Lecture et maîtrise du français : l’importance de la narration (pédagogie Charlotte Mason)

Lecture et maîtrise du français : l’importance de la narration (pédagogie Charlotte Mason)

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Dans son livre La pédagogie Charlotte Mason Tome 1, Laura Laffon rappelle l’importance que revêt la narration dans cette pédagogie.

L’art de la narration

Les intérêts de la pratique de la narration

Les enfants savent naturellement raconter leurs expériences : ce n’est pas une faculté artificielle ou contre-nature. On ne devrait jamais demander à un enfant de moins de six ans de faire une narration, mais s’il le fait spontanément nous devrions l’écouter avec beaucoup d’intérêt.

A partir de six ans, nous pouvons commencer à exploiter cette capacité à des fins éducatives en faisant la lecture à l’enfant et en lui demandant ensuite de raconter ce qu’il a retenu de l’histoire, épisode après épisode.

Vers sept ans l’enfant est normalement capable de lire seul, mais ses capacités sont encore faibles: il faut absolument continuer à lui faire la lecture pour alimenter son imaginaire de beaux récits, jusqu’à ce qu’il soit capable de lire seul une belle et abondante littérature. L’adulte lit donc à l’enfant deux ou trois pages, pas plus; la narration de l’enfant ne doit pas être corrigée (il faut éviter de l’interrompre pour rectifier les erreurs de grammaire par exemple). La leçon complète (lecture et narration) n’excède pas quinze minutes. On peut ensuite discuter de la morale de l’histoire. Une fois que l’enfant est capable de lire de beaux récits seul en assez grande quantité, alors seulement nous pouvons cesser de lui faire la lecture et le laisser préparer seul sa narration.

La narration est un exercice précieux après une lecture. On peut lire lentement, mais on ne doit lire qu’une seule fois. Si on répète l’enfant s’habituera à écouter d’une oreille distraite, il ne fera pas l’effort d’enregistrer les informations dès la première lecture.

On peut varier les exercices, toujours en gardant le livre comme support :

  • énumérer les expressions dans un paragraphe donné;
  • analyser un chapitre en regroupant des paragraphes et en donnant des titres à chaque partie;
  • chercher les liens de cause à effet;
  • cerner les personnages et étudier leurs interactions;
  • chercher les leçons de vie;
  • relever les découvertes scientifiques…

Le rôle de l’adulte

Si l’enseignant ne fait pas la lecture et qu’il n’explique pas non plus les textes, alors quel est son travail ? Il étudie le texte en amont et détermine quel type d’exercice est le plus approprié pour que l’enfant en retire quelque chose de positif. Le maître est juste un guide.

Il faut faire très attention à ce que la narration et les exercices ne prennent pas trop de place par rapport à la lecture. Les idées du livre ont besoin d’espace pour pouvoir vivre et grandir. Les bons livres sont vivants : trop de travail d’analyse, trop d’exercices… peuvent le tuer aux yeux de l’enfant.

La narration et l’exploration de la nature

Une fois que les enfants ont joué un bon moment, on peut les envoyer en «mission d’exploration» : c’est à celui qui verra le plus de choses et qui pourra en dire le plus au sujet de ce qui se trouve en haut de la colline, dans le ruisseau, derrière la haie ou dans le taillis.

A leur retour, les rapports sont une vraie leçon de narration : nous devons les encourager grâce à quelques questions à entrer dans le détail, à être de plus en plus précis.

Les enfants apprennent à être de meilleurs observateurs quand ils savent qu’ils pourront ensuite raconter ce qu’ils ont vu. Savoir qu’ils auront l’occasion de faire un rapport verbal et qu’ils trouveront une oreille attentive pour partager leur enthousiasme les aide à imprimer la scène dans leur esprit : ainsi, leurs observations deviennent une image gravée en eux, qu’ils auront beaucoup de plaisir à se remémorer lorsqu’ils seront plus âgés.

La narration et la lecture (8 et 9 ans)

Les lecteurs devraient être habitués à lire pour extraire et retenir des informations importantes.

Leur lecture doit être lente et précise dès le début, pour qu’ils n’aient pas besoin de tout relire pour chercher ce qu’ils ont raté la première fois. La narration cultive cette habitude.

Les lectures quotidiennes en famille et en classe transmettent le plaisir que l’on peut trouver dans les livres. Il ne faut pas étouffer l’enfant en lui demandant la définition de tous les mots qu’il lit : l’interroger sur le contexte ou sur le sens de tout ce qu’il lit est un exercice ennuyeux; laissez-le raconter librement ce qu’il a retenu de sa lecture, il y prendra plaisir.

La narration et l’apprentissage de l’Histoire

En pédagogie Charlotte Mason, la première exposition d’un enfant à l’Histoire devrait se faire grâce aux idées. On viendra accrocher plus tard, sur ces idées, des données historiques.

Pourquoi égrener un chapelet de dates et de faits isolés, cela n’a aucun intérêt pour l’enfant, alors qu’on peut parfaitement enseigner l’histoire en racontant de passionnants récits de héros et d’actes de noblesse ?, se demandait Charlotte Mason.

Avant d’assommer l’enfant avec toute l’histoire de son pays ou même du monde entier, il devrait déjà se familiariser avec une petite période ou même juste un personnage. On lui offre ainsi un point de départ auquel relier tout le reste.

La plupart des livres d’histoire pour enfant n’ont pas grand intérêt : des récits captivants et bien écrits sont beaucoup plus inspirants (quitte à sauter les passages qui ne seraient pas appropriés car trop violents par exemple)… Les enfants aiment les petites anecdotes, les détails, il ne faut donc pas trop simplifier. N’oublions pas que les meilleures histoires sont écrites par ceux qui les ont vécues. Les mythes et légendes de Plutarque sont absolument passionnants pour les enfants: une bonne connaissance de la mythologie greco-romaine aiguise leur compréhension des arts et de la littérature. Les enfants qui apprennent l’histoire de cette manière n’ont pas de difficultés de narration. Leurs jeux sont plus riches et leur imaginaire incroyablement plus stimulé que s’ils avaient appris des listes de faits impersonnels.

Dans ce cadre, la pratique de la narration des livres historiques garde tout son intérêt.

La narration et l’art

Charlotte Mason accordait beaucoup d’importance à l’art. Elle donnait aux enfants des petites reproductions ou elle les emmenait même parfois les voir en vrai, et elle leur demandait de «raconter» (la narration d’images) .

Ensuite les enfants de six à neuf ans décrivaient l’image en donnant tous les détails possibles; ils reproduisaient les grandes lignes au tableau noir, pour montrer avec la craie où se trouvait l’arbre ou encore la maison; puis ils écoutaient enfin la vraie histoire de la peinture.

Les enfants plus âgés vont plus loin: ils sont capables de distinguer les lignes de composition, les zones d’ombre et de lumière, le courant artistique dans lequel l’oeuvre s’inscrit… ils peuvent reproduire quelques détails de tête.

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Source : La pédagogie Charlotte Mason 1 de Laura Laffon (auto édition)