Dédramatiser et utiliser l’erreur à l’école : 5 leviers pour dépasser la peur de l’erreur

Dédramatiser et utiliser l’erreur à l’école : 5 leviers pour dépasser la peur de l’erreur

Dedramatiser et utiliser erreur ecole

Pour de nombreux élèves, faire des erreurs est douloureux parce qu’un erreur est vécue comme un danger. Ces élèves veulent à tout prix éviter les erreurs car elles peuvent amener des sentiments de peur ou de honte. Dans son livre Troubles du comportement en milieu scolaire, Stéphane Sarazin propose 5 leviers pour dédramatiser les erreurs à l’école.

1.Sécuriser les élèves à l’école

Stéphane Sarazin conseille, dans un premier temps, de veiller à n’interroger oralement un élève paralysé par la peur de l’erreur devant le groupe que lorsqu’il sait. L’enseignant peut convenir au préalable d’un signe distinctif que l’élève produira s’il souhaite être interrogé. En parallèle, l’enseignant et l’élève peuvent se mettre d’accord sur un code gestuel signifiant qu’il n’y arrive pas, afin que l’enseignant ou un camarade puisse l’aider, sans que cela soit source d’humiliation.

Stéphane Sarazin propose de permettre aux élèves les plus déstabilisés par les erreurs de changer régulièrement de cahier, afin de leur permettre de faire peau neuve et de repartir à zéro, comme s’il s’agissait des premières semaines d’une nouvelle année scolaire. En parallèle, il est possible de faire apparaître les manifestations des erreurs (ratures, notations, rayures, flèches pour modifier les idées…) chez l’enseignant afin de montrer que les adultes font des erreurs et qu’elles font partie du processus de réflexion, de recherche, de tâtonnement et d’essai. En effet, se tromper est indispensable pour apprendre. Faire des erreurs déclenche une reconfiguration des réseaux neuronaux au moment où on se rend compte qu’on a fait un erreur. Le cerveau a besoin de signaux d’erreur pour corriger ses modèles du monde extérieur.

Lire aussi : Neurosciences : le cerveau apprend grâce à l’erreur

2.Percevoir que le savoir stable se construit sur les erreurs 

Stéphane Sarazin rappelle que l’erreur n’a pas le même statut en fonction des moments d’apprentissage. Selon lui, il existe quatre grands types d’erreurs qui correspondent aux quatre premières phases d’apprentissage.

  1. Lors du repérage initial des connaissances, les erreurs sont des constructions mentales erronées ordinaires et normales que la leçon permettra de corriger.
  2. Lors de la phase de découverte, les erreurs sont des hypothèses qui seront validées ou infirmées par le groupe, par l’enseignant et éventuellement par l’élève lui-même.
  3. Lors de la phase de renforcement, les erreurs sont des expériences qui permettent de délimiter le contour de la notion abordée.
  4. Lors de la phase d’évaluation, les erreurs sont appréhendées comme des fautes d’étourderie dues à un manque de concentration ou à de l’incompréhension qui nécessitent un approfondissement (faire d’autres exercices, présenter la notion sous une autre forme, redonner les définitions, baliser les essentiels à connaître par coeur…).

3.Citer des erreurs qui ont donné lieu à des inventions utiles 

Stéphane Sarazin cite plusieurs erreurs qui ont été bénéfiques:

  • Alexander Fleming découvre la pénicilline en 1928 en oubliant des boites de Pétri sur sa paillasse.
  • Les sœurs Tatin renversent leur tarte qui devient un nouveau dessert.
  • Un berger oublie son repas composé de pain et de caillé de brebis dans une grotte. Le penicillium roqueforti transforme le caillé en roquefort.
  • Christophe Colomb croyant aller vers les Indes débarque en Amérique.

On pourrait également citer des exemples plus récents de personnalités que les élèves connaissent probablement :

  • JK Rowling est l’auteure de la série Harry Potter. Quand elle a commencé à écrire le premier tome de Harry Potter, elle était pauvre et seule pour élever sa fille. Son livre fut refusé par plusieurs maisons d’édition et elle vivait de l’aide sociale. Elle a continué à croire en ses rêves et a contacté d’autres maisons d’édition… jusqu’à ce que l’une d’elle accepte de publier le premier tome de Harry Potter. Aujourd’hui, plus de 450 millions de livres Harry Potter ont été vendus dans le monde !
  • Walt Disney, le créateur de Mickey, a connu plusieurs échecs dans sa vie : il fut d’abord renvoyé de son premier emploi à cause de son manque d’imagination puis l’entreprise qu’il avait créée fit faillite. Il persévéra et eut l’idée de la souris Mickey… mais des mauvaises langues lui dirent que l’idée d’une souris pour les enfants ne marcherait jamais !
  • Antoine Griezmann, le footballeur, a été forcé de partir à l’âge de 13 ans dans un centre de formation en Espagne. Plusieurs clubs français (comme Lyon, Montpellier ou Saint-Etienne) l’avaient jugé trop petit pour devenir footballeur professionnel. Il est pourtant devenu champion du monde en 2018 avec la France !
  • Louane, la chanteuse française, a tourné dans plusieurs films. Le premier (La famille bélier) fut un succès. Mais, en 2017, il a tourné dans un film qui fut un véritable échec. Elle ne s’est pas découragée pour autant et a tourné en 2018 dans un autre film comme actrice principale.

