Impuissance apprise, effet Pygmalion et prophéties auto-réalisatrices : quand nos croyances entravent les apprentissages des enfants…

Impuissance apprise, effet Pygmalion et prophéties auto-réalisatrices : quand nos croyances entravent les apprentissages des enfants…

quand nos croyances entravent les apprentissages des enfants

Impuissance apprise, résignation acquise, prophéties auto-réalisatrices et effet Pygmalion : tous ces termes se rapportent à nos croyances et nos attentes d’adultes dans le processus éducatif. Dès lors qu’un pose une étiquette ou un jugement de valeur répété sur un enfant, il a tendance à se conformer à cette étiquette.

Marshall Rosenberg (fondateur de la Communication Non Violente) disait à propos d’élèves jugés socialement et émotionnellement inadaptés : “Si vous êtes classés socialement inadaptés, ça laisse une permission de faire le bazar.”

Les comportements (négatifs mais aussi positifs) s’auto-renforcent à l’aide d’étiquettes.

Impuissance apprise et résignation acquise

Plusieurs psychologues ont démontré ce mécanisme scientifiquement. Martin Seligman est un psychologue comportementaliste qui a démontré dans les années 1960 qu’un animal finit par se résigner et se montrer apathique face à des chocs électriques qu’il subit sans aucune chance de s’y soustraire.

Martin Seligman a alors extrapolé ce mécanisme aux comportements humains : un enfant risque d’intérioriser des remarques du type “Ce n’est pas un cerveau que tu as, c’est une passoire !”, “C’est pas compliqué à comprendre pourtant !”, “Je ne sais plus quoi faire de toi !” et de se convaincre qu’il n’est effectivement pas capable d’apprendre. Les psychologues parlent d’impuissance apprise (ou de résignation acquise) car c’est à force d’entendre qu’il n’est pas intelligent, qu’il n’arrivera à rien que l’enfant refuse de s’engager dans le travail et les apprentissages.

L’enfant finit par se persuader : A quoi bon faire des efforts si le résultat est toujours mauvais ?

L’impuissance apprise résulte d’un apprentissage dans lequel l’enfant fait l’expérience de son absence de contrôle sur les événements survenant dans son environnement.

Prophéties auto-réalisatrices

C’est le sociologue américain Robert King Merton qui a le premier défini les prophéties auto-réalisatrices :

La prophétie auto-réalisatrice est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie.

Par exemple, les actionnaires imaginent que le marché va s’écrouler et cela provoque un crack boursier. A l’inverse, la crainte d’un embouteillage peut amener à différer son départ et rendre le trafic plus fluide.

La puissance des prophéties auto-réalisatrices s’appliquent aussi en éducation : pour transformer un “mauvais” élève en “bon” élève, comportez vous comme s’il était bon.

Effet Pygmalion

Audrey Akoun et Isabelle Pailleau démontent le mythe selon lequel “On n’a rien sans rien”. Elles écrivent dans “Apprendre autrement avec la pédagogie positive” que si nous croyons qu’il faut souffrir pour apprendre, alors il y a de fortes chances pour que nous enfermions nos enfants dans un schéma dans-lequel les apprentissages sont longs et difficiles.

L’effet Pygmalion en est la meilleure preuve. Robert Rosenthal, psychologue américain du milieu du XX° siècle, a mené l’expérience suivante :

  • il a constitué deux échantillons de rats totalement au hasard,
  • il a convié des étudiants pour une expérience avec ces rats : ces derniers doivent retrouver leur chemin dans un labyrinthe,
  • les étudiants sont eux-mêmes scindés en deux groupes :
    • Rosenthal indique au premier groupe que l’échantillon de rats qui leur a été attribué est composé de rats particulièrement intelligents,
    • Rosenthal indique au deuxième groupe que l’échantillon de rats qui leur a été attribué est composé de rats atteints de maladies génétiques et par conséquent retardés mentalement.

Ces indications sont fantaisistes car les rats ont été sélectionnés aléatoirement. Les résultats de l’expérience confirment pourtant les prédictions du psychologue : les rats du premier groupe passent le labyrinthe sans problème alors que certains rats du deuxième groupe ne quittent même pas la ligne de départ !

