Une autre approche de l’échec scolaire : les pratiques narratives pour nourrir la confiance
Une autre approche de l’échec scolaire : les pratiques narratives pour nourrir la confiance
Les pratiques narratives
Dina Scherrer est coach et intervient dans des collèges et lycées auprès de jeunes en difficultés scolaires et relationnelles. Elle est formée en pratiques narratives et s’appuie sur cette approche pour accompagner les jeunes dans leur regain d’estime personnelle.
Les pratiques narratives reposent sur l’idée que tous les humains se racontent des histoires qui forgent leur identité.
Une histoire, ce sont des événements reliés entre eux sur l’axe du temps et qui mettent un thème en valeur. Pour l’approche narrative, l’être humain construit son identité au moyen d’histoires qu’il construit et qu’il se raconte. Les matériaux de ces histoires lui sont fournis par les événements de sa vie et par ce que les autres racontent de lui.
Chaque être humain peut se raconter sa vie de diverses manières, parfois l’une d’elle acquiert un statut dominant. Or, comme l’a dit Boris Cyrulnik, : « Ce que nous nous racontons à propos de ce qui nous arrive est plus déterminant que ce qui nous arrive. »
Il y a des histoires qui donnent de l’énergie et de l’espoir dans les épreuves, mais il y a aussi des histoires d’impuissance qui enferment et engendrent le désespoir.
Histoire dominante et histoire alternative
Les pratiques narratives distinguent les histoires dominantes et les histoires alternatives.
- L’histoire dominante d’une personne est l’histoire qui structure sa vie au point d’en réduire la liberté et parfois de l’empêcher de s’épanouir ou d’évoluer.
- L’histoire alternative est l’histoire que la démarche narrative va aider à faire émerger.
Les pratiques narratives invitent les individus à rechercher dans leur vie les exceptions à leur histoire dominante pour construire une histoire alternative porteuse de sens et libératrice.
L’histoire dominante des jeunes en difficulté se construit souvent autour d’une souffrance, d’un problème. Les pratiques narratives considèrent que la personne est la personne, que le problème est le problème et que la personne n’est pas le problème.
Il est donc essentiel d’écouter avec empathie les « plaintes » des jeunes en difficultés avec les effets sur l’image qu’ils se font d’eux-mêmes. Ecouter la plainte de l’autre – ce dont il se plaint – est le début de la démarche narrative. C’est à partir de cette plainte que l’on fera émerger l’histoire à problème et que l’on pourra séparer la personne et le problème.
Les pratiques narratives pour les jeunes en échec scolaire
Rendre visibles les compétences
Ainsi, Dina Scherrer considère la démarche narrative comme pertinente pour les jeunes en échec scolaire parce qu’elle leur permet de restaurer leur image et de retrouver de l’espoir en l’avenir.
Pour aider les jeunes à tisser une nouvelle histoire qui ne soit plus l’histoire à problème, elle les aide à rendre visible toutes les compétences qu’ils ont construites sans les voir. Elle les invite à aller chercher toutes les exceptions – toutes les fois où le « problème » ne les a pas rattrapés, étouffés, paralysés – et les relier comme les épisodes d’une nouvelle histoire.
Plus cette nouvelle histoire est étoffée, plus l’histoire à problème perd de son influence sur la personne, sur ses comportements.
Se voir à travers le regard de l’amitié et gagner confiance en soi
Dina Scherrer a par exemple proposé un exercice en binôme pour aider les jeunes à surmonter la difficulté à identifier et exprimer à voix haute leurs points forts. Chaque élève se met en binôme avec un ami proche et la consigne est la suivante : chacun à son tour, l’un des membres du binôme parle de son camarade, des raisons qui font qu’ils sont amis. Pendant que l’un parle, l’autre doit écouter et ne rien dire. Il s’exprimera, s’il le souhaite, à la fin. Cet exercice peut se faire en présence d’un adulte bienveillant et neutre.
