Secondaire : quels sont les bienfaits de la lecture à haute voix offerte par l’enseignant aux adolescents ?

Secondaire : la lecture à voix haute offerte par l’enseignant aux adolescents

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Crédit illustration : freepik.com

Pourquoi lire à voix haute en classe à des adolescents ?

Sophie Gagnon-Roberge est une enseignante québécoise de français au secondaire, passionnée de littérature jeunesse. Elle a introduit des temps de lecture “plaisir” à voix haute en classe, auprès de ses élèves de secondaire.Dans son livre Propager le plaisir de lire chez les élèves, elle explique pourquoi et comment elle pratique la lecture à haute voix en classe.

Elle s’appuie sur les arguments de Daniel Pennac pour instaurer des temps de lecture offerte à voix haute à ses élèves en classe de secondaire :

  • permettre aux enfants plus vieux et aux adolescents de retrouver ces moments magiques liés à l’enfance,
  • permettre aux lecteurs en difficulté de s’abandonner au plaisir des mots sans avoir peur de se tromper,
  • s’autoriser en tant qu’enseignant à faire “régresser” les élèves pour mieux les faire cheminer,
  • simplement retrouver chez les plus grands le plaisir éprouvé à se faire raconter des histoires.

Sophie Gagnon-Roberge a testé différentes formules, laissant d’abord les élèves assis à leur bureau de manière scolaire, avant de leur permettre de s’installer comme ils le voulaient. Il se peut que certains élèves en profitent pour rêvasser ou faire autre chose, mais ils le font en entendant le récit et en pouvant y revenir n’importe quand.

Est-ce simplement un moment de repos ou est-ce l’amorce d’une réflexion et d’une initiation à différents genres littéraires ? D’ailleurs, rares sont les moments de lecture à voix haute où personne n’est venu me demander une référence pour un titre semblable. Comme quoi le plaisir vient en lisant… – Sophie Gagnon-Roberge

Quels sont les bienfaits de la lecture à haute voix offerte par l’enseignant ?

Sophie Gagnon-Roberge liste plusieurs bienfaits qu’elle et ses élèves ont retiré de cette expérience de lecture offerte en classe :

  • Faire profiter d’une expérience à ceux qui ne l’ont pas vécue à la maison ;
  • Créer une communauté au sein de la classe en partageant une expérience commune de lecture ;
  • Faire découvrir des genres et des auteurs que les élèves ne découvriraient pas nécessairement d’eux-mêmes, ni dans les lectures au programme;
  • Permettre de modeler des stratégies de lecture ;
  • Dépasser les blocages liées à l’incompréhension des mots difficiles grâce notamment au ton de l’enseignant et au temps de discussion suivant la lecture ;
  • Amorcer une discussion littéraire plus facilement en groupe ;
  • Reconnecter les élèves qui ont abandonné la lecture au plaisir des récits.

Certains artistes vont même jusqu’à dire que les enfants ont autant besoin de nourriture pour l’esprit que de nourriture pour le corps.. Philip Pullman, écrivain anglais, l’affirme : les enfants ont autant besoin d’art, de belles histoires, de poèmes et de musique que d’amour, de nourriture, de plein air et de jeu ! 

On ne peut pas savoir à l’avance ce qui va inspirer, toucher, nourrir, transcender l’esprit. D’où l’importance de proposer une diversité d’œuvres aux élèves tout au long de leur scolarité. La lecture à voix haute peut contribuer à toucher les cœurs, à déclencher des émotions contradictoires et à inspirer.

Philippe Boimare, psychopédagogue, affirme quant à lui que la lecture de textes fondamentaux et culturels permet de “relancer la machine à penser des enfants”.

Serge Boimare écrit :

Les récits proposés dans la mythologie et les contes ne redoutent pas d’aller chercher les enfants là où ils en sont restés, sans cultiver pour autant la complaisance avec l’émotionnel. Tout en mobilisant leur intérêt par l’affect pulsionnel, ces récits en profitent pour dégager une règle de vie, pour faire une leçon de morale, pour fournir une suggestion sur la façon dont pourrait être réglé un problème… La lecture de contes et de mythes favorise le passage d’une pensée soumise aux sensations et aux émotions, à une pensée qui s’intéresse aux liens et aux règles organisant les savoirs. Elle retient leur attention car elle met du mouvement, de la forme et du scénario sur leurs préoccupations. Cette mise en mots et en récit de leurs inquiétudes ou de leurs préoccupations nous amène à la seconde étape apportée par la lecture : permettre de sécuriser et d’enrichir le monde interne

La lecture, en apportant des images et en mettant des mots sur les préoccupations, permet enfin de côtoyer et de supporter les inquiétudes et les contradictions qui, jusque-là, se transformaient trop vite en agitation ou en blocages divers. Ce nourrissage va donner aux élèves la possibilité d’un retour à eux-mêmes, pour une élaboration plus sereine..

