Un mode d’emploi pour apprendre n’importe quelle langue en six mois ?
Un mode d’emploi pour apprendre n’importe quelle langue en six mois ?
Chris Lonsdale livre dans cette vidéo la manière dont il a réussi à apprendre le chinois en 6 mois. En 1981, il est parti en Chine et a décidé qu’il serait bilingue en chinois en l’espace de deux ans.
En six mois, il a réussi à parler le mandarin couramment et n’a pas eu besoin de bien plus longtemps pour être parfaitement bilingue.
Pourtant, il voyait bien qu’autour de lui, de nombreuses personnes étrangères se débattaient avec la langue chinoise et de nombreux chinois rencontrent des difficultés dans l’apprentissage de l’anglais ou d’autres langues. Il s’est alors demandé : comment aider un adulte normal à apprendre une nouvelle langue rapidement, facilement et efficacement ?
Il a déduit de son expérience et de ses observations 5 principes et 7 actions à mettre en oeuvre pour n’importe quel adulte qui veut apprendre à parler une deuxième langue couramment.
Deux mythes à déconstruire pour apprendre une nouvelle langue
Chris Lonsdale attire notre attention sur deux mythes qui nous empêche de nous impliquer efficacement dans l’apprentissage d’une nouvelle langue.
1. Le talent inné est indispensable pour apprendre une langue.
C’est faux, le talent importe peu. Tout le monde est capable d’apprendre une langue étrangère, à n’importe quel âge.
2. L’immersion totale dans un pays est la meilleure façon d’en apprendre la langue.
Chris Lonsdale prend l’exemple de Hong Kong : les occidentaux qui y vivent depuis dix ans ne parlent pas un mot de chinois. Et combien de chinois vivant en Amérique, en Grande Bretagne, en Australie, au Canada depuis vingt ou trente ans ne parlent pas anglais ? L’immersion seule, sans projet ni attention, ne fonctionne pas. C’est l’intention qui compte, plus que l’immersion.
5 principes comme prérequis pour un apprentissage rapide et efficace d’une nouvelle langue
1. Quatre mots importants : attention, signification, pertinence, mémorisation.
Ces quatre notions sont interdépendantes.
Chris Lonsdale propose une première règle : apprendre une autre langue suppose de se concentrer sur le contenu de la langue, celui qui est pertinent dans une situation précise.
Ce qui amène à la question des outils. C’est par l’utilisation des outils que nous en acquérons la maîtrise et nous apprenons à nous en servir plus vite quand ils sont plus pertinents.
Lonsdale raconte une anecdote : une de ses collègues assistait à des cours du soir pour apprendre à taper sur un clavier d’ordinateur chinois, deux heures les mardis et jeudis soirs. En parallèle, elle s’entraînait à taper chez elle. Elle y a passé neuf mois mais n’a jamais réussi à apprendre comment se servir d’un clavier chinois. Une nuit, ils se sont retrouvés en situation de crise. Ils avaient 48 heures pour remettre un manuel de formation en chinois. Et elle a réussi : elle a appris à taper en chinois en 48 heures car c’était pertinent et important pour elle, ça avait du sens, elle utilisait cet outil pour créer de la valeur.
2. Utiliser la langue comme un moyen de communiquer dès le premier jour, comme le ferait un enfant.
Quand ils est arrivé en Chine, Lonsdale ne parlait pas un mot de chinois et a dû prendre le train de nuit dès sa deuxième semaine dans le pays. Il a passé 8 heures assis dans le wagon restaurant à discuter avec un des contrôleurs du train. Ce dernier s’était pris d’intérêt pour lui et ils ont parlé toute la nuit en chinois.
Le contrôleur dessinait des images et faisait des mouvements avec ses mains et son visage. Petit à petit, Lonsdale a pu comprendre mieux en mieux.
Ce que Lonsdale admet avoir vraiment apprécié est d’avoir compris des bribes de conversation quand un groupe de chinois s’est mis à parler à côté de lui deux semaines plus tard. Pourtant, il n’avait pas fait d’efforts particuliers pour apprendre ces mots. Il les avait absorbés cette nuit-là dans le train.
3. Des éléments de langage sont acquis inconsciemment la première fois qu’un message est entendu.
Ce phénomène, bien expliqué par la science, est appelé « contribution intelligible ou explicite » (« comprehensible input »).
