4 piliers d’apprentissages efficaces chez les jeunes enfants
4 piliers d’apprentissages efficaces chez les jeunes enfants
1.L’apprentissage le plus efficace est celui qui se produit dans la zone proximale de développement
Lev Vygotsky a introduit la notion de “zone proximale de développement” (ZPD) à travers laquelle il explique que les enfants ont besoin de se voir proposer des “défis” réalistes qui correspondent à ce qu’ils sont capables d’atteindre avec un effort supplémentaire et des ressources adéquates (entre la zone d’autonomie qui correspond à ce qu’ils savent déjà faire et la zone de rupture qui correspond à des choses trop difficiles, hors d’atteinte même avec des efforts).
La notion de ZPD permet de penser en termes d’apprentissage optimal en proposant des activités aux enfants qui ne soient ni trop difficiles ni trop faciles. Dans le concept de ZPD, les notions de mobilisation de connaissances antérieures, de soutien de l’enseignant (ou des parents) et d’interaction avec les pairs sont importantes.
Ce concept de ZPD a toute sa place dans les apprentissages informels qui se réalisent à la maison. Quand on demande à un jeune enfant de nous donner deux cuillères ou trois serviettes pour mettre la table, on est déjà dans les apprentissages mathématiques et, en tant que parents, nous sommes capables d’ajuster nos demandes en fonction de l’âge et des capacités de l’enfant.
Par ailleurs, quand on se rend compte que la demande est trop difficile pour l’enfant, on est capable de moduler en apportant de l’aide (compter avec l’enfant, faire une démonstration et le laisser faire seul ensuite, donner des repères par-rapport à ce qu’il sait déjà, poser des questions pour aiguiller le raisonnement, formuler une demande plus proche de la ZPD…).
Le concept de ZPD aide également à comprendre en quoi avoir des exigences trop faibles ou trop élevées est décourageant et démobilisant. D’un côté, les enfants n’apprennent rien et, de l’autre, ils peuvent développer un sentiment de mésestime personnelle (frustration, découragement, baisse de la confiance, désengagement…).
Enfin, il est toujours possible de “faire acquérir” des connaissance ou procédures aux enfants qui sont hors de leur ZPD en les faisant répéter encore et encore, en les faisant mémoriser sans forcément de compréhension personnelle derrière… mais au risque de créer chez eux des mécanismes de rejet des apprentissages parce qu’ils seront associés à des émotions négatives (se forcer, apprendre sans mettre de sens, s’ennuyer dans le processus d’apprentissage, avoir l’impression d’être un animal bien dressé…).
2.Mettre l’accent sur le processus plutôt que sur le produit contribue à créer un désir d’apprendre.
L’idée de mettre l’accent sur le processus plutôt que sur la réalisation finie permet de dépasser la peur de l’erreur. Parvenir à la bonne réponse compte mais ce qui compte encore plus est de savoir comment parvenir à une bonne réponse et de savoir comment s’appuyer sur les erreurs comme leviers d’apprentissage.
Par ailleurs, mettre l’accent sur le produit fini peut conduire à une longue liste de choses à mémoriser par cœur afin de réussir une évaluation au détriment du sens, de l’autonomie, de la joie, du jeu et des interactions entre pairs. Il est possible d’évaluer où en est un enfant dans ses apprentissages sans passer par des contrôles formels sur fiche : à travers l’observation, à travers le jeu ou des interactions quotidiennes, à travers des petites discussions informelles, à travers des productions d’écrit qui ont du sens pour les plus grands (comme des correspondances)…
On rejoint ici la notion d’état d’esprit de développement tel que développé par Carol Dweck. Carol Dweck est chercheuse en psychologie. Elle a conçu le concept de “growth mindset” (ou état d’esprit de développement en français) pour expliquer que les seules capacités et le talent ne suffisent pas pour réussir. Le plus important pour relever et réussir des défis est de les aborder avec un état d’esprit de développement. Il s’agit de penser en termes non seulement d’efforts et de travail mais également de stratégies.
Les personnes avec un état d’esprit de développement ne pensent pas que l’intelligence est fixée à la naissance et qu’il y a des gens doués et d’autres peu doués; elles ne se sentent pas supérieures aux autres; elles croient en leurs progrès personnels; elles prennent les échecs comme des occasions d’apprendre et de développer des stratégies plus efficaces.
