Les difficultés de comportement chez les élèves : raisonner en termes d’enseignement de compétences pour limiter la violence et l’impulsivité 

Les difficultés de comportement chez les élèves : raisonner en termes d’enseignement de compétences pour limiter la violence et l’impulsivité

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Il est plus constructif et profitable de raisonner en termes de besoins et de compétences à acquérir plutôt que de poser des étiquettes dévalorisantes sur les enfants qui adoptent des comportements inappropriés. Chaque difficulté de comportement chez un élève peut être reliée à un ou plusieurs besoins non comblés ou à des compétences qui ne sont pas encore acquises. Les difficultés de comportement des élèves peuvent également être en lien avec leur immaturité chez les jeunes enfants ou des troubles neurodéveloppementaux (qu’ils soient diagnostiqués ou non).

Les étiquettes (du type “Il est mal élevé” ou “Elle est pénible”) créent une forme de déterminisme et sapent le moral des adultes comme des enfants. Un élève qui présente des difficultés de comportement est souvent un enfant qui n’a pas (encore) appris à faire autrement. En tant que professionnel, nous pouvons raisonner en termes d’acquisition de stratégies face aux comportements inappropriés des élèves.

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L’enfant qui coupe la parole

Comportement visible : Un enfant parle constamment en classe et coupe souvent la parole (aux autres élèves et à l’enseignant).

Besoins sous jacents : Cet enfant a probablement beaucoup d’idées et des choses à dire. Mais, il manque parfois d’autocontrôle, et son impulsivité fait qu’il prend la parole à des moments inopportuns, perturbant le groupe.

Compétences et stratégies à acquérir : Nous pouvons définir un signe/ un geste/ un mot pour lui adresser des rappels sans que les autres élèves ne s’en rendent compte. Nous pouvons aussi lui enseigner des techniques d’inhibition de l’impulsivité.

  • Les scénarios Si…alors

Il est possible d’enseigner aux enfants et adolescents comment élaborer des programmes construits sur le modèle “si… alors”. L’objectif est de se créer des scénarios alternatifs solides pour réorienter les intentions. Ces programmes consistent en des affirmations spécifiques à se répéter dans la tête en guise de consignes à soi-même.

Exemple : Si ce que dit la maîtresse me donne une idée et que j’ai envie de lui dire tout de suite, alors je l’écris sur un papier pour ne pas oublier. 

  • Stop et Réfléchis : est-ce que ce que je m’apprête à faire va améliorer les choses ou les empirer ? 

Il est possible d’inviter les enfants à faire des pauses avant d’agir et à utiliser ces temps de pause pour se poser une question simple : est-ce que ce que je m’apprête à faire va améliorer les choses ou les empirer ? Nous pouvons convenir d’un signal avec les enfants afin de leur rappeler ce temps de pause : cela peut être la prononciation des mots “Stop et réfléchis” ou un signe de la main. Avant que l’enfant ne soit capable de se demander lui-même si les choses vont empirer ou s’améliorer, l’adulte peut lui poser directement la question.

L’idée est que les enfants réalisent par eux-mêmes que ce qu’ils s’apprêtent à faire est une mauvaise idée et, avec la pratique, ils deviendront capables de se poser la question mentalement avant d’agir ou de parler afin d’adapter leur comportement.

  • Une signalisation Stop/ Moins fort/ Encore 

Une manière d’apprendre aux enfants à réguler leur impulsivité est de convenir d’une signalisation graduelle qui indique quand le comportement est OK, quand le comportement a besoin d’être tempéré et quand le comportement doit cesser. Cela peut passer par des mots et un panneau du type feux de circulation. 

Pour aller plus loin : Mon enfant me coupe la parole : comment réagir ?

 

L’enfant qui se laisse déborder par la colère (difficultés de comportement des élèves particulièrement perturbantes en classe)

Comportement visible : Un enfant fait mal aux autres et a un comportement plutôt violent.

Besoins sous jacents : Au moment de la récréation et des transitions (escaliers, EPS, attente…), l’enfant est désorganisé. Il peut vivre des frustrations et a du mal à les exprimer avec des mots.

Compétences et stratégies à acquérir : Nous pouvons outiller l’enfant pour qu’il fasse de meilleurs choix au moment de montrer ce qu’il ressent. L’auto régulation émotionnelle est une condition de la résolution des conflits sans violence car l’enfant n’est plus son émotion mais prend conscience qu’il ressent cette émotion et devient capable de réfléchir à nouveau.

  • Nommer la colère pour en diminuer l’intensité

A tout âge, on peut apprendre à apprivoiser l’émotion de colère. Les adultes pourront dire aux enfants que la première chose à faire quand ils sont en colère est de prendre conscience qu’ils sont en colère et l’accepter sans chercher à minimiser la colère. La nommer, c’est déjà en diminuer l’intensité.

  • Décharger l’énergie de la colère

Quand un enfant sent que sa colère est tellement forte qu’elle va déborder et se transformer en violence, il pourra alors chercher un moyen pour décharger la colère. C’est là que des outils pour apprivoiser la colère peuvent être utiles : taper des pieds, rugir comme le tigre, serrer les poings très fort et les desserrer, respirer amplement en inspirant avec le ventre qui se gonfle puis en expirant longuement… Il est possible de présenter ces outils et stratégies de retour au calme aux enfants en dehors de moments émotionnellement difficiles, par exemple sous forme de jeux puis, en cas de besoin, de leur proposer d’y avoir recours (“Tu te rappelles quand on a fait…, est-ce que tu penses que ça t’aiderait de… ?”)

