La mémoire est un meilleur prédicteur de la réussite scolaire que le raisonnement.

La mémoire est un meilleur prédicteur de la réussite scolaire que le raisonnement.

mémoire réussite scolaire

Le raisonnement n’est pas le meilleur prédicteur de la réussite scolaire. Dans son livre Mémoire et réussite scolaire, Alain Lieury rappelle que la mémoire est essentielle pour la réussite scolaire. Le chercheur regrette que la mémoire ait été dévalorisée car elle devenue synonyme de rabâchage et d’apprentissage bête par coeur. Or les tests de mémoire à court terme (rappel immédiat) ne sont pas de bons prédicteurs dans les performances scolaires. Quand il parle de l’importance de la mémoire dans la réussite scolaire, Alain Lieury fait donc référence à la mémoire sémantique, aussi appelée mémoire encyclopédique, et non pas à la mémoire à court terme. 

La réussite n’est pas le résultat de l’éclosion d’aptitudes qui « pousseraient » comme des plantes dans un milieu favorable mais elle est le résultat de l’accumulation de connaissances que l’on choisit de faire apprendre. On pourrait comparer le cerveau à une bibliothèque: l’hérédité donne les potentialités, ce sont en quelque sorte l’espace et le nombre de rayonnages: mais ce n’est que l’éducation, les connaissances basées sur la mémoire, qui alimentent ces rayons. Sans la mémorisation des connaissances, le cerveau serait un superbe espace documentaire mais vide… Dans le passé, la mémoire a été dévalorisée en étant réduite à l’apprentissage par coeur. Mais elle apparaît dans les études contemporaines comme extrêmement complexe et doit retrouver le statut de faculté précieuse et noble. – Alain Lieury 

Pour apprendre des milliers de mots, concepts, noms propres, mots étrangers, comme Ambroise Paré, Hiroshima, quintal, dulcinée, ou thursday, il faut une mémoire : le raisonnement seul ne permet pas de les déduire.

 

De quel type de mémoire parle-t-on en lien avec la réussite scolaire ?

Mémoire lexicale et mémoire sémantique sont différentes.

Il existe deux mémoires pour les mots : la mémoire lexicale et la mémoire sémantique. La mémoire lexicale est celle de la forme des mots. La mémoire sémantique (du grec semios, «signe») est la mémoire du sens, des idées. L’apprentissage classique par répétition ou « apprentissage par coeur » est principalement le mode d’apprentissage pour le lexical.

Une autre approche est nécessaire pour la mémoire sémantique. Il est important de noter que rabâcher n’est pas comprendre : dans ce cas, la boucle verbale fonctionne seule sans la mémoire sémantique.

La faiblesse de la répétition par coeur

Lieury estime que la sémantique s’apprend, non comme une répétition par coeur (de l’unité lexicale) mais au travers de multiples épisodes contenant chacun une parcelle de sens.

Multiplier les épisodes pour apprendre du sens

Pour apprendre du sens, c’est-à-dire construire la mémoire sémantique, il est nécessaire de multiplier les épisodes. Selon les cours, les épisodes peuvent être variés, cours, exercices, TP, recherche de documentation, sortie nature… En effet, chaque épisode où l’on rencontre un mot va ajouter en mémoire sémantique une parcelle de sens. Lieury estime qu’il faut au moins 6 contextes variés de répétitions pour qu’il y ait une augmentation notable de la signification.

S’intéressant aux jeunes enfants, Alain Lieury a formulé l’hypothèse que la mémoire sémantique chez l’enfant était fabriquée à partir de l’abstraction des épisodes ressemblants. Il prend l’exemple du concept de canari. Chez les petits, le premier épisode « canari » est souvent Titi, dans le dessin animé Titi et Gros Minet. Par la suite, cet enfant va enregistrer d’autres épisodes, un canari vu dans un livre pour enfant, un canari vu dans une animalerie, un autre dans un documentaire… Lieury explique que les processus d’abstraction du cerveau vont extraire les points communs de tous ces épisodes pour faire le concept générique de «canari ».

Ainsi vous avez sans doute remarqué sans faire attention que les définitions des adultes et des enfants ne sont pas les mêmes. Pour « canari », un adulte vous répondra de façon générique en déclinant des propriétés générales « C’est un oiseau, petit et jaune » tandis qu’un enfant va vous répondre en décrivant un épisode: « Bah, tu sais, c’est Titi… » D’ailleurs, il en est de même pour nous, adultes, lorsque nous évoquons des connaissances toutes fraîches, événement politique ou scientifique, nous avons tendance à raconter l’épisode vécu… Une application logique de cette hypothèse était que pour apprendre des concepts, il faut multiplier les épisodes. – Alain Lieury

 

Le raisonnement a besoin de la mémoire : plus on connaît, mieux on raisonne.

Comprendre, c’est d’abord catégoriser. Alain Lieury insiste sur l’importance de l’organisation de la mémoire sémantique pour créer un réseau de connaissances accessibles et structuré. Lieury insiste sur la capacité des élèves à former des inférences. L’inférence est l’opération qui consiste à admettre une proposition en raison de son lien avec une proposition préalable tenue pour vraie. Les inférences ne se font pas à partir d’une page blanche, mais est une déduction à partir d’un réseau de connaissances stockées en mémoire.

Dans l’inférence, l’information est déduite de l’organisation en mémoire sémantique. Dans ce cadre, il est aisé de comprendre que plus les connaissances sont grandes, plus les inférences seront nombreuses et précises. À l’inverse, par manque de connaissances, il est impossible d’inférer le sens d’un mot inconnu. – Alain Lieury

Par exemple, dans les cours d’histoire-géographie, un enfant (qui n’est ni un historien ni un archéologue) ne peut comprendre des documents historiques que si sa mémoire lexicale a suffisamment de mots en stock et que sa mémoire sémantique stocke leur sens. Or rencontrer le concept pour la première fois dans le document à analyser ne permet pas de le manipuler car ce concept n’est pas encore entré en mémoire sémantique. Une trace a pu être formée en mémoire lexicale (le mot est connu), mais la trace en mémoire sémantique est quasiment inexistante. Comme il faudrait six rencontres dans des contextes variés pour que le plein sens du concept soit intégré, il est illusoire d’attendre des élèves qu’ils puissent expliquer un nouveau concept (comme République ou Traite négrière) après une simple rencontre dans une étude de documents.

Ainsi, la mémoire est la base (accès direct) et la source des connaissances (inférence).

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Source : Mémoire et réussite scolaire de Alain Lieury (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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