Stephen Krashen, un expert de ce domaine, a publié différentes études et les conclusions suivantes en sont extraites. Les personnes qui apprennent une langue par contribution explicite ont de meilleurs résultats que celles qui l’ont apprise à l’école de manière formelle et scolaire dans des tests de grammaire, de lecture, de compréhension orale et d’écriture.
La compréhension explicite fonctionne ! C’est même la clé de l’apprentissage d’une nouvelle langue.
4. Dans de très nombreux cas, il s’agit aussi d’un entraînement physiologique.
Il existe des filtres dans notre cerveau qui laissent entrer les sons auxquels nous sommes habitués et qui barrent les sons des langues auxquels nous ne sommes pas habitués. Si nous ne pouvons pas entendre ces sons, nous ne pouvons pas les comprendre et forcément pas les apprendre.
Nous devons être en mesure d’entendre les sons de la langue que nous voulons apprendre. Il existe des manières de le faire et il s’agit d’exercices physiologiques.
Parler requière des muscles. Notre visage compte 43 muscles Nous devons les coordonner de manière à formuler des sons compréhensibles par nos interlocuteurs. S’il vous est déjà arrivé de faire un nouveau sport pendant plusieurs jours d’affilée, vous connaissez cette sensation corporelle : ça fait mal ! Si vous avez mal au visage, c’est que vous le faîtes bien, nous dit Lonsdale !
5. L’état psycho-physique influence la capacité d’apprentissage.
Si vous êtes triste, en colère, angoissé.e, bouleversé.e, alors vous n’apprendrez rien (ou peu).
Si vous êtes heureux.se, relaxé.e, si votre cerveau est rempli d’ondes Alpha, est curieux, vous allez apprendre très facilement et rapidement.
Au-delà de ça, vous devez être tolérant.e à ambiguïté. Si vous faites partie de ces gens qui ont besoin de comprendre 100% des mots qu’ils entendent, vous risquez d’agacé.e la plupart du temps, prévient Lonsdale. Si vous êtes à l’aise avec le fait de comprendre certains passages mais pas d’autres, si vous vous contentez de faire attention seulement à ce que vous comprenez, vous serez détendu.e et vous apprendrez vite, conclut-il.
En partant de ces cinq principes, quelles sont les sept actions à mettre en œuvre ?
1. Ecoutez beaucoup.
Chris Lonsdale appelle cela un bouillon de culture (« brain soaking »). Mettez-vous dans une position grâce à laquelle vous allez pouvoir entendre la langue parlée au maximum peu importe que vous compreniez ce qui est dit ou pas. Vous écoutez les rythmes, vous écoutez les choses qui se répètent, vous écoutez les choses qui ressortent. Trempez votre cerveau dans tout cela, conseille-t-il !
2. Trouvez le sens avant le mot.
Vous êtes dans la situation où vous vous voulez vous exprimez mais vous ne connaissez pas le mot correspondant. Le langage corporel, non verbal fait l’essentiel de la communication, rappelle Lonsdale. En partant du langage corporel, vous pouvez vous faire comprendre et comprendre dans de nombreuses situations. Par conséquent, vous comprenez, vous progressez à partir des contributions explicites.
Vous pouvez aussi réutiliser des modèles que vous connaissez. Si vous parlez le mandarin et le cantonais et que vous vous rendez au Vietnam, vous serez capable de comprendre 60% des conversations courantes. Parce que le vietnamien est constitué à 30% de cantonais et à 30% de mandarin.
3. Commencez à combiner.
Vous n’y avez probablement jamais pensé de cette manière mais si vous avez dix verbes, dix noms et dix adjectifs, vous êtes capables de dire cent choses différentes. Le langage est un processus créatif.
Comment font les bébés ? Ils disent : Moi ! Bain ! Maintenant ! C’est leur façon de communiquer.
Alors commencez à combiner, soyez créatifs, amusez vous, votre expression n’a pas besoin d’être parfaite, vous avez juste besoin d’être compris, s’amuse à nous rappeler Lonsdale.
4. Concentrez-vous sur l’essentiel : la boîte à outils.
Quand vous faites ça, vous vous concentrez sur l’essentiel : dans toutes les langues, il y a des mots qui reviennent fréquemment. En anglais, mille mots suffisent à couvrir 85% des situations de la vie courante. Trois mille mots couvrent 98% des situations de la vie courante. Si vous maîtrisez ces trois mille mots, vous parlez anglais dans les faits. Le reste est juste la cerise sur le gâteau.
