Apprendre à apprendre : les évocations de la gestion mentale
Apprendre à apprendre : connaître ses habitudes évocatives et développer des habitudes d’évocation complémentaires
Définition et nature des évocations mentales
Guy Sonnois, pédagogue spécialisé en gestion mentale, nous rappelle de ne pas confondre “percevoir” et “évoquer”. La perception est une activité sensorielle (effectuée par les sens de la perception). L’évocation est ce qui rend présente cette réalité dans notre cerveau sous formes d’images mentales (ici “images” signifie ce qui est imaginé donc ces images ne sont pas forcément visuelles). Les images mentales se passent toujours à l’intérieur (auxquelles les autres personnes ne peuvent pas avoir accès de l’extérieur). Par exemple, quand on parle d’évocation, on peut parler d’images sonores.
Les évocations mentales sont la réponse aux questions : Comment ça se passe dans ta tête ? Qu’est-ce que ça fait dans ta tête ?
Pour être mises au service des apprentissages scolaires, les évocations doivent être rapport avec la perception (par exemple, penser à un match de foot – évocation- pendant un cours de maths – perception- est inefficace pour la compréhension et la mémorisation des concepts mathématiques présentés lors de ce cours). C’est le projet d’attention (projet d’actions et de sens) formé par l’élève avant d’entrer en classe qui permettra d’assurer la cohérence entre perception et évocation.
Les évocations constituent la matière première de notre vie mentale. Elles sont comme les “langues de notre cerveau”. Nous les utilisons spontanément. – Guy Sonnois
Ce qui fait souvent la différence dans les différences de résultats des élèves est la qualité des évocations : certains élèves ont des évocations complètes, entraînée, automatisées et sur la même longueur d’onde que la langue mentale du professeur.
Guy Sonnois utilise l’expression “langue de notre cerveau” pour faire comprendre qu’à nos perceptions externes correspondent trois langues mentales : visuelle, auditive/verbale, kinesthésique. C’est la langue que nous utilisons pour communiquer à l’intérieur de nous.
De même qu’il est possible d’apprendre d’autres langues que notre langue maternelle parlée qui sert à communiquer à l’extérieur, il est possible d’apprendre d’autres “langues du cerveau” pour bien communiquer avec soi-même.
De la même manière que nous pouvons combiner nos perceptions (on peut percevoir un gâteau avec la vue, l’odorat et le goût), il est possible d’évoquer une même réalité perçue avec plusieurs sortes d’évocations (image d’un gâteau, évocations olfactives ou gustatives, nom du gâteau écrit ou prononcé…).
Niveaux et registres d’évocations mentales
Evocations concrètes
Nous pouvons évoquer des choses ou des êtres concrètement comme ils sont dans la réalité.
Evocations symboliques
Nous pouvons évoquer des symboles (mots, signes, codes, résultats…).
Evocations de liens logiques
Nous pouvons évoquer des liens logiques dans une formule (en grammaire, ce sont des liens logiques entre des mots; en mathématiques, ce sont des liens logiques entre des symboles et des nombres).
Evocations de liens imaginaires
Nous pouvons évoquer des liens inédits, moins logiques et plus fantaisistes, libres, enjolivés, parfois loufoques. En général, ces liens sont personnels, seulement compréhensibles par nous-mêmes car ils prennent appui sur des associations que nous avons faites préalablement entre deux idées.
Augmenter le pouvoir d’évocation
Nous pouvons toujours augmenter notre pouvoir d’évocation, aussi bien la nature que le registre d’évocation. Pour cela, il est nécessaire de partir de ce que nous évoquons spontanément pour prolonger l’évocation initiale.
L’essentiel est de retenir cette “loi des évocations” : c’est toujours sur une évocation qui nous est familière que nous pouvons essayer de l’enrichir par une évocation d’une autre nature, d’un autre registre. – Guy Sonnois
Accompagner les jeunes dans l’identification des habitudes d’évocation
Ce qui est important pour la personne qui accompagne un enfant ou un adolescent, ce n’est pas tant de connaître précisément les évocations qu’ils utilisent mais de les renseigner sur leurs capacités à utiliser leurs propres évocations. Accompagner quelqu’un dans son apprentissage, c’est lui permettre de connaître et d’utiliser au mieux ses habitudes évocatives, mais également de développer des habitudes complémentaires.
Les questions ouvertes ou semi ouvertes sont utiles à cet effet :
- Comment ça fait dans ta tête ?
- Qu’est-ce qui se passe dans ta tête quand tu réfléchis ?
- Qu’est-ce que tu fais quand tu fais attention ?
