12 propositions pour remplacer “c’est bien” (et comprendre la différence entre encourager et complimenter)
Une différence entre encourager et complimenter ?
Les précautions à prendre avec les compliments
Complimenter consiste à dire une formule d’appréciation positive sur un fait, une action accomplie, passée ou sur un état, sur la personne.
Par exemple, affirmer
- qu’un dessin est joli,
- qu’un enfant est un bon garçon/ une bonne fille car il/ elle a fini son assiette,
- qu’un enfant est beau.
Le compliment n’engage pas la discussion, peut avoir un côté enfermant, l’enfant se voit coller une étiquette.
Certains psychologues mettent même en garde contre les compliments contre-productifs. A force de s’entendre dire qu’ils sont gentils/ beaux/ intelligents, les enfants peuvent ressentir de la pression et se dire : « Si j’ai une mauvaise note, je serai moins aimé(e) ».
Les enfants peuvent même devenir dépendants des compliments, ne plus être capables d’agir sans compliment de la part d’un tiers, ils en oublient leur motivation intrinsèque.
Enfin, être qualifié d’adjectifs aussi positifs et valorisants soient-ils ne donne pas à l’enfant la conviction qu’il peut agir, prendre des initiatives pour changer et contrôler la manière dont il est perçu.
Les risques de compliments bien intentionnés mais maladroits
Stephen Grosz, psychanalyste et professeur à l’University College de Londres, met en garde dans son livre The Examined Life: How We Lose and Find Ourselves contre l’overdose de compliments : répéter à un enfant qu’il ou elle est intelligent(e), que son dessin est joli ne l’aidera pas forcément à s’améliorer. La répétition trop fréquente de ce type de compliments pourrait même inhiber les performances des enfants.
Pourquoi en effet faire un autre dessin si celui qu’ils ont fait hier était déjà le plus beau ?
Pourquoi innover et tenter une autre manière de dessiner si les dessins tels qu’ils sont déjà faits valent toujours des compliments ?
Stephen Grosz fait référence à une étude menée par deux psychologues en 1998 (Carol Dweck et Claudia Mueller). Elles ont demandé à 128 enfants de résoudre des problèmes simples de mathématiques. Une fois les problèmes résolus, ces 128 enfants ont été séparés en deux groupes :
- les enfants du premier groupe ont été complimentés sur leurs capacités intellectuelles (Bravo, tu as bien réussi, tu es tellement intelligent),
- les enfants du deuxième groupe ont été complimentés sur leurs efforts et le processus intellectuel pour arriver au résultat (Bravo, tu as bien réussi, tu as dû beaucoup réfléchir et essayer plusieurs fois avant d’y arriver).
Suite à cela, d’autres problèmes plus complexes ont été proposés aux enfants :
- Il se trouve que les enfants dont on a complimenté le travail plutôt que l’état d’intelligence se sont montrés plus persévérants et volontaires dans la résolution de ces problèmes. Ils n’hésitaient pas à recommencer, même suite à un erreur ou un mauvais départ.
- Au contraire, les enfants de l’autre groupe complimentés sur leur intelligence se sont révélés plus anxieux face au risque d’échec, se sont contentés de refaire les mêmes procédures que celles qui avaient fonctionné lors des premiers problèmes simples et leur ténacité a été mise à rude épreuve.
L’excitation et la fierté engendrées par le fait d’être considéré comme intelligents finit par se transformer en anxiété diffuse et détériore l’estime d’eux-mêmes, la motivation et les performances des enfants. – Stephen Grosz
Carol Dweck et Claudia Mueller ont poussé l’expérience plus loin : elles ont demandé aux enfants de correspondre avec des enfants d’une autre école pour raconter leur expérience. Les enfants du premier groupe ont alors menti et augmenté leurs scores au test de résolution de problèmes !
Au final, un seul compliment maladroitement formulé a suffi à les rendre peu sûrs d’eux au point de mentir pour se conformer à leur statut d’enfants intelligents.
Jane Nelsen nous invite donc à distinguer l’encouragement et le compliment. Dans son livre La discipline positive, elle propose plusieurs questions qui nous aideront à différencier encouragement et compliment :
- est-ce que ce que je dis pousse l’enfant à s’auto évaluer, ou au contraire à être dépendant de l’évaluation d’autrui ?
- suis-je respectueux ou bien condescendant ?
- est-ce que je me place du point de vue de l’enfant ou seulement du mien ?
- est-ce que je ferais ce commentaire à un ami ?
