement inadaptée. – G. Brousseau (didacticien des mathématiques)
3.Valoriser et encourager
Jane Nelsen, psychologue américaine, nous invite à distinguer l’encouragement et le compliment. Dans son livre La discipline positive, elle propose plusieurs questions qui nous aideront à différencier encouragement et compliment :
- Est-ce que ce que je dis pousse l’enfant à s’auto évaluer, ou au contraire à être dépendant de l’évaluation d’autrui ?
- Suis-je respectueux ou bien condescendant ?
- Est-ce que je me place du point de vue de l’enfant ou seulement du mien ?
- Est-ce que je ferais ce commentaire à un ami ?
L’encouragement efficace atteint le cœur avant d’atteindre la tête. – Jane Nelsen
Du côté des enfants et adolescents : 6 idées pour éviter l’impuissance apprise
1.Apprendre à attribuer les causes des réussites et des échecs à soi-même (développer un état d’esprit optimiste)
Un style optimiste augmente la confiance en soi. En effet, les optimistes attribuent leurs échecs à une causalité contrôlable (“je n’ai pas assez travaillé”; “j’ai fait l’impasse sur telle notion”, “je n’avais pas tout à fait compris”, “j’ai besoin d’aide sur tel point”, “c’était difficile”, “j’étais fatigué à ce moment là, je peux mieux faire, ça peut changer si j’adopte d’autres habitudes”, “avec de l’entrainement, je m’améliorerai”) et savent reconnaître leurs points forts par ailleurs (“il y a plein d’autres choses que je réussis”).
Les optimistes attribuent leur réussite à une cause interne (“c’est grâce à mon travail et à mes efforts”) plutôt qu’à la chance. La réussite est vue comme un élément stable (“je suis capable de m’appuyer sur des connaissances solides dans cette matière”) plutôt qu’instable ou limité dans le temps (“j’ai eu de la chance, ça ne va pas durer”). La réussite est vue comme quelque chose de global et général (“j’ai toujours réussi ce qui me tient à coeur”) plutôt que spécifique (“c’est bien la seule fois”, “c’est la première fois et ça ne va pas durer”).
2.Adopter un état d’esprit en développement contre l’impuissance appris
L’état d’esprit de développement est basé sur la croyance que vos qualités fondamentales sont des choses que vous pouvez cultiver par vos efforts. Bien que les gens puissent être différents de beaucoup de façons – de par leurs talents et aptitudes initiales, leurs intérêts, ou leur tempérament -, chacun peut changer et se développer par le travail et l’expérience. – Carol Dweck
Les personnes avec un état d’esprit fixe ont tendance à penser de manière dichotomique : soit on a la capacité (le don inné), soit on consent aux efforts (l’effort est donc pour ceux qui n’ont pas la capacité, pour les « non intelligents »). En tant que société, nous préférons croire que la réussite est naturelle et sans effort plutôt que dûe aux efforts, au travail, aux erreurs surmontées, aux apprentissages nés d’un échec. Or Michael Jordan n’est pas né en dribblant ! L’effort est justement ce qui rend intelligent(e) et doué(e) !
Les gens avec l’état d’esprit en développement croient en une chose très différente. Pour eux, même les génies doivent travailler dur. Quelles que soient nos capacités, l’effort est ce qui la transforme en accomplissement personnel. Au lieu de se laisser définir par l’expérience (positive ou négative), ils l’utilisent pour en apprendre quelque chose et devenir encore meilleur pour eux-mêmes (et non pas contre les autres).
Dans l’état d’esprit en développement, l’échec peut bien sûr être une expérience douloureuse mais il ne nous définit pas ! C’est « juste » un problème auquel il faut faire face, qu’il faut traiter, et duquel il faut apprendre. Dans l’état d’esprit fixe, l’échec se transforme d’une action (j’ai échoué) à une identité (je suis un/une raté/e).
Croire que les talents peuvent être développés permet aux personnes à l’état d’esprit en développement d’accomplir leur potentiel. Les gens avec l’état d’esprit en développement savent que cela prend du temps pour que le potentiel fleurisse. Ils aiment le défi et la difficulté et pensent « c’est difficile, c’est amusant, qu’est-ce que je vais pouvoir en retirer, qu’est-ce que je vais apprendre ? ».
3.Se doter de méthodes d’apprentissage efficaces
Apprendre à apprendre passe par le fait d’acquérir les stratégies d’apprentissages efficaces. En effet, travailler plus dur ne suffit pas toujours : faire toujours plus de quelque chose inefficace ne rend pas plus efficace et peut même entretenir l’impuissance apprise. Il est judicieux de connaître les stratégies et méthodes de révisions et de mémorisation recommandées par les sciences cognitives.
4.Apprendre à percevoir tout ce qui est fait dans une journée et ce qui est bien fait
La psychologie positive nous apprend à faire preuve de gratitude pour ce qui nous arrive de bien et à se nourrir des émotions positives associées à ce qu’on fait de bien. Souvent, nous remarquons ce que nous n’avons pas fait et considérons ce que nous avons fait comme normal. Pour maintenir la motivation, il faut chaque jour se pousser à être conscient de ce qu’on a fait de bien et de la satisfaction tirée des efforts déployés.
Pour y parvenir :
- Sur un cahier, noter chaque jour ce dont nous sommes fiers et apprécier les actions réalisées (ce qu’on aime, la manière dont cela embellit aussi la vie des autres, la manière dont cela contribue à une action plus importante…).
- Adopter un état d’esprit de développement : « c’était difficile et j’ai réussi ! » , « cela m’a demandé beaucoup d’efforts mais je l’ai fait ! », « c’est le résultat de mon travail et j’en suis fière »
- Observer les nouvelles émotions ressenties et en apprécier pleinement les sensations corporelles (sourire, respiration aérée, cage thoracique déployée, énergie, impression de légèreté…).
4.S’auto encourager
6.Identifier ses forces et ses talents
Prendre conscience de ses forces et talents, de son profil d’intelligence est un puissant levier de motivation. Quand on n’a pas foi en ses capacités, il est difficile de se mettre en mouvement dans le but d’atteindre des objectifs.
La réussite ne se construit pas sur des échecs mais sur des réussites, aussi petites soient-elles. Ne pas croire en soi, en ses capacités à atteindre les objectifs fixés empêche de commencer et d’entreprendre. Prendre conscience de ses forces et de ses talents est donc un puissant levier de motivation, pour les apprentissages scolaires mais bien au-delà.
En effet, être dans son Elément (pour reprendre l’expression de Ken Robinson), c’est trouver le point de rencontre entre les talents (les aptitudes naturelles) et les passions. Si beaucoup de personnes n’ont pas encore trouvé leur Elément, c’est en partie du fait qu’elles ignorent leur(s) talent(s).