Quels sont les effets des écrans sur les adolescents ?

Quels sont les effets des écrans sur les adolescents ?

Quels sont les effets des écrans sur les adolescents

Les écrans, source de troubles du développement ? 

Les écrans peuvent être un facteur aggravant de troubles existants, mais ne sont pas la source primaire du trouble. Certains médecins ou orthophonistes ont pu s’alerter des conséquences des écrans sur le développement des enfants car ces professionnels ont reçu de plus en plus d’enfants porteurs de troubles du spectre autistique, atteints de TDA/H ou avec un déficit de langage qui passaient du temps devant les écrans. Or il s’agit d’un biais de recrutement : ces professionnels ne voient en effet que des enfants qui présentent des difficultés puisque les parents consultent précisément pour cela. Ces professionnels ne voient pas tous les autres enfants qui ont une consommation similaire d’écran et qui vont bien. Ce biais de recrutement initial peut engendrer un biais de confirmation : toutes les difficultés sont vues à travers le prisme des écrans. Il peut exister des consommations d’écran problématiques quand elles envahissent la vie de l’enfant et empêchent la réalisation d’autres activités, mais cela ne signifie pas qu’il faille diaboliser toutes les minutes passées sur écran.

La question n’est pas tant celle du temps passé sur les écrans, mais plutôt celle de la concurrence avec d’autres activités : est-ce que le temps d’écran envahit (ou pas) la vie et empêche la réalisation d’autres activités ? 

Les effets des écrans sur la santé mentale des adolescents sont encore à questionner

Il existe une corrélation entre apparition des écrans et dégradation de la santé mentale des adolescents (autour de 2010). Là aussi, nous pouvons nous demander si cette corrélation est une causalité ou bien si cette corrélation cache une causalité inverse : est-ce parce que la santé mentale des adolescents s’est dégradée – en lien avec des facteurs externes – que leur consommation d’écran a augmenté ? Les chercheurs n’ont pas encore tranché cette question. Le problème de santé mentale des adolescents et des étudiants est réel (dépression, troubles anxieux), d’autant plus qu’il a été aggravé par les confinements, mais ce problème ne doit pas être instrumentalisé pour désigner un unique coupable (les écrans), au risque d’oublier les facteurs environnementaux, neurodéveloppementaux et politiques.

Toutefois, certains usages des réseaux sociaux sont très nettement problématiques :

  • ils entraînent de la comparaison avec des modèles inaccessibles (physique, beauté, richesse, performance sportive…),
  • ils facilitent la prise de contact des pédocriminels,
  • ils rendent l’accès à la pornographie sans filtre d’âge,
  • ils peuvent amplifier des phénomènes de harcèlement qui se prolonge hors des murs de l’établissement scolaire.

Le temps passé sur les écrans peut également entraîner des tensions familiales quand les parents veulent que les ados décrochent, mais que ceux-ci continuent à consulter leur téléphone, à table par exemple ou tard le soir. 

On retrouve la notion de concurrence avec d’autres activités chez les adolescents, notamment avec les activités scolaires. Des impacts négatifs peuvent être mentionnés, comme la réduction du temps de sommeil, la diminution du temps d’activité physique, le syndrome du manque de nature (concept de Richard Louv), et la fragilisation de la concentration (consulter les écrans en même temps qu’une autre activité nécessitant de la concentration dégrade la qualité de l’apprentissage).

Une addiction aux écrans ? 

L’OMS ne reconnait pas l’addiction aux écrans ou aux réseaux sociaux.

Béatrice Kammerer, journaliste spécialisée dans l’éducation, relaie les propos du psychiatre Serge Tisseron au sujet de l’addiction aux écrans : «  Il n’y a pas d’addiction aux écrans ni aux réseaux sociaux reconnue par les instances internationales, seulement aux jeux vidéo de la part de l’O.M.S. [Organisation mondiale de la santé], mais c’est une addiction comportementale très différente d’une addiction à un produit toxique ».

Il ne s’agit pas de nier que la consommation d’écran peut perturber la vie d’un adolescent, au point qu’il s’en retrouve psychologiquement dépendant, mais les médecins préfèrent parler de « troubles du comportement » ou d’« usages problématiques » plutôt que d’addiction aux écrans.

« Ces excès disparaissent généralement tout seuls avec le passage à l’âge adulte. En effet, cette période correspond au décalage physiologique qui affecte la maturation du cerveau adolescent. Il a une hypersensibilité aux récompenses et aux attentes des pairs, mais ne dispose pas encore des moyens de réguler ses désirs et ses impulsions. C’est pourquoi la passion effrénée pour les jeux vidéo ou les réseaux sociaux occupe généralement trois ou quatre ans, entre 11-12 ans et 15-16 ans, sauf évidemment en cas de pathologie psychiatrique sous-jacente. » – Serge Tisseron

Plusieurs chercheurs tentent d’établir un seuil à partir duquel on pourrait parler d’une « utilisation problématique des réseaux sociaux ». Les critères sur lesquels ces chercheurs s’appuient pour caractériser une dépendance sont multidimensionnels :

  • le fait de penser constamment au moment où on va se connecter,
  • le fait de se sentir mal quand on ne peut pas le faire,
  • le fait de négliger ses autres activités (comme les devoirs scolaires pour les adolescents),
  • le fait que les réseaux sociaux soient à l’origine de conflits intrafamiliaux.

