Neurosciences : le cerveau apprend grâce à l’erreur
Neurosciences : le cerveau apprend grâce à l’erreur
Les dernières recherches en neurosciences ont montré que le cerveau apprend grâce à l’erreur. Quel est le rôle précis de l’erreur selon les neurosciences ?
Pour une vision positive de l’erreur
Dans le système éducatif français, se tromper est rarement vu de manière positive. L’élève qui se trompe, qui est dans l’erreur, est un “mauvais” élève. Le “bon” élève est au contraire celui qui ne se trompe pas. Cette conception négative de l’erreur va de pair avec une vision positive de la réussite. Chaque succès serait alors doublement signe de réussite, d’une part en tant que tel, et d‘autre part parce qu’il préparerait mieux pour les succès à venir.
Pourtant, le cerveau fait en permanence des prédictions. Ces prédictions sont issues d’hypothèses à propos de l’état du monde, lesquelles ont été progressivement affinées sur la base de précédentes observations et expériences. La différence entre la prédiction et l’observation est un signal d’apprentissage et ouvre la porte à une actualisation qui permet accroître progressivement l’adéquation entre les prédictions et les observations qui proviennent de l’environnement.
L’erreur, un signal d’apprentissage dès le plus jeune âge chez les humains selon les neurosciences.
Chez le bébé, des paradigmes d’habituation sont utilisés pour tester cette conception de l’apprentissage. Par exemple, dans une expérience de Dehaene-Lambertz et Dehaene (1994), des bébés entre 2 et 3 mois sont habitués à une certaine régularité auditive (ba, ba, ba, ba, ba). Dans un tel contexte où l’enfant est habitué à entendre une série de cinq sons identiques, le cerveau prédit que le prochain son sera « ba ».
Grâce à l’électroencéphalogramme (EEG) qui enregistre l’activité du cerveau au moyen d’électrodes placées sur le crâne, on constate que cette activité diminue au cours de la phase d’habituation : la première syllabe n’est pas prédite et donne un signal très intense, puis le signal diminue dès la deuxième syllabe. Cependant, si un son inattendu est produit, ou s’il n’y a pas de son, une activité importante de même ampleur que lors du premier son est alors observée. Cette activité importante se propage dans le cortex.
En effet, quand il y a déviation de la régularité attendue, le cerveau génère un signal « d’erreur de prédiction » observable à partir d’enregistrements de l’activité cérébrale, et ce dès la naissance (Dehaene-Lambertz, 2001 ; Mahmoudzadeh, 2013).
L’apprentissage repose sur des écarts aux attentes.
Un cerveau performant est un cerveau qui fait des erreurs, nous apprennent les neurosciences.
Les études en neurosciences ont montré que le cerveau humain passe son temps à chercher à prédire des régularités du monde qui l’entoure et à comparer ces prédictions avec les observations issues de l’environnement. La prédiction est une activité essentielle et irrépressible du cerveau humain dès le plus jeune âge et notre cerveau apprend de ses erreurs de prédiction, qu’il les détecte par lui-même ou par un retour d’information de l’environnement : c’est ainsi que les connaissances sont “mises à jour”. L’apprentissage repose donc sur des écarts aux attentes. Un cerveau qui ne commet aucune erreur de prédiction n’apprend pas. Ainsi, l’erreur a toute sa place dans les processus d’apprentissage.
Il ne semble pas abusif d’affirmer qu’un cerveau performant est un cerveau qui fait des erreurs/échoue. – Hippolyte Gros
Les moments d’étonnement, où il y a écart par rapport aux attentes, sont des moments féconds pour apprendre.
Stahl et Feigenson (2017) montrent que, dès l’âge de 11 mois, lorsqu’un évènement visuel inattendu est présenté, l’enfant est surpris – ce qui se manifeste par une plus longue durée de fixation de son regard. Le système cognitif, dès les premiers jours de la vie et tout au long de celle-ci, jauge les observations issues du monde extérieur à l’aune de prédictions qu’il réalise, afin d’ajuster au mieux ses connaissances et de s’assurer en permanence d’une adéquation satisfaisante avec l’environnement.
Un cerveau performant est un cerveau qui fait des erreurs puis qui s’adapte. L’erreur est formatrice, et non un simple manquement par rapport à une norme. – Hippolyte Gros
L’erreur des élèves a une valeur informative importante pour les enseignants.
A l’école, l’erreur des élèves peut être considérée comme la manifestation d’un état de connaissance qu’il est utile de faire évoluer. C’est là le travail des enseignants. S’intéresser aux erreurs des élèves permet de comprendre les prédictions de l’élève, et de connaitre ses hypothèses.
Dès lors que l’erreur est vue non pas comme un échec mais comme une information précieuse sur les processus mentaux en jeu chez l’élève : elle devient même une alliée pour les apprentissages. Dans cette perspective, l’erreur est généralement plus informative que la réponse exacte dans la mesure où il y a souvent une multiplicité d’erreurs possibles, mais une seule réponse juste.
On peut retenir deux informations importantes au sujet du rôle des erreurs dans l’apprentissage d’après les neurosciences :
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Se tromper est indispensable pour apprendre.
Se tromper déclenche une reconfiguration des réseaux neuronaux au moment où on se rend compte qu’on a fait un erreur. Le cerveau a besoin de signaux d’erreur pour corriger ses modèles du monde extérieur.
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L’activité de restituer des savoirs en se testant permet de mieux les retenir.
Alterner mémorisation et tests améliore la mémorisation à long terme parce que, quand on se teste, on reçoit un feedback et on se rend compte qu’on ne sait pas (alors qu’avec la leçon ou le manuel sous les yeux se crée une “impression de savoir” qui n’est pas vérifiée).
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Source : Les neurosciences en éducation de Hippolyte Gros (éditions Retz). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.
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