Pour aller plus loin : Comment utiliser les contes, la mythologie et les textes fondamentaux pour lutter contre l’échec scolaire ?

Comment choisir les livres et les extraits à lire ?

Sélectionner les livres à lire à voix haute aux adolescents

Sophie Gagnon-Roberge estime que tous les livres ne sont pas adaptés à la lecture à voix haute. Une attention particulière doit être portée au choix des extraits lus. Avant de se lancer en classe, Sophie Gagnon-Roberge pratique au moins une fois chez elle, afin de tester le texte et de décider à quel endroit elle coupera son extrait. Son objectif est que le texte lu en classe soit un déclencheur donnant envie à ceux qui l’entendent de poursuivre la lecture ou de découvrir un autre livre (du même auteur, du même genre littéraire, de la même époque…).

En classe, le temps est aussi un facteur important. La lecture à voix haute consciente n’est pas un bouche trou : le temps nécessaire à la lecture complète de l’extrait choisi  doit être planifié, ainsi qu’une plage de discussion afin de revenir sur l’extrait et d’en expliquer certaines parties, en fonction des questions et des remarques des élèves.

Selon Sophie Gagnon-Roberge, les meilleurs romans à lire en classe sont ceux qui amènent une dose de sus­pens. Cela permet de retenir l’attention des élèves et leur donne envie de lire par eux-mêmes la suite.

L’enseignante conseille de ne pas s’asseoir trop confortablement lors de la lecture à voix haute afin que la voix reste alerte. Pour elle, le plus important reste de choisir des extraits qu’on apprécie.

Parfois, les élèves n’accrocheront pas et il est possible de les consulter pour savoir s’ils souhaitent que la prochaine session porte sur un autre livre, sur un autre auteur ou sur un autre genre. Ce n’est pas grave si les élèves ne sont réceptifs : non seulement, ils auront appris à argumenter pourquoi ils n’aiment pas un récit, mais les élèves qui ont accroché auront le loisir de lire le livre chez eux ou au CDI s’ils le souhaitent. La lecture offerte à voix haute est à considérer comme une “amorce”.

Des suggestions de livres à lire à voix haute aux ados 

Sophie Gagnon-Roberge liste quelques textes qui ont particulièrement retenu l’attention de ses élèves de secondaires.

La saison des fantômes, d’André Roy (pour tous les niveaux)

La saison des fantômes est un recueil de poésie contemporaine à lire en raison du travail sur les mots et sur les sons qui a été fait par le poète, ainsi que grâce aux images qui sont très visuelles, faciles à comprendre et proches de la réalité des adolescents.

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Une si jolie poupée, de Pef (pour tous les niveaux)

Le thème de cet album est dur et puis­sant : c’est celui de l’utilisation de jouets comme mines durant les guerres. La lecture permet de retrouver le plaisir des images de l’album tout en propo­sant un thème visant des lecteurs plus âgés.

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Guerre – Et si ça nous arrivait ? , de Janne Teller (niveau avancé)

C’est la narration au « tu » qui est particu­lièrement intéressante dans ce cas, permet­ tant au spectateur de se sentir directement interpellé par la lecture.

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Johnny, de Martine Pouchain (niveau avancé)

Court roman de 50 pages, il est écrit sous la forme d’une lettre qu’Alice, une jeune adolescente, écrit à Johnny, souffre-douleur typique qui s’est malheureu­sement suicidé, faute de trouver une solution à son problème.

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Serge Boimare conseille quant à lui les mythologies grecques, égyptiennes et nordiques, ainsi que les ouvrages de Murielle Szac sur la mythologie grecque. Le livre de Muriel Szac Le feuilleton d’Hermès peut être facilement lu à voix haute par l’enseignant. D’autres récits peuvent être issus des textes fondamentaux de nos civilisations et de nos religions, abordant de façon métaphorique des histoires où sont évoqués le chaos, le parricide ou autres thèmes universels. On pourra aussi piocher dans des recueils de contes africains, orientaux ou encore océaniques.

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Source : Propager le plaisir de lire chez les élèves : activités et suggestions littéraires pour tous les goûts de Sophie Gagnon-Roberge (Chenelière Editions). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.

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