Béatrice Kammerer constate que ces tentatives sont infructueuses pour le moment. En effet, une question demeure : les symptômes listés peuvent être autant l’effet direct des réseaux sociaux que les révélateurs de difficultés personnelles ou de troubles, de nature neurodéveloppementale (autisme, TDA) ou psychiatrique (comme une dépression, un trouble bipolaire, ou une schizophrénie). 

Le trouble du jeu vidéo existe.

Dans le domaine des technologies numériques, un trouble est toutefois reconnu par l’OMS : il s’agit du « trouble du jeu vidéo ». Depuis 2019, ce trouble est inscrit dans la Classification internationale des maladies (CIM-11). Un diagnostic de ce trouble inclut plusieurs symptômes : avoir un usage intensif des jeux en ligne, mais aussi souffrir d’une forte désocialisation, observée sur plus de douze mois. Pour Serge Tisseron, si l’ado a des amis, s’il va à l’école sans problème, la question du trouble ne se pose pas.

Des pistes comportementales pour limiter l’emprise des réseaux sociaux

Dégager les adolescents de la soumission aux algorithmes.

Les notifications peuvent entraîner une sorte de soumission à l’outil, dans le sens où le smartphone ou la tablette “appelle’” et l’utilisateur accourt. Les applications sont conçues de manière à rendre les spectateurs captifs car plus ils restent, plus ils sont exposés à de la publicité et plus l’application gagne de l’argent. Il est possible d’enseigner aux adolescents à rester maîtres de leur temps en résistant au scroll infini et à l’enchaînement automatique des vidéos notamment. Dans son livre Nos ados sur les réseaux sociaux, même pas peur !, Béatrice Kammerer nous invite à défendre le droit à la déconnexion des adolescents. Dormir, manger, se divertir, partager du temps avec ses proches sont des éléments essentiels à la qualité de vie. Nous pouvons leur apprendre à se préserver, notamment en désactivant les notifications de certaines applications, même si c’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. En tant que parents, nous pourrions d’ailleurs nous imposer cette discipline et lancer un défi en famille où chacun désactive les notifications des deux applications sur lesquelles il passe le plus de temps.

Les adolescents sont sensibles à la valorisation de la réactivité et de la disponibilité à tout prix, largement encouragée par le design des plateformes. Béatrice Kammerer nous invite donc à les aider à prendre de la distance face à l’injonction de l’hyper-disponibilité forcée :

  • inviter les ados à ne pas laisser le temps de réaction devenir le mètre étalon de la qualité de leurs liens sociaux;
  • leur apprendre à refuser de sacrifier à ces nouvelles normes sociales leur sommeil et leur détente;
  • les convaincre de s’octroyer – sans jamais culpabiliser – le droit de déconnecter tous leurs outils numériques;
  • dialoguer avec les enfants pour les inciter à réguler – voire à réduire – leur temps d’écran, plutôt que diaboliser leurs usages des réseaux sociaux ou de mépriser l’intérêt qu’ils y trouvent;
  • trouver des activités alternatives suffisamment attractives pour les jeunes pour “concurrencer” les réseaux sociaux, d’où l’importance de ne pas se décourager et de rester autant que possible à l’affût des centres d’intérêt des jeunes.

Informer ne suffit pas pour changer de comportement.

Si informer ne suffit pas pour changer de comportement, alors il faut récompenser le nouveau comportement et changer le schéma de comportement par de nouvelles habitudes à consolider dans le temps.

Certains artifices comportementaux peuvent être mis en place, notamment lors des sessions de révisions et de devoirs :

  • éteindre le téléphone ou, a minima, le mettre en mode silencieux;
  • placer les écrans dans une autre pièce;
  • passer l’écran en noir et blanc pour être moins attiré;
  • limiter l’accès à certaines applications avec une limite de temps quotidienne;
  • télécharger une application qui ferme l’usage du téléphone (comme Flipd).

L’idée est que les adolescents soient consentants et conscients des enjeux pour qu’ils puissent réguler leur temps d’écran en autonomie quand ils seront jeunes adultes. L’objectif est que l’éducation devienne auto-détermination. Il est également possible de co-établir des règles qui s’appliquent à toute la famille (y compris les adultes), comme “pas d’écran pendant les repas” car c’est un moment d’interaction et de partage qui a de la valeur aux yeux de tous les membres de la famille .

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Source : Mes parents, moi, et mes écrans; chaîne YouTube REC TOULOUSE; intervenants : Franck Ramus (Directeur de Recherche au CNRS) et Magali Lavielle Guida (Orthophoniste et Docteur en psychologie)

Nos ados sur les réseaux sociaux, même pas peur ! de Béatrice Kammerer (éditions Réseau Canopé). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.

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