L’objectif de cet exercice est que chacun se voie à travers le regard de l’amitié et ainsi adopte une image positive de lui même. Des questions peuvent guider les élèves dans l’identification et l’expression des qualités de leurs amis :
- « Pourquoi avoir choisi d’être ensemble pour ce binôme ? »
- « Qu’est-ce qui vous lie tous les deux ? »
- « Peux-tu me dire ce qui te plaît chez lui ? »
- « Qu’est-ce qu’il sait bien faire et que tu lui envies ? »
- « A-t-il fait un jour quelque chose qui t’a plu, épaté, fait rire ? »
- « Que penses-tu qu’il aime chez toi ? »
- « Qu’est-ce qui vous a amenés à être amis ? »
- « A ton avis, pourquoi a-t-il voulu être ami ou en binôme avec toi ? »
- « Est-ce que le fait de le connaître t’a permis de faire des choses que tu n’aurais n’aurais pas faites sans le connaître ? »
- « Peux-tu nous raconter une histoire qui illustre ça ?»
A la fin de l’exercice, l’adulte peut encourager le camarade qui a écouté à reformuler ce qu’il a entendu et compris : « Qu’est-ce que cela te fait d’entendre ton ami dire cela de toi ? Qu’est-ce que cela dit de toi ? Qu’est-ce que tu as appris sur toi ? De ce qui est important pour toi ? Et qui autour de toi, parmi les personnes qui te sont proches, ne serait pas étonné que tu aies ces compétences-là ? De qui tu tiens ça ? Est-ce que tu peux me raconter une histoire qui dit que tu sais si bien faire ça ? ».
L’objectif de cet exercice est d’aller chercher qui, dans l’histoire des jeunes, ne serait pas surpris de leur trésor intérieur, d’aller volontairement chercher des personnes qui comptent dans leur vie et qui vont exprimer les qualités qu’ils apprécient chez leur binôme. Les compétences et qualités étant explicitées par un tiers, l’enfant peut les entendre et se les approprier de manière consciente comme élément constitutif de sa personnalité.
A travers cet exercice, les enfants et adolescents peuvent se considérer sous un nouveau jour, écrire une nouvelle histoire à leur sujet, prendre conscience que l’on n’est pas ami avec eux par hasard, qu’ils ont de la valeur, qu’ils apportent quelque chose aux autres.
Les témoins extérieurs pour renforcer la nouvelle histoire
Une fois que ces éléments sont amenés au premier plan de la conscience, il est essentiel que des personnes extérieures soient à la fois les relais et les témoins de cette nouvelle histoire.
Les pratiques narratives insistent sur les témoins extérieurs et le “re telling” (=re dire). Les témoins extérieurs vont redire à la personne qui est en train de se construire une nouvelle histoire l’image qu’ils ont d’elle dans le présent. Ces témoins extérieurs vont contribuer à étoffer l’histoire en cours de construction.
En effet, l’identité se tisse dans les interactions entre les personnes et la communauté, école, famille, etc. Lorsqu’une histoire alternative a été tissée et épaissie, le re-telling consiste à faire témoigner de cette nouvelle histoire des personnes de l’entourage (parents, amis, enseignants, famille, adultes encadrants…).
Dina Scherrer témoigne de la façon dont elle s’y est pris pour rendre visible aux autres ce qui était important pour les jeunes en difficulté qu’elle accompagne et la manière dont ils avaient appris à résister à leur mauvaise histoire. Elle a invité les jeunes à organiser une cérémonie au cours de laquelle ils pourraient montrer aux personnes qui comptent pour eux cette autre partie d’eux-mêmes.
En Pratiques Narratives, cela s’appelle une « cérémonie définitionnelle ». Des personnes aux « identités abîmées » peuvent montrer qui elles sont réellement devant un auditoire extérieur invité à prendre connaissance de la nouvelle identité et à en devenir les témoins, contribuant ainsi à la définir et à la consolider.
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Source : Échec scolaire, une autre histoire possible : le coaching au service des jeunes en difficulté de Dina Scherrer (Editions L’Harmattan).
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