10 points clés pour cultiver la persévérance chez les enfants

10 points clés pour cultiver la persévérance chez les enfants

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J’ai envie d’aborder 10 points qui me semblent clés dans la manière dont on va enraciner ou pas l’art de la persévérance chez les enfants.

1.Développer un état d’esprit en développement

L’état d’esprit en développement, tel que proposé par Carol Dweck, consiste à :

  • encourager les efforts, le travail, le processus plutôt que compliment le résultat (“c’est beau/ c’est bien”) ou les capacités intellectuelles (“tu es intelligent/ tu es douée”);
  • insister sur la notion de “pas encore“, de “bientôt” : les apprentissages se font dans le temps et nécessitent de l’entrainement (“tu n’y arrives pas encore“, “tu vas bientôt y arriver”);
  • envisager les erreurs de manière positive et constructive : qu’est-ce que tu as appris de cette erreur ? que vas-tu faire différemment la prochaine fois ?

 

2. Accueillir les émotions

Les enfants qui se découragent ont besoin d’être entendus, reconnus et que leur souffrance soit validée : “c’est vrai que ça peut être difficile de…”, “tu as raison, ce n’est pas facile”, “tu es tellement déçu.e car tu avais beaucoup travaillé”, “ça te rend triste de…”, “tu es complètement découragée car…”.

Une fois que les émotions ont été accueillies, on pourra passer à des questions d’exploration : “qu’est-ce que tu peux faire pour… ?”, “de quoi as-tu besoin ?”, “comment est-ce que je peux t’aider ?”, “qui d’autre pourrait t’aider ?” ,”qu’est-ce que tu dirais de…?”.

Dans le cas d’un enfant qui veut arrêter une activité en cours d’année, on pourra s’interroger sur les raisons qui le poussent à vouloir abandonner :

  • peut-être est-ce dû à un échec, à des objectifs non atteints et dans ce cas, on pourra rappeler que seul l’entrainement et la répétition permettent de progresser, d’apprendre et de réussir mais que cela demande des efforts et que ce n’est pas tant l’entrainement qui procure du plaisir mais la maîtrise finale;
  • peut-être est-ce dû à un problème relationnel avec les autres enfants ou l’entraineur(se). C’était le cas pour ma fille à 7 ans quand elle faisait du judo : elle me disait qu’elle voulait arrêter le judo parce qu’il y avait un autre garçon de sa classe dans son groupe et qu’elle n’avait pas envie de le voir. Je pensais que c’était juste parce qu’il lui rappelait l’école mais je me suis rendue compte au fil des mois en me mettant à son écoute que c’était plus que ça. Ce garçon la poussait à l’école, lui piquait son bonnet à la récré et il continuait au judo : il la tenait parfois fort, il lui faisait des croches pattes… Elle a arrêté le judo en cours d’année.

 

3.Assurer un environnement stable et positif

La confiance dans les capacités de l’enfant et un environnement familial bienveillant ont des impacts éminemment positifs :

  • accélération de la maturation du cortex préfrontal de l’enfant, lui permettant de mieux gérer ses émotions, sa frustration et d’inhiber son impulsivité;
  • construction d’une estime de soi saine et forte;
  • attachement secure lui permettant d’explorer en se sachant en sécurité

Un environnement bienveillant exclut les punitions, les récompenses, le chantage, le recours à la peur pour forcer les enfants à faire quelque chose.

 

4.Incarner un modèle de persévérance

Les enfants apprennent par imprégnation de l’exemple que nous leur montrons. Incarner un modèle de persévérance peut prendre plusieurs formes :