  • Fournir des outils de régulation de la colère

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L’enfant qui pousse et tape

Comportement visible : Un enfant a des comportements inadéquats envers les autres, qui font en sorte que les élèves ne veulent pas jouer avec lui. Il lui arrive de les pousser, de leur crier dessus s’ils ne veulent pas faire comme il l’exige ou alors il tape pour exprimer ses frustrations.

Besoins sous jacents : Cet élève a envie de devenir ami avec certains élèves de la classe, mais il ne sait pas comment s’y prendre.

Compétences et stratégies à acquérir : Nous pouvons l’aider à verbaliser ses demandes, lui fournir des stratégies de régulation des émotions pour éviter que la frustration ne se transforme en violence, stimuler son empathie pour lier ses actes aux conséquences sur les autres et l’aider à formuler des plans pour mettre en oeuvre des stratégies alternatives.

  • Les “cool tools”

Les “cool tools” sont des idées utilisées dans les classes américaines pour faire face aux conflits entre élèves.

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  • Des affiches de rappel des règles dans la classe et/ou dans la cour

Je vous propose une affiche à télécharger à afficher en classe (ou ailleurs) pour aider les enfants à résoudre les conflits sans violence. L’idée n’est pas d’empêcher les conflits (inévitables et même sains dans les groupes) mais de permettre une résolution pacifique des conflits entre enfants.

  • Des livres pour stimuler l’empathie et la résolution pacifique des conflits

Silence, la violence ! est un livre pour trouver des alternatives à la violence. Il propose 6 fables dans lesquelles des animaux sont confrontés à des conflits :

  • comment vont-ils les résoudre ?
  • vont-ils se battre ou discuter ?
  • rejeter leurs différences ou les accepter ?

A travers ces 6 histoires, les enfants vont comprendre qu’il y a d’autres alternatives que la violence quand on n’est pas d’accord.

Silence la violence ! de Sylvie Girardet (éditions Hatier Jeunesse) est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander Silence la violence ! sur Amazon,  sur Cultura ou sur Decitre.

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L’enfant qui dit des gros mots

Difficultés de comportement des élèves visibles : Un enfant utilise des gros mots en classe.

Besoins sous jacents : Cet enfant a envie de s’exprimer (son avis, ses besoins, ses émotions) et d’entrer en relation avec les autres.

Compétences et stratégies à acquérir : Nous pouvons lui montrer que ce langage le dessert et lui apprendre à demander de manière appropriée pour que les personnes auxquelles il s’adresse aient envie de coopérer avec lui.

  • Utiliser les jouets comme médiateurs

Utiliser les jouets comme médiateurs peut être efficace pour déclencher des rires et passer des messages sans punition ni autre moyen de coercition. Il est ainsi possible de simuler la naïveté et d’accuser à tort un nounours d’avoir dit des gros mots, tout en simulant une colère exagérée envers le jouet. Après que l’enfant aura utilisé un gros mot, cette stratégie consiste à tendre un index accusateur vers le nounours et à dire avec une colère feinte : « Qui a dit ça ? Nounours, est-ce toi qui as dit ce vilain mot ? Je ne veux plus jamais t’entendre répéter ce mot ! »

Quand l’enfant répétera ce mot – ce qu’il fera certainement –, on pourra simuler une colère encore plus grande vis-à-vis du nounours. À ce moment-là, l’enfant rira probablement avec jubilation.

  • Traiter les problèmes de gros mots des enfants avec les jeux d’absurdité

Créer des expressions absurdes en transformant les gros mots en d’autres moins injurieux. Quand l’enfant dit par exemple « Tu as une tête en caca », l’adulte peut répondre « Tu as une tête en cacao ». Si l’enfant vous traite “d’imbécile”, pourquoi ne pas lui répondre « Chut ! ne répète à personne mon surnom secret ! » Comme l’enfant répétera à qui veut l’entendre ce fameux surnom, vous pourrez répliquer « Ah ! Tu m’as cru ? En réalité, mon vrai surnom, c’est tête de corn flakes ! » Le Dr Cohen, psychologue pour enfants américain, insiste sur le caractère idiot du surnom : l’objectif consiste à soulager la tension liée aux insultes par le rire et de faire basculer un rapport de force émergent en jeu.

  • Les mots coton

Alfie Kohn, auteur et conférencier américain dans les domaines de l’éducation, propose une approche basée sur l’empathie et l’éthique relationnelle. Les bonjour-s’il-vous-plait-merci sont des façons de faire en sorte que les autres se sentent bien. On peut dire aux enfants que ces mots sont des gentilles attentions, comme des mots “coton“, parce que les gens aiment bien les entendre. L’intention change alors : les enfants ne disent pas “s’il vous plaît” par peur de ne pas obtenir quelque chose ou par peur d’une réprimande s’ils ne le disent pas, mais bien pour l’effet que ce mot coton a sur les gens à qui il est adressé.

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Pour aller plus loin : Gardiens du sourire : des activités pour le développement émotionnel et relationnel des enfants (5 à 10 ans)