Quand vous entamez l’apprentissage d’une nouvelle langue, munissez-vous d’une boîte à outils.
La première semaine, utilisez les expressions suivantes dans la langue en cours d’apprentissage :
- « comment dites-vous cela ? »,
- « je ne comprends pas »,
- « pouvez-vous répéter s’il vous plait »,
- « qu’est ce que cela signifie ? ».
Lonsdale conseille de les utiliser comme des outils, de faire de ces phrases et de leurs réponses des éléments utiles.
La deuxième semaine, cela permettra d’être en mesure de dire des choses comme : « moi », « ça », « vous », « ceci », « donner », « vous savez », « chaud », des noms/ pronoms/ verbes/ adjectifs simples, en somme de communiquer comme un bébé.
La troisième ou quatrième semaine, il deviendra possible de s’attaquer aux mots de liaison et aux connecteurs. « Bien que », « mais », « c’est pourquoi » lient des éléments de langage entre eux et enrichissent l’expression orale. A ce moment là, on peut dire qu’on parle !
5. Trouvez-vous un « parent de langue ».
A cette étape, Chris Lonsdale conseille de trouver un « parent de langue ». Si on regarde la manière dont les parents et leurs enfants interagissent, on comprend le sens de cette expression « parent de langue ».
Quand un enfant commence à parler, il peut utiliser des mots simples, des combinaisons simples, parfois bizarres, parfois prononcées de manière inhabituelle si bien que les personnes en dehors du cercle familial ne comprennent pas.
Mais comme les parents le comprennent, l’enfant se sent en sécurité et en confiance. Les parents parlent avec l’enfant en utilisant le langage non verbal et des éléments de langage très simples que l’enfant comprendra facilement. Donc nous savons qu’avoir un environnement sans danger de contribution explicite est efficace parce qu’aucun d’entre nous ne parlerait sa langue maternelle dans le cas contraire.
Se trouver un « parent de langage » signifie trouver quelqu’un qui s’intéresse à nous en tant que personne, qui communiquera avec nous d’égal à égal, mais qui fera attention à être compréhensible.
Il existe quatre règles dans la communication parents/ jeunes enfants et qui doivent être retrouvés avec le “parent de langue” :
a. ils feront tout leur possible pour comprendre ce que vous voulez dire même quand vous utilisez une manière de vous exprimer complètement décalée,
b. ils ne corrigeront jamais vos erreurs,
c. ils vous exposeront ce qu’ils ont compris de votre message pour être sûrs d’avoir bien compris, de vous laissez la latitude de rectifier et d’en prendre note si nécessaire,
d. ils utiliseront des mots que vous connaissez.
6. Imitez les expressions faciales et les mouvements du visage.
Lonsdale conseille de faire travailler les muscles correctement pour s’exprimer oralement de manière à être compris.
On peut commencer par entendre, par ressentir comment la langue sonne, ce qui signifie avoir une boucle de contrôle entre le visage et les oreilles.
Mais l’idéal est d’observer la manière dont une personne de langue maternelle utilise son visage et de laisser l’esprit s’imprégner de manière inconsciente des règles de fonctionnement. S’il n’est pas possible d’observer un locuteur natif, il est toujours possible d’utiliser des vidéos sur Internet.
7. Connectez-vous directement.
Qu’est-ce que cela signifie ? La plupart des gens qui apprennent une langue étrangère prennent le mot dans leur langue maternelle, prennent le mot dans la langue étrangère et se repassent ces mots dans l’esprit pour essayer de s’en souvenir. Mais ce processus est inefficace.
Lonsdale dit que chaque chose que nous connaissons est une image, une sensation à l’intérieur de notre cerveau : si nous pensons au feu, nous pouvons sentir l’odeur de la fumée, entendre le craquement du bois, voir les flammes. Nous pouvons nous rattacher à cette image, à ces souvenirs. C’est ce qu’il appelle « même boîte, voie différente » : quittez un chemin, en construire un nouveau, connecter de nouveaux sons avec ces images déjà en tête, avec des représentations internes.
Chris Lonsdale en est convaincu : en appliquant ces conseils et en étant persuadé qu’on en a la maîtrise, tout le monde est capable de parler couramment n’importe quelle langue étrangère en l’espace de six mois.