Le jeu pour apprendre : comment capitaliser sur la puissance du jeu libre dans l’enfance ?
Le jeu pour apprendre : comment capitaliser sur la puissance du jeu libre dans l’enfance ?
Kathy Hirsh-Pasek et Roberta Michnick Glinkoff sont les autrices du livre Einstein never used flash cards : How Our Children Really Learn – And Why They Need to Play More and Memorize Less (non traduit en français). Dans ce livre, elles (ré)affirment l’importance du jeu pour apprendre. Elles avertissent par ailleurs sur les risques liés à une sur-stimulation des enfants.
Elles nous invitent à en faire moins pour stimuler les enfants, et à résister à la pression de les faire grandir et apprendre le plus tôt possible dans une optique de mettre toutes les chances de leur côté.
L’importance du jeu pour apprendre.
Le plus important à offrir aux enfants est du temps non structuré, du temps de jeu libre, des temps “d’être” ensemble. D’ailleurs, cela me rappelle une anecdote que m’a racontée la mère d’une amie de ma fille. Sa fille allait au centre de loisirs à chaque vacances scolaire et elle s’y plaisait beaucoup jusqu’à son entrée en CP. Depuis le CP, elle ne veut plus y aller car elle voudrait pouvoir encore jouer librement comme en maternelle. Or les animateurs imposent aux enfants d’élémentaire des activités structurées… par conséquent, elle s’y sent mal et a soif de retrouver du temps libre pour jouer avec les autres enfants sans contrainte ni intervention d’adultes (adultes probablement bien attentionnés qui estiment que le temps des enfants est mieux employé à jouer à des jeux structurés “utiles” qu’à des jeux libres sûrement estimés moins “productifs” pour des enfants de plus de 6 ans).
Peter Gray, psychologue américain, directeur de recherche au Boston College, affirme lui aussi l’importance du jeu pour apprendre. Selon lui, si on enlève le jeu libre aux enfants, on les prive de la possibilité de :
- comprendre que le monde n’est pas si effrayant que ça,
- éprouver de la joie et de la fierté,
- faire “comme si” et de s’échapper de la réalité par l’imaginaire,
- se frotter aux autres,
- confronter des points de vue,
- pratiquer l’empathie,
- surmonter leur narcissisme,
- créer et innover.
Le jeu ouvert et les loose parts, particulièrement utiles en maternelle
Cette idée de jeu pour apprendre rejoint le principe des loose parts pour les jeunes enfants (moins de 6 ans). Les loose parts sont des petits objets mobiles, des matériaux naturels ou synthétiques, qui ont été trouvés, ramassés, achetés ou bien recyclés et qui peuvent être touchés, manipulés, transformés, transportés à travers le jeu. Les loose parts n’ont pas d’usage déterminé et donnent lieu à des jeux libres. En ce sens, ils participent au développement de la créativité, du raisonnement et de la résolution de problème. Des loose parts belles et captivantes peuvent capter la curiosité des enfants et leur permettre de donner libre cours à leur imagination, conduisant à des apprentissages autonomes et informels. Avec les loose parts, les utilisations sont infinies, de même que les apprentissages. En général, les jeunes enfants sont comme “aimantés”, irrésistiblement attirés par les loose parts. Quand un environnement est riche en loose parts, les enfants ont l’opportunité de développer de nouvelles manières de penser, d’assembler, de combiner, de créer, de faire preuve de flexibilité, de satisfaire leur désir d’apprendre.
Ces jouets qui n’en sont pas réellement peuvent s’adapter à une gamme d’objectifs et de rôles presque infinie dont la seule limite est l’imagination des enfants. Ces petits riens, ces éléments libres, ces pièces détachées facilement disponibles et sans usage prédéterminé s’intègrent parfaitement dans les jeux libres des enfants. Un bâton peut par exemple servir à tracer des motifs sur le sol, il peut se transformer en baguette magique, en télescope, en canne, en épée, en sabre laser, en charpente d’une cabane. Un tas de bâton deviendra vite une tour, une chaise, une maison, une cachette, un pont. Une grosse bûche de bois permet même aux enfants de tester leur force physique. Le grand atout des bâtons, des boîtes, des ficelles, des tubes en carton et de la terre est qu’ils sont ouverts à toutes les possibilités et invitent au jeu libre.
La puissance du jeu libre dans l’enfance, y compris dans le cadre scolaire
Le jeu participe à l’acquisition des compétences dites “scolaires” :
- les mathématiques (découverte des concepts numériques à travers la classification, la correspondance un à un; compréhension de la numération, du concept de mesure; repérage dans l’espace…);
- la physique : la manipulation permet de chercher, de construire des idées et des explications à des phénomènes physiques (la gravité, la force, le poids, la distance, la lumière, l’air…);
- le langage : les loose parts favorisent le langage quand elles sont utilisées comme accessoires pour engager des conversations, pour raconter des histoires, pour décrire des inventions, pour argumenter sur telle ou telle idée, pour faire des connexions avec des idées connues;
- l’éducation artistique : par leur nature “ouverte”, les loose parts invitent à l’expression personnelle, à la créativité, à la beauté;
- l’éducation sensorielle : toutes les expériences sensorielles sont permises (le bruit de l’eau qui coule, le bruit d’une pierre qui tombe sur différents matériaux, les différentes odeurs, les différentes textures…);
- l’éducation physique : les enfants vont naturellement transporter, manipuler, grimper, lancer, malaxer, sauter, courir.
>>> Télécharger le visuel sur l’importance du jeu pour apprendre pour les enfants au format PDF pour l’imprimer
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Source : Einstein never used flash cards : How Our Children Really Learn – And Why They Need to Play More and Memorize Less de Kathryn Hirsh-Pasek et Roberta Michnick Glinkoff (éditions Rodale Press). Non traduit en français.