10 principes pour réguler l’usage des réseaux sociaux chez les adolescents (par Béatrice Kammerer)

10 principes pour réguler l’usage des réseaux sociaux chez les adolescents (par Béatrice Kammerer)

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Béatrice Kammerer est journaliste spécialisée en éducation et parentalité, diplômée en sciences de l’éducation et elle s’est intéressée aux réseaux sociaux chez les adolescents parce que les discours alarmistes les qualifiant d’addictifs, abêtissants, complotistes, ou encore de violents engendrent des inquiétudes chez les éducateurs. Dans son livre Nos ados sur les réseaux sociaux, même pas peur ! , elle a collecté des données pour évaluer si ces inquiétudes sont justifiées et en déduit quelques attitudes éducatives pour permettre aux adolescents de grandir sereinement dans un environnement numérique marqué par la prégnance des réseaux sociaux.

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Ainsi, Béatrice Kammerer rappelle que constater que les adolescents qui utilisent les réseaux sociaux ont plus de difficulté (ou de facilité) à faire preuve de telle ou telle aptitude ne suffit pas à prouver que ces outils sont responsables. En effet, le sens de la causalité pourrait être inversé – la préexistence de telle difficulté ou facilité pourrait prédisposer les adolescents à un plus grand usage des réseaux sociaux – ou le facteur causal pourrait être totalement autre. Par exemple, on peut observer qu’au moment de décéder, la majorité des personnes se trouvent dans un lit… sans pour autant en conclure que les lits sont dangereux.

Plutôt que faire appel à nos peurs et se poser en pourvoyeuse de méthode, elle rappelle qu’il n’existe aucune règle universelle. Béatrice Kammerer préfère nous donner des balises, et des outils d’analyse, pour que nous puissions construire des solutions efficaces, adaptées à chaque contexte.

Réguler l’usage des réseaux sociaux chez les adolescents

Béatrice Kammerer formule quelques suggestions pour réguler l’usage des réseaux sociaux chez les adolescents.

1.Paniquez moins, analysez plus. Si un adolescent a des amis, dort et mange bien, s’il n’a pas de difficultés majeures à l’école et a des loisirs hors écran, alors tout va bien.

 

2.Troquez le contrôle pour le dialogue. Avant d’utiliser un logiciel de contrôle parental, demandez-vous si ce que votre ado fait en ligne l’aide à se développer ou lui nuit. Régulez son temps d’usage en fonction et de manière collaborative.

Vanessa Lalo, psychologue, suggère même l’élaboration d’une charte familiale, dont les termes seront négociés et acceptés par l’ensemble des membres du foyer. Parmi les règles les plus classiquement choisies, on compte, par exemple, l’interdiction d’utiliser les outils numériques durant les repas ou l’obligation d’éteindre les appareils durant la nuit, mais chaque famille est libre d’enrichir la charte selon ses valeurs et ses habitudes.

 

3.Sensibilisez-le au fonctionnement de son cerveau. Si ses réseaux sociaux sont activés et à sa portée, difficile pour votre ado de travailler efficacement.

Pour aller plus loin : Les écrans sont comme des desserts pour le cerveau.

 

4.Expliquez-lui les mécanismes cognitifs en jeu pour l’aider à résister.

 

5.Défendez son droit à la déconnexion. Dormir, manger, se divertir, partager du temps avec ses proches sont des éléments essentiels à la qualité de vie. Apprenez à votre ado à les préserver.

Les adolescents sont sensibles à la valorisation de la réactivité et de la disponibilité à tout prix, largement encouragée par le design des plateformes. Béatrice Kammerer nous invite donc à les aider à prendre de la distance face à l’injonction de l’hyper-disponibilité forcée :

  • inviter les ados à ne pas laisser le temps de réaction devenir le mètre étalon de la qualité de leurs liens sociaux;
  • leur apprendre à refuser de sacrifier à ces nouvelles normes sociales leur sommeil et leur détente;
  • les convaincre de s’octroyer – sans jamais culpabiliser – le droit de déconnecter tous leurs outils numériques;
  • dialoguer avec les enfants pour les inciter à réguler – voire à réduire – leur temps d’écran, plutôt que diaboliser leurs usages des réseaux sociaux ou de mépriser l’intérêt qu’ils y trouvent;
  • trouver des activités alternatives suffisamment attractives pour les jeunes pour “concurrencer” les réseaux sociaux, d’où l’importance de ne pas se décourager et de rester autant que possible à l’affût des centres d’intérêt des jeunes.