Chacune de nos paroles et chacun de nos gestes d’adultes en contact avec les enfants participent à ancrer une tendance à l’état d’esprit de développement ou, à l’inverse, à l’état d’esprit fixe. Un message d’état d’esprit fixe ressemble à : “Tu as de traits permanents et je porte un jugement de valeur sur eux” tandis que le message d’état d’esprit de développement (growth mindset) ressemble à : “Tu es une personne qui se développe et je m’intéresse à ton développement“.
Cultiver l’état d’esprit de développement des enfants passe par des alternatives aux compliments sur le talent et l’intelligence. Plutôt que dire à un enfant ou un adolescent qu’il est “brillant” parce qu’il a eu une bonne note, nous pourrions dire “Tu as cherché des stratégies, tu as persévéré, essayé toutes sortes de solutions et fini par surmonter la difficulté”.
Nous pouvons les complimenter autant que nous voulons pour le processus qui les oriente vers le développement – ce qu’ils ont accompli par la pratique, la persistance dans l’étude et les bonnes stratégies. Et nous pouvons nous informer sur leur travail de manière à admirer et à apprécier leurs efforts et leurs choix. – Carol Dweck
3.L’éducation émotionnelle a toute sa place dans l’apprentissage académique.
Sans intelligence émotionnelle, sociale et relationnelle, même les personnes avec un quotient intellectuel élevé peuvent se retrouver en difficulté à l’école et ailleurs (dans leurs relations sociales, au travail plus tard).
Chez les enfants, le jeu libre en groupe est un des meilleurs moyens de développer leur intelligence émotionnelle. A travers le jeu, les enfants s’approprient les codes sociaux de leur société et du monde adulte, ils apprennent à faire ensemble (coopérer, faire des concessions pour pouvoir continuer à jouer, intégrer de nouveaux joueurs, comprendre que les autres peuvent avoir un avis différent, défendre leur opinion, s’affirmer, dire non, rejouer des scènes vécues pour les comprendre et les digérer…).
Il est également possible de développer l’intelligence émotionnelle des enfants avec d’autres moyens que le jeu social libre :
- utiliser une écoute empathique et bienveillante (refléter les émotions sans les nier ou les minimiser, explorer les pensées et les motivations, parler des besoins, trouver des solutions)
- toujours expliquer les comportements des autres et les raisons derrière tout comportement pénible ( « Elle devait être très fatiguée, elle n’a pas fait sa sieste. » « Tu crois qu’il avait faim ? Tu sais, quand on a faim, on devient grognon. »).
- aider les enfants à comprendre qu’un comportement dépend des circonstances
- attirer l’attention sur les émotions des autres et les expliquer (« Regard S., elle pleure, elle a l’air vraiment triste », « On dirait que A. est très….»)
- utiliser des outils d’éducation émotionnelle (des livres sur les émotions, des jeux de coopération, des supports pour mettre des mots sur les émotions, des ressources pour communiquer sans violence et régler les conflits…).
4.Le jeu libre est le meilleur enseignant.
L’attrait des enfants pour le jeu les motive à pratiquer leurs nouvelles compétences et de les utiliser de manière créative.
Le jeu conduit les enfants à s’entraîner et à devenir experts dans l’utilisation de leurs nouvelles compétences dans un dessein personnel et créatif.
Pour Peter Gray, professeur de psychologie au Boston College et auteur du livre Libre pour apprendre, l’attrait des enfants pour le jeu est la manière dont la nature s’est assurée que les jeunes mammifères pratiquent les compétences dont ils ont besoin pour survivre et s’épanouir dans leurs environnements. Il affirme d’ailleurs que la longue durée de l’enfance humaine est utile parce que les humains ont beaucoup besoin de jouer : les humains jouent beaucoup parce qu’ils ont beaucoup à apprendre !
Ces jeux peuvent recouvrir de nombreux aspects et correspondent aux compétences que les humains ont besoin d’acquérir selon leurs cultures et l’environnement dans lequel ils vivent :
- les jeux physiques
- les jeux de langage
- les jeux d’exploration
- les jeux de construction
- les jeux d’imagination
- les jeux sociaux
- les jeux dans la nature (les jeux en plein air ont de nombreux atouts car ils combinent les atouts du jeu libre et de l’exposition à la nature)
Les apprentissages, la créativité et la résolution de problèmes sont facilités par tout ce qui promeut un état d’esprit joueur et sont inhibés par les évaluations, les récompenses ou tout ce qui peut détruire l’attrait pour le jeu.
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Source : Einstein Never Used Flash Cards: How Our Children Really Learn – And Why They Need to Play More and Memorize Less de Kathy Michnick et Roberta Golinkoff (Rodale press éditions )