  • travailler devant les enfants : ne pas imposer une frontière trop hermétique entre la vie professionnelle et personnelle peut être bénéfique car les enfants voient se dérouler sous leurs yeux le processus des efforts qui mènent aux résultats (à deux conditions : que le travail soit fait avec un minium d’enthousiasme et qu’il n’empiète pas trop sur le temps en famille). Si ce n’est pas possible pour une raison ou une autre, ce travail peut prendre la forme d’une passion : on pourra s’y adonner en présence des enfants et les inviter à la partager avec nous. C’est l’enthousiasme qu’on y mettre qui fait toute la différence;
  • verbaliser nos actions : on pourra parfois penser à dire devant nos enfants que tels efforts ont conduit à telle réussite (“j’ai enfin réussi à réparer XXX, ça m’a pris trois jours mais j’ai réussi, je suis bien content.e”);
  • envoyer des signes positifs : si le fait de mener les enfants à leurs activités appairait comme une corvée, cela risque de les démotiver; si c’est au contraire l’occasion de se retrouver pour partager un moment d’intérêt authentique, cela renforce l’envie de bien faire.

 

5.Mettre les enfants dans l’état de flow aussi souvent que possible 

Le flow (ou expérience optimale) est une notion de psychologie positive. Telle que définie par Csikszentmihalyi , l’expérience optimale est une fin en soi. Elle est recherchée pour elle-même et non pour d’autres raisons que l’intense satisfaction qu’elle procure.

Csikszentmihalyi propose 8 caractéristiques majeures pour définir l’expérience optimale :

  • La tâche entreprise est réalisable mais constitue un défi et exige une aptitude particulière
  • L’individu se concentre sur ce qu’il fait
  • La cible visée est claire
  • L’activité en cours fournit une rétroactivation (ou feedback)
  • L’engagement de l’individu est profond et fait disparaître toute distraction
  • La personne exerce le contrôle sur ses actions
  • La préoccupation de soi disparait mais, paradoxalement, le sens du soi est renforcé à la suite de l’expérience optimale
  • La perception de la durée est altérée

Adultes et enfants peuvent apprendre à :

  • se récompenser eux-mêmes (et cela peut commencer dès la petite enfance grâce à une éducation sans récompense )
  • rendre les autres plus heureux et faire preuve d’altruisme
  • convertir la monotonie de certains aspects de la vie quotidienne en expériences ludiques (ex : chanter pendant les devoirs, se lancer des auto défis comme fini r un exercice avant XX minutes…)
  • se donner des loisirs appropriés qui seront une véritable re-création (des loisirs actifs plutôt que passifs)

 

6.Favoriser l’optimisme et la résilience

Au cours de ses recherches scientifiques, Martin Seligman, psychologue américain, a constaté que les pessimistes réussissent moins bien que les optimistes. Or la réussite est mère du bien-être. L’optimisme repose sur la façon dont on considère les causes des événements qui nous arrivent.

Un enfant dont le style explicatif est pessimiste a plus de chance de tomber en dépression. Un enfant dont le style explicatif est optimiste se remet mieux d’un échec et résiste mieux à la dépression.

On peut enseigner les compétences qui alimentent le style explicatif optimiste aux enfants en travaillant sur chaque dimension de l’optimisme :

  • temporaire (la cause de l’échec est modifiable ou transitoire)

Le style explicatif optimiste est fondé sur la croyance que les causes des événements négatifs sont temporaires. Un enfant qui pense à ses échecs en termes de « parfois » ou de « dernièrement » est de style optimiste.

  • ciblée (la cause de l’échec ne touche que quelques situations)

Les enfants qui s’accrochent à des explications générales pour leurs échecs baissent les bras dans tous les domaines lorsqu’ils échouent dans un seul (« je suis nul dans telle matière donc je suis nul dans tout »).

Les enfants qui croient aux explications particulières peuvent se sentir impuissants dans un domaine précis, néanmoins ils poursuivent leur vie et peuvent entreprendre dans d’autres domaines.

  • impersonnelle (la cause est liée à des circonstances particulières)

La personnalisation est le fait de décider qui est fautif.

Le premier objectif pour tenter de changer le style explicatif d’un enfant est de s’assurer qu’il assume des responsabilités réalistes. Le second objectif est de l’inciter à revoir son comportement, plutôt qu’accuser sa personnalité ou lui-même en général.

 

7.Engager les enfants dans les tâches du quotidien familial

Le fait d’engager les enfants dans des tâches assimilées à des “corvées” (ménage, rangement, repas…) développe leur sens de la responsabilité et leur apprendre à faire des choses même quand ils n’en ont pas envie.