 

6.Valorisez les activités hors ligne. Plutôt que de vouloir à tout prix réduire son temps passé devant les écrans, proposez à votre ado des activités hors ligne : sport, sorties culturelles en famille, etc.

André Stern abonde en ce sens également : ce n’est pas tant le monde virtuel qui pose problème que l’organisation de l’école et de la maison. Si le “vrai” monde était aussi attirant que le monde virtuel, les jeunes n’auraient pas besoin de se perdre dans le monde virtuel. Pour les enfants et adolescents, il est difficile d’être des héros dans la “vraie” vie du fait des faibles opportunités laissées au jeu libre, à l’autonomie et du fait des habitudes éducatives basées sur le contrôle et la domination.

Pour André Stern, on se trompe donc de chantier quand on diabolise les jeux vidéos et les réseaux sociaux : il s’agit de se poser la question “dans quel monde est-il facile de devenir un héros ?“. Il nous revient alors de créer de monde et de repenser la manière dont nous vivons avec les enfants à l’école et à la maison pour leur permettre de vivre leur nature en les respectant inconditionnellement et en leur redonnant du pouvoir personnel.

Une solution entre deux extrêmes (supprimer tous les écrans vs. supprimer toutes les opportunités de jeux libres et d’autonomie) serait d’offrir autant que possible des opportunités aux enfants de jouer dehors avec d’autres enfants de tout âge et sans l’intervention d’adultes. Les enfants ont besoin de maîtriser les outils technologiques et informatiques de notre culture et, en même temps, ils ont besoin de jouer dehors. Les mots clés ici sont liberté et opportunités (pas obligation).

 

7.Visez le consensus. Associez votre ado à la mise en place des règles d’utilisation des écrans : simples, réalistes et acceptées par tous. Écoutez leurs objections et considérez leurs propositions.

Béatrice Kammerer propose une activité parents/ enfants pour discuter en famille des règles d’utilisation des écrans : parents et enfants répondent individuellement aux cinq questions suivantes, relatives à l’utilisation des outils numériques, puis confrontent leurs réponses. Tout le monde s’accorde-t-il sur les usages en vigueur au sein de la famille ? Y a-t-il des exceptions ? Quelle solution conviendrait à toute la famille et pourrait devenir une règle de vie ?

    • À table, est-ce qu’on peut répondre au message d’un copain ?
    • À table, est-ce qu’on doit mettre son téléphone en mode silencieux ?
    • Est-ce qu’on pose son téléphone ailleurs que sur la table et qu’on s’interdit de l’utiliser pendant tout le repas ?
    • Si on est en plein milieu d’un débat, est-ce qu’on peut utiliser son téléphone pour rechercher une information qui nourrit la conversation ?
    • Et si mamie appelle pendant qu’on mange, est-ce qu’on décroche ?

 

8.Donnez l’exemple. Veillez à respecter vous-mêmes les règles que vous imposez à vos enfants, c’est le seul moyen de rendre crédible le cadre que vous aurez établi. Cessez de vous comparer aux autres La qualité de votre parentalité ne se mesure pas au temps que passe votre ado devant les écrans ! Chaque famille est différente. Ce qui importe, c’est l’épanouissement de chacun.

Lire aussi :  Le vide relationnel provoqué par les parents distraits par les écrans (et comment déconnecter en famille)

 

9.Osez sortir de votre zone de confort. Vous êtes convaincus que les youtubeurs ne font que raconter leur vie, que TikTok est abêtissant… Prenez le temps d’explorer par vous-même, ou mieux : proposez à votre ado de vous initier.

 

10.N’hésitez pas à demander de l’aide. Malgré ces conseils, il se peut que vous continuiez à vous sentir dépassé ou inquiet. Un professionnel (médecin, psychiatre ou psychologue) saura faire le point sur la situation et proposer des solutions adaptées.

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Source : Nos ados sur les réseaux sociaux, même pas peur ! de Béatrice Kammerer (éditions Réseau Canopé). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.

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