Après analyse, il se trouve que les étudiants du premier groupe se sont montrés chaleureux, sympathiques et encourageants avec leurs rats supposés brillants; tandis que les étudiants du deuxième groupe se sont montrés distants et froids avec leurs rats supposés stupides.

Rosenthal a réitéré cette expérience avec des enfants dans une école de San Francisco. Le psychologue s’est adjoint les services de Leonore Jacobson, directrice d’école. Ils ont voulu évaluer l’impact des attentes favorables des enseignants sur le niveau de développement intellectuel des élèves.

Rosenthal et Jacobson ont fait passer un test de QI à l’ensemble des élèves d’une école défavorisée composée essentiellement d’enfants d’immigrés. Puis, ils ont attribué un résultat surévalué à 20% des élèves et se sont arrangés pour que les enseignants prennent connaissance de ces résultats.

A la fin de l’année scolaire, Rosenthal et Jacobson ont à nouveau soumis les élèves à un test de QI.

Il se trouve que les 20% des élèves dont les résultats avaient été surévalués se sont comportés comme les souris du premier groupe : leurs performances aux tests de QI ont augmenté. Pour la seule et unique raison que les enseignants ont porté un regard positif et valorisant sur ces enfants-là du fait d’attentes et de croyances modifiées à leur égard.

Les attentes et croyances sur les compétences et le potentiel d’un enfant modifient son évolution scolaire.

 

Comment utiliser nos croyances d’adultes de manière positive pour favoriser les apprentissages des enfants ?

L’impuissance apprise, l’effet Pygmalion et les prophéties auto-réalisatrices peuvent être mis au service de l’éducation et de la confiance en eux des enfants.

  • Cibler l’attitude sans attaquer la personnalité de l’enfant

Toutes les émotions sont acceptables, tous les comportements ne le sont pas. Nous pouvons accueillir les émotions des enfants tout en expliquant que certains comportements sont inacceptables.

C’est l’attitude des enfants que nous ne pouvons pas tolérer, et non pas les enfants eux-mêmes.

  • Considérer l’apprentissage comme un processus non linéaire faits d’erreurs, d’essais, d’échecs et de réussite

Dès que nous commençons à envisager l’apprentissage comme un processus de développement naturel, faits de blocages et de déblocages, de résistances et d’ajustements, d’acquisitions et de retours en arrière, alors nous en aborderons les étapes plus sereinement.

Tous les apprentissages s’inscrivent dans un projet à long terme et ne sont pas linéaires. Ce qui est acquis à un moment donné par l’enfant peut être “perdu” sans que le développement général de l’enfant en soit affecté.

Ken Robinson dénonce l’aspect trop linéaire de nos systèmes éducatifs. Pourquoi aller à l’université tout de suite après le lycée par exemple ? Certains n’auront pas besoin de faire des études supérieures pour réussir leur vie et d’autres pourront éprouver le besoin de retourner à la fac après plusieurs années dans le monde du travail.

Par ailleurs, les apprentissages ne s’arrêtent pas à la porte de l’école : il est préférable d’encourager les enfants à devenir des “découvreurs”.

  • Renforcer l’estime d’eux-mêmes et la confiance en leurs capacités des enfants

Des phrases peuvent être dites aux enfants pour consolider leur estime de soi. En voici quelques exemples :

Tu as le droit de sentir les choses différemment de moi, d’aimer ce que je n’aime pas et de ne pas aimer ce que j’aime.

Tu as le droit d’éprouver de la colère, de la tristesse, de la peur, de la joie.

Tu as le droit d’avoir des besoins et de les exprimer.

Tu as le droit de penser différemment de moi.

Tu as le droit d’avoir des opinions différentes des miennes.

6 phrases à dire avant que votre enfant ne reprenne le chemin de l'école

Enraciner l’état d’esprit de développement chez les enfants dès le plus jeune âge

Carol Dweck est chercheuse dans le domaine de la personnalité, de la psychologie sociale et du développement. Elle a écrit le livre Changer d’état d’esprit dans lequel elle distingue l’état d’esprit fixe de l’état d’esprit en développement. Les capacités et les talents ne suffisent pas pour atteindre des objectifs, notre état d’esprit a un impact capital sur la réussite dans nos vies. Le plus important pour relever des défis et réussir est d’aborder la vie et les apprentissages avec un état d’esprit en développement.

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