Pour aller plus loin : Favoriser la contribution des enfants et ados aux tâches ménagères (discipline positive)

 

8.Proposer des activités longues 

Dans les écoles Waldorf Steiner, les enfants sont invités à effectuer des activités de longue haleine (coudre un vêtement, réaliser une sculpture sur bois ou un panier en osier…). Cela participe à développer le sens du travail à long terme et à donner du sens aux petits efforts qui, cumulés, donnent une grande réalisation.

On pourra insister sur l’importance des “petits pas” : chaque petit pas compte et toute grande réalisation n’est jamais que la somme de ces petits pas.

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9.Insister sur le collectif

Dans certaines activités, l’appartenance à un groupe peut servir de levier pour cultiver la persévérance. L’engagement envers le collectif prime sur la volonté individuelle car d’autres comptent sur nous.

Par ailleurs, faire partie d’une équipe peut nourrir le besoin d’appartenance et d’utilité.

 

10.Les dangers de recourir à la contrainte pour forcer les enfants à persévérer dans une activité

Il est possible d’estimer en tant que parent que forcer un enfant à continuer une activité lui fera du bien. On pourra expliquer à l’enfant les bénéfices perçus pour son futur et peut-être même le motiver en mentionnant des champions, des personnes célèbres ou des héros.

Cependant, cette contrainte peut se retourner à un moment ou à un autre. Quand on force quelqu’un à faire quelque chose qu’il ne veut pas, on risque de le payer. Les risques majeurs sont :

  • la rancœur (contre le parent, contre l’entraineur, contre l’enseignant);
  • la rébellion;
  • le retrait (la petite flamme – le “feu” intérieur – disparaît, la motivation intrinsèque est sapée, la boussole interne qui fait office de conscience et de guide est niée);
  • le dégoût (voire la haine viscérale) éprouvée à l’égard de l’activité en question.

Alfie Kohn est conférencier et auteur américain. Il a écrit le livre Le mythe de l’enfant gâté dans lequel il affirme que les concepts de persévérance et d’auto discipline prennent trop d’importance quand on parle d’éducation. Le problème, selon lui, est que la persévérance et l’auto discipline sont vue comme des qualités, des vertus en tous points de vue mais ne sont jamais étudiées dans une perspective d’éthique et de bonheur des enfants.

L’amoralité du concept autorise l’immoralité de certains individus qui l’illustrent. Après tout, la plupart des tyrans ont de la ténacité à revendre. – Alfie Kohn

Kohn regrette que le fait de glorifier la persévérance relèguent les activités elles-mêmes à l’arrière plan. Toutes les activités ne se valent pas du point de vue moral et du point de vue de la santé mentale et affective. Ce qui est important n’est pas tant pourquoi une personne s’acharne ou sur quoi mais plutôt pourquoi elle le fait.

  • Rester dans un travail qui vole l’âme ou persévérer dans des études non désirées a-t-il un sens ?
  • Est-ce signe de bonne santé (mentale et physique) que de persévérer dans une voie qui rend malheureux… même si cette persévérance est louée par des personnes extérieures (les parents, par exemple, qui veulent absolument que leur enfant fasse des études de médecine) ?
  • N’est-ce pas une bombe à retardement ?

Kohn remarque, à juste titre, que celles et ceux qui s’accrochent à quelque chose par réel plaisir ont moins besoin d’auto discipline. A méditer donc quand on cherche à cultiver la persévérance chez les enfants :

  • Sommes-nous censés éprouver de la fierté et de l’approbation tant que les enfants repoussent leurs limites, quelle que soit l’activité et quel que soit leur état de santé (physique et mentale) ?
  • Sommes-nous même assez capables de sensibilité pour savoir quand les enfants font les choses de bon coeur et quand ils les font par peur pathologique de perdre ou de décevoir, par besoin compulsif de triompher sur les autres, de compenser leur manque de pouvoir personnel ou d’affection ?
  • Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour “endurcir” les enfants ?