Encourager efficacement
Encourager les enfants consiste plutôt à prendre le temps de les regarder en action ou à les questionner sur le processus et le résultat. Contrairement aux compliments, les encouragements valorisent les efforts, le travail, les progrès, les processus intellectuels ou physiques par-lesquels l’enfant a le pouvoir de changer une situation, un état de fait et de s’améliorer.
Porter notre attention sur les efforts et le processus, ainsi que faire des remarques descriptives sur le résultat (les couleurs, les formes, l’intention de l’enfant) seront vécues comme des encouragements.
Ce n’est pas la même chose de dire à un enfant qu’on voit différentes formes et couleurs, de lui demander pourquoi il a choisi telle ou telle couleur, de dire « J’aime regarder ce dessin car il me fait penser à… » que d’affirmer « Ton dessin est joli ».
Ce n’est pas la même chose de dire « Tu as été gentil, c’est bien » que d’exprimer de la reconnaissance « Nous avions besoin de temps calme pour travailler, tu as joué seul et tu t’es montré patient, nous avons apprécié que tu ne nous interrompes pas, merci ». On gagnerait alors à remplacer “c’est bien” et “tu es intelligent.e”.
Un encouragement nécessite un effort d’attention de la part de celui ou celle qui encourage.
Les enfants ont besoin de bien plus que des félicitations :
- un accompagnement de leur joie à eux,
- une attention portée à leurs sentiments, une validation de leurs émotions,
- de l’admiration pour les efforts et la réussite qui en découle.
Un encouragement efficace peut passer par :
- des questions (« Qu’est-ce que tu as préféré faire aujourd’hui ? », «Qu’est-ce que tu as voulu représenter ?», «Raconte-moi ce que tu as voulu dire/ faire passer comme message avec ce dessin/ cette construction », « Comment tu le trouves ton dessin/ ton histoire… ? » … ),
- des messages-Je (« Je suis impressionné.e par la façon dont tu…», « J’adore jouer avec toi », «J’aime te regarder créer/écrire/jouer du piano…», «J’apprécie quand tu…»),
- de l’empathie (« J’ai l’impression que tu commences à fatiguer», «Tu dois être fièr.e de…»),
- de la reconnaissance des efforts (“C’est la récompense de tous tes efforts”, “Ce résultat t’a demandé de la patience et tu as réussi tout.e seul.e”.),
- une simple présence (un sourire, des applaudissements, du temps accordé aux activités de l’enfant, s’asseoir à côté de l’enfant et le regarder…)
Plus un enfant se sent apprécié et valorisé, plus il a envie d’avancer. L’appréciation positive guide vers l’autonomie. Isabelle Filliozat insiste sur la nécessité d’encouragements réguliers pour que les enfants se sentent forts et joyeux.
12 propositions pour remplacer “c’est bien”
Jane Nelsen insiste sur les 5 manières d’utiliser l’encouragement de façon efficace :
- Développer le référentiel interne
- Le temps dédié : l’importance d’être connecté pour encourager efficacement
- Le geste d’affection : établir un lien
- Créer une relation de respect mutuel et de confiance
- Changer de regard sur les “bêtises” et les erreurs : plutôt parler de maladresses et d’apprentissages
L’encouragement efficace atteint le coeur avant d’atteindre la tête. – Jane Nelsen
Voici 12 propositions qui prennent en compte ces 5 points pour exprimer des encouragements plutôt que des compliments :
- Tu l’as fait toute seule.
- Tu as fait ça puis ça et ça a fonctionné
- Tu as utilisé beaucoup de peinture/ légos/ feutres rouges/ verts…
- Ça t’a pris longtemps et tu as réussi !
- C’était vraiment difficile car…. Et tu dois être tellement fier maintenant du résultat !
- Comment est-ce que tu l’as fait ?
- Tu as fait ça, que vas-tu faire ensuite ?
- Comment tu as pensé à cette solution/ réponse ?
- Pourquoi as-tu choisi ces couleurs/ matières/ notes de musique…
- Tu as continué, même quand c’était dur
- Tu as l’air tellement content d’avoir fait ça
- Je pense que ça te rend heureuse de faire ça
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Inspirations :
La discipline positive: En famille, à l’école, comment éduquer avec fermeté et bienveillance de Jane Nelsen (éditions Poche Marabout)
L’intelligence du coeur: Confiance en soi, créativité, relations, autonomie de Isabelle Filliozat (éditions Poche Marabout)
Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent de Elaine Mazlish et Adele Faber (les Editions du Phare)