Aimer les élèves : de quelle sorte d’amour parle-t-on dans la relation élève/ enseignant ?
Aimer les élèves : de quelle sorte d’amour parle-t-on dans la relation élève/ enseignant ?
Pourquoi un tel rejet du mot “amour” dans les relation élèves/ enseignants ?
Dans son livre Quand les profs aiment les élèves : psychologie de la relation éducative, Maël Virat, chercheur en psychologie à l’ENPJJ, écrit qu’en France, il existe un tabou culturel autour de l’engagement affectif des enseignants envers les élèves. Pourtant, il s’appuie sur de nombreuses études internationales et méta analyse (citées dans son livre) pour affirmer que la relation affective enseignant-élève a des effets positifs sur l’apprentissage. En ce sens, la relation affective est au service de la transmission des savoirs.
Contrairement à ce que l’on entend régulièrement dans les institutions éducatives, lorsque des élèves s’attachent à leur professeur ou lorsqu’un enseignant aime ses élèves, cela ne leur fait aucun mal, bien au contraire. La relation à l’enseignant peut être source de sécurité affective et favoriser les apprentissages et le développement psychosocial. – Maël Virat
Une forme d’amour particulière
Maël Virat explique que le rejet de certaines personnes à l’idée d’introduire le terme “amour” dans les relations élèves/ enseignants est lié au fait que le mot “amour” est polysémique. Certaines personnes mettent derrière le mot “amour” des images liées à l’amour romantique ou à l’amour parental. Or Maël Virat est très clair sur la définition de l’amour qu’il adopte quand il plaide en faveur d’une relation affective forte entre élèves et enseignants. Il utilise le terme de “amour compassionnel“, s’appuyant sur les travaux d’Ellen Berscheid, professeur à l’université du Minnesota.
L’amour compassionnel, facteur de bien-être pour les enseignants et de réussite pour les élèves
Une définition
Deux des spécialistes de l’amour compassionnel, Susan Sprecher, de l’Université d’État de l’Illinois, et Beverley Fehr, définissent l’amour compassionnel avec ces mots : « Attitude envers les autres, qu’il s’agisse de proches, d’inconnus ou de l’humanité en général, comportant des émotions, des cognitions et des comportements centrés sur la préoccupation, la sollicitude et la tendresse, ainsi qu’une tendance à soutenir, aider et comprendre le (les) autre(s), en particulier quand il(s) est(sont) perçu(s) comme étant en souffrance ou dans le besoin ».
Ellen Berscheid précise que l’amour compassionnel est à l’origine de préoccupations et d’actions au service du bien d’autrui, quels que soient les bénéfices futurs que l’individu en retire.
Enfin, Lynn Underwood, chercheuse en psychologie sociale, caractérise l’amour compassionnel avec les cinq éléments suivants :
- il s’agit d’un sentiment volontaire (à la différence de l’empathie qui est parfois considérée comme une réaction passive ou automatique) ;
- l’amour compassionnel implique, tout comme l’empathie, une compréhension fine des besoins et sentiments d’autrui ;
- ce sentiment s’appuie sur une estime fondamentale de l’autre (le respect de l’autre et la foi dans ses capacités);
- l’amour compassionnel est fait d’ouverture et de réceptivité
- il s’agit d’une « réponse du cœur ».
L’amour compassionnel en lien avec la théorie de l’attachement
Cette forme d’amour permet de décrire les sentiments des personnes assurant la fonction de pourvoyeur de soins, c’est-à-dire que l’amour compassionnel est associé au système comportemental de caregiving tel que décrit dans la théorie de l’attachement.
Dans la théorie de l’attachement, les figures d’attachement donnent le “caregiving”. Cela signifie qu’elles savent qu’elles doivent protéger le bébé, puis l’enfant plus âgé. Les parents sont les principales figures d’attachement dans le premier âge puis d’autres figures d’attachement émergent progressivement au cours de la vie de l’enfant (famille élargie, assistant.e.s maternel.le.s/ éducatrices.teurs de jeunes enfants, enseignant.e.s…).
Caregiving, c’est répondre aux besoins d’attachement et d’exploration des enfants (et même des adolescents et des adultes parce que le besoin d’attachement est présent dans tous les moments de la vie) par :
- le partage émotionnel
- la consolation
- le soutien
- la proposition de solutions
- l’aide apportée à l’enfant plus grand pour qu’il trouve lui même ses solutions
L’amour compassionnel fournit en quelque sorte le moteur aux comportements de soins, il est la motivation à aider autrui.
En miroir, l’amour-attachement concerne celui qui exprime ses besoins d’attachement, qui reçoit l’attention et les soins, celui dont la sécurité affective dépend de la sensibilité et de la disponibilité de ses figures d’attachement. Dans le cadre d’une relation élève/ enseignant, le caregiver est l’enseignant et celui qui exprime ses besoins d’attachement est l’élève.
Amour compassionnel et amour-attachement sont les deux faces de relations affectives asymétriques, où l’un est dépendant de l’autre.
L’amour compassionnel dans les relations élèves/ enseignants est un facteur de réussite
Maël Virat affirme que l’engagement affectif des enseignants, évalué à travers leur amour compassionnel, est un facteur important de la qualité des relations avec les élèves et, donc, de la qualité de leur bien-être professionnel.
L’amour compassionnel des enseignants pour leurs élèves favorise, à travers l’établissement de relations affectives de qualité, leur engagement et leur réussite scolaire, mais également leur développement social en dehors de la classe. – Maël Virat
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Source : Quand les profs aiment les élèves : psychologie de la relation éducative de Maël Virat (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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