4.Montrer qu’il existe souvent DES solutions (et pas forcément UNE solution)

Stéphane Sarazin explique que le fait qu’il n’existe pas une réponse mais une multitude de réponses possibles permet aux jeunes de prendre confiance en eux. Il est donc possible d’utiliser certains types d’exercices pour dédramatiser les erreurs. La consigne donnée sera de « mettre ensemble ce qui va ensemble » dans des activités de type catégorisation. Ce type d’exercice peut être proposé à tout âge, dès la maternelle. Cela permet de sortir du binaire : oui/ non ; c’est bien/ c’est mal ; je peux/ je ne peux pas ; je suis intelligent/ je suis nul.

Par exemple : En maternelle, des briques de construction peuvent être rangées par couleur (bleu, jaune, rouge, vert), par forme (cube, cylindre, pavé), par taille (grand, moyen, petit), selon l’épaisseur (mince, épais).  En cycle 2, les moyens de transport tel que voiture, bus, train, avion, voilier, jetski, canoë, vélo, roller, montgolfière, ULM, paquebot, moto… peuvent être rangés en transport individuel/collectif, à moteur/sans moteur, se déplaçant sur l’eau/sur terre/dans l’air. En cycle 3, les animaux tels que requin, dauphin, méduse, serpent, lombric, chauvesouris, mouche, pigeon, chien… peuvent être rangés en mammifères/autres, vertébrés/invertébrés, ceux qui nagent/marchent/rampent/volent.

5.S’appuyer sur l’art et stimuler la créativité

Stéphane Sarazin écrit qu’on ne peut pas parler d’« erreur » quand on évoque une création artistique.

Pour inventer ou créer, il faut s’affranchir des codes, des normes et donc l’erreur devient une idée inappropriée. Le flou d’une photo, une coulure de peinture, un geste aléatoire et non maitrisé, par exemple, peuvent devenir une constituante de l’œuvre. Dans l’art, l’erreur n’est pas quelque chose qu’il faut gommer et reprendre ; au contraire, elle peut être matière à construire « autour ». – Stéphane Sarazin

Pour aller plus loin : Comment étudier des œuvres d’art avec les enfants et adolescents pour éduquer à la créativité ?

La créativité est à entendre comme le processus qui permet d’avoir des idées originales qui ont de la valeur. Elle n’est pas réservée à l’art comme on l’entend dans le langage commun (peinture, sculpture, dessin, musique, écriture littéraire…) La créativité est essentielle pour trouver des solutions à certaine problèmes (mathématiques, relationnels, scientifiques…). Stimuler la créativité en classe peut aider les élèves à dédramatiser l’erreur :

  • Ouvrir la classe aux activités culturelles (avec ou sans intervenant) : écouter différents types de musique ; inventer des rythmes, utiliser des objets, le corps pour créer des mélodies, expérimenter la voix ; expérimenter le théâtre, aller au théâtre ; découvrir des expositions, monter des expositions ; transformer les objets ; inventer, écrire, filmer, dessiner des histoires, etc.
  • Poser des questions ouvertes : les questions ouvertes peuvent commencer par “Comment ?”, “Pourquoi ?”, “Qui ?”, “Quand ?”, “Où ?”, “Quel ?” (et éviter les questions fermées qui commencent par “est-ce que ?” et qui appellent “oui” ou “non” en réponse)
  • Accompagner à penser sans limites, ouvrir les possibles, accepter toutes les réponses (“censurer la censure”) et donner la même valeur à chaque idée proposée (-> des idées dans ce livre La grande fabrique à idées : un livre pour jouer avec les mots et stimuler la créativité (6 ans et +))
  • Jouer avec les associations d’idées : phonétiques, sémantiques, sérielles, oppositions, proximité… (des idées pour cultiver la pensée créative des élèves : 5 exercices de créativité pour générer des idées et adopter une pensée créative et 5 activités pour stimuler la pensée créative des enfants).

Pour aller plus loin : Mon petit cahier pour oser et ne plus avoir peur d’échouer : 12 activités pour porter un regard positif sur les erreurs (enfants et adolescents)

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Source : Troubles du comportement en milieu scolaire de Stéphane Sarazin (éditions Retz). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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