Esprit critique : les 9 échelons de la preuve pour évaluer la fiabilité et la véracité d’une information

Esprit critique : les 9 échelons de la preuve pour évaluer la fiabilité et la véracité d’une information

Dans son livre Quand est-ce qu’on biaise ?, Thomas C. Durand propose une échelle de la preuve pour tester le niveau de crédibilité d’un discours. Cette échelle invite à se poser des questions face à une information afin de déterminer si elle est vraie, fausse ou s’il vaut mieux suspendre son jugement.

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1.La rumeur

La rumeur consiste en un propos rapporté et dont on ne peut pas définir l’origine précise. Sur le même niveau de preuve, les chaîne de mail ou de SMS véhiculent des informations très certainement fausses.

2.Le témoignage

Dans le témoignage, la source est identifiée : quelqu’un relate un événement dont il a été témoin. Face à un témoignage, faire preuve d’esprit critique consisterait à :

  • se demander si la personne tire un intérêt personnel (argent, prestige, relation…) de ce témoignage
  • se demander si la personne a pu faire preuve d’une erreur d’identification ou d’interprétation (nos sens nous trompent souvent comme le prouvent les illusions d’optique et la mémoire n’est pas toujours fiable)
  • se demander si le témoignage de la personne a pu être influencé par ce que d’autres en disent ou par les questions posées par les interlocuteurs (la manière dont est formulée une question peut influencer la réponse)

Un témoignage seul constitue un mauvais niveau de preuve

3.L’anecdote personnelle

Une anecdote personnelle présente les mêmes biais qu’un témoignage, sauf que le témoin est nous-même. Thomas Durand nous invite à prendre les mêmes précautions pour notre cas personnel que pour les témoignages.

Ni l’intelligence ni l’honnêteté ne nous prémunissent contre les erreurs que notre cerveau commet à notre insu, des erreurs dont certaines sont désormais bien connues et fort prédictibles : les biais cognitifs. – Thomas Durand

Pour aller plus loin au sujet des biais cognitifs : Éducation à l’esprit critique : connaître les biais cognitifs pour les déjouer et les inhiber

4.La sagesse populaire

La sagesse populaire englobe les remèdes dits de “grand mère” aux proverbes au sujet de la météo et du jardinage. Tout n’est pas nécessairement faux mais presque personne ne prend le temps de vérifier ce type d’affirmation parce qu’il est plus facile de se fier à la sagesse populaire en se disant que, si tout le monde le pense, c’est qu’il doit bien y avoir une bonne raison, surtout quand cette sagesse s’appuie sur les traditions ancestrales.

5.L’opinion

La motivation des humains à croire une idée peut les pousser à rechercher la compagnie de celles et ceux qui la tiennent pour vraie également. C’est ainsi que des personnes trouvent ensemble de bonnes raisons de ne pas changer d’avis (ou du moins de suspendre leur jugement) même quand leurs idées vont à l’encontre du consensus scientifique.

6.L’expertise

Thomas Durand rappelle qu’un expert est une personne reconnue comme telle par d’autres personnes qui se reconnaissent cette distinction (les experts s’adoubant entre eux). Les problèmes apparaissent quand deux experts d’un même domaine se contredisent : à qui se fier ? comment identifier quand un expert est lui même sujet à des biais cognitifs ou défend une simple opinion, voire une intérêt personnel ?

Une solution pour résoudre ce problème consiste à dépasser le fait de se fier uniquement à la parole d’un ou plusieurs experts et d’entrer dans la méthode scientifique.

7.La publication scientifique

Une publication scientifique a pour point de départ une hypothèse testable. A partir de cette hypothèse, les scientifiques établissent une expérience qui permet de la valider ou non (notamment via un protocole qui pourra être reproduit par d’autres scientifiques afin de vérifier la fiabilité et la véracité des conclusions de l’expérience).

Les scientifiques rédigent un article complet qui décrit le contexte des connaissances, la question à laquelle il répond (son hypothèse) et le détail du protocole et du matériel de l’expérience. Cet article est ensuite envoyé à une revue scientifique qui le fera valider par plusieurs experts de la discipline concernée.

Pourtant, il existe des articles scientifiques sérieux qui se contredisent pour une raison ou une autre (par exemple, certaines revues dites prédatrices ne nécessitent pas une validation par des experts avant publication et des articles à la méthodologie douteuse peuvent être publiés puis repris dans les médias grand public). De même, un travail que d’autres scientifiques n’ont pas réussi à répliquer ne peut pas être considéré comme une vérité.

8.Le consensus scientifique

C’est le consensus scientifique qui peut aboutir à une “vérité de science” (et même cette vérité de science portée par le consensus scientifique n’est pas absolue mais représente un “horizon indépassable de la certitude scientifique à un instant T).

Le consensus scientifique se mesure dans la littérature scientifique (tous les scientifiques – ou presque – admettent tout ou grande partie de l’énoncé car cet énoncé a pu être vérifié à plusieurs reprises en reprenant le protocole de l’expérience qui a aboutit aux mêmes conclusions).

Ce sont les études et leurs résultats qui construisent le consensus, pas l’identité de leurs auteurs. Dans l’idéal, aucun chercheur n’est une autorité dans son domaine, c’est la méthode qui fait autorité pour valider ses propos. – Thomas Durand

9.Rien

Thomas Durand estime qu’il existe une preuve plus forte que la consensus scientifique : c’est l’acte de foi. Ce qui est tenu pour vrai par une personne croyante dépend uniquement de la subjectivité de cette personne.

Cet échelon de la vérité toise les autres de très haut, et prive celui qui s’y fie de l’intersubjectivité grâce à laquelle nous pouvons évaluer les énoncés que nous rencontrons. – Thomas Durand

 

Télécharger l’échelle des preuves au format PDF pour impression : echelle-preuve-education-esprit-critique

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Source : Quand est-ce qu’on biaise ? de Thomas C. Durand (éditions Humensciences). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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