- Comment est-ce que tu comprends ce que quelqu’un te dit ?
- Dans cet exercice, as-tu eu des images dans ta tête ou bien t’es tu parlé, ou bien as-tu ressenti des émotions, des sensations ?
- Comment te reviennent tes souvenirs ?
- Quel est ton projet dans telle activité ?
Le but est bien d’amener les jeunes à reconnaître et s’approprier leurs évocations, sans pour autant les cataloguer de “visuels” ou “auditifs” ou “kinesthésiques” ni imposer nos propres habitudes évocatives.
Repérer des habitudes évocatives
Guy Sonnois propose plusieurs petits exercices pour mettre au jour des habitudes évocatives :
Pour apprendre un poème, une chanson par coeur
Au moment d’apprendre un texte par coeur, on peut poser les questions suivantes (à soi-même pour déterminer ses propres habitues évocatives ou aux apprenants) :
Vous évoquez visuellement les mots ou il vous vient plutôt des images concrètes ?
Ou vous photographiez la forme générale, la longueur des vers ?
Ou vous répétez simplement les mots ? Vous faites chanter le texte en le récitant dans votre tête ?
Après cette répétition viennent des images des mots ? Des images concrètes ? L’image des mots en lettres ?
Tous les mots ou certains ?
Ou encore autre chose ?
Pour retenir une carte de géographie, une figure de géométrie, un schéma
Vous la photographiez mentalement sans effort ?
Vous avez besoin d’en avoir une évocation visuelle avant de vous faire des remarques ?
Vous ne pensez qu’à vous en faire des commentaires et pas du tout à les photographier ?
Vous revoyez le dessin mais vous ne pouvez pas replacer les mots ou les symboles qui l’accompagnent ?
Ou bien les mots vous reviennent “en vous parlant” sur l’image des dessins ?
Vous voyez exactement les mots ou les signes comme ils étaient écrits sur les livres ou le tableau ?
Vous redessinez le dessin en ressentant le mouvement dans vos muscles ?
Ou encore ?
Pour réaliser un mouvement de sport
Vous vous voyez mentalement en train de faire ce mouvement ?
Vous revoyez votre instructeur en train de l’exécuter et vous essayez de l’imiter ?
Vous vous dites des “consignes” qui vous guident pendant que vous essayez de le refaire ?
Vous réentendez votre instructeur vous expliquer le mouvement pendant que vous le faites à votre tour ?
Vous “écoutez” votre corps en train de faire le mouvement, c’est-à-dire vous ressentez dans vos muscles les mouvements du geste à exécuter ?
Ou encore ?
Développer des habitudes évocatives complémentaires
Développer une habitude évocative que l’on ne possède pas demande d’agir consciemment et volontairement au début. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps que l’habitude sera créée. Les habitudes complémentaires se créent toujours à partir de celles que l’on possède déjà.
Par exemple, pour évoquer visuellement un schéma, une carte, une figure de géométrie, ou un mot, un élève qui a une habitude évocative auditive pourrait faire ceci :
- d’abord entendre les commentaires du professeur, et/ou se faire des commentaires de ce qu’il voit,
- ensuite essayer, à partir de ces paroles, de former une évocation visuelle en s’imaginant qu’il redessine le schéma, en voyant agir sa propre main et/ou en ressentant de mouvement dans son bras. De la même façon, pour l’orthographe d’un mot, il pourrait d’abord épeler le mot, puis essayer de le “voir dans sa tête” en accompagnant cette image du ressenti du mouvement imaginé de l’écriture.
Un élève qui a une habitude évocative visuelle pourrait faire ceci :
- d’abord une évocation visuelle de qu’il voit,
- ensuite, il pourrait se décrire l’image qu’il a ainsi formée dans sa tête,
- il pourra évoquer visuellement un mot, s’imaginer qu’il l’écrit en l’épelant pour ensuite procéder à sa prononciation
Un élève qui a une habitude évocative kinesthésique pourrait faire ceci :
- retarder ses évocations de ses évocations de mouvement en les mettant d’abord en scène dans sa tête, en images ou en paroles comme s’il se voyait agir ou comme s’il faisait un reportage sportif par exemple
Les jeunes auront besoin de beaucoup d‘imagination pour inventer des manières de faire différentes… et cela tombe bien car l’imagination des jeunes est infinie ! Ce n’est pas des adultes qu’ils tiendront de leurs solutions, nous ne pouvons que les inviter à les inventer ou à les découvrir par eux-mêmes.
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Source : Accompagner le travail des adolescents : Avec la pédagogie des gestes mentaux de Guy Sonnois (éditions Chronique Sociale)
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