Le mythe des 10 000 heures d’entraînement comme recette de l’excellence : pourquoi est-ce faux (en partie) ?

Le mythe des 10 000 heures d’entraînement comme recette de l’excellence. 

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10 000 heures d’entraînement, la recette de l’excellence ?

Dans son livre Le talent est une fiction, Samah Karaki s’attaque à un mythe persistant : celui des 10 000 heures d’entraînement comme recette de l’excellence. 

Samah Karaki commence par rappeler qu’il existe bel et bien des données solides qui ont amené à formuler cette approche des 10 000 heures. Elle cite l’étude de l’équipe d’Anders Ericsson de la Florida State University qui a été menée en 1991 sur des étudiants de l’Académie de musique de Berlin-Ouest. Anders Ericsson et ses collègues ont évalué les performances de violonistes divisés en 3 groupes, selon l’évaluation de leurs professeurs : 1/les talentueux et prometteurs, 2/les doués moins accomplis que les premiers, 3/les étudiants simplement bons. Les trois groupes partagent des caractéristiques similaires : âge de début de la pratique et âge de décision d’un engagement dans une carrière professionnelle. La seule différence visible entre les trois groupes s’est révélée être le nombre d’heures consacrées à la pratique sérieuse. Samah Karaki écrit : “A l’âge de vingt ans, les meilleurs violonistes avaient pratiqué en moyenne 10 000 heures, les bons violonistes 8 000 heures, et les moins bons 6 000 heures. 

Ce niveau de pratique en termes d’heures rejoint une autre étude qui a conclu à un nombre d’années de préparation soutenue nécessaire pour atteindre des niveaux de compétition mondiale pour les athlètes, à savoir dix ans. 

Il en va de même chez les scientifiques, les auteurs et les compositeurs : les données convergent pour montrer que dix ans paraissent être nécessaires pour atteindre l’excellence. 

La quantité d’heures de pratique comme seul facteur pertinent pour expliquer l’excellence ?

Pourtant, Samah Karaki va plus loin dans l’analyse. Certes, une énorme quantité de temps est nécessaire pour acquérir l’expertise, mais cela signifie-t-il que la quantité d’heures de pratique est le seul facteur pertinent pour expliquer le savoir-faire ? En réalité, une dimension qualitative intervient dans la manière dont l’expertise est acquise : ce n’est pas qu’une question de temps, mais également une question de nature d’entraînement, de direction donnée aux efforts et d’objectifs. 

La pratique qui mène à l’excellence est caractérisée par :

  • une profonde concentration car celle-ci mène à la résistance à l’automatisme dans une démarche de contrôle métacognitif;
  • une volonté consciente de progresser : on parle de “pratique intentionnelle” parce que chaque minute de l’entraînement est consacrée à repousser les limites;
  • une analyse des erreurs qui servent de points d’appui pour progresser (avec des questions clés : pourquoi cette erreur a-t-elle émergé ? comment la dépasser ? que faire si elle se présente à nouveau ?);
  • des stratégies efficientes : en effet, faire plus de quelque chose d’inefficace ne fait pas – ou peu – progresser, mais a plutôt tendance à épuiser le corps et l’esprit.

Les objectifs différents des apprenants comptent plus que la quantité d’entraînement.

En 1995, l’équipe de Carl Bereiter, chercheurs en psychologie de l’éducation, ont identifié trois types d’objectifs des apprenants : 

  • objectif de performance : réalisation des tâches;
  • objectif de maîtrise : comprendre le matériel au service d’apprentissages manifestes;
  • objectif d’apprentissage : construction de connaissances à partir des erreurs. 

Il se trouve que les violonistes les plus talentueux de l’Académie de musique de Berlin-Ouest avaient une pratique centrée sur la maîtrise et l’apprentissage (et pas seulement sur la performance, contrairement aux autres). A quantité d’heures équivalentes consacrées à l’entraînement, les objectifs de la pratique font une grande différence au final.

Les autres facteurs potentiellement influents : il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir.

Samah Karaki affirme que la pratique délibérée, construite sur la combinaison additive de l’effort et du travail répété tous les jours, n’explique qu’une partie de la variance des performances. Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Avant de devenir un talent, un effort soutenu a besoin de :

  • support informationnel (où trouver des stratégies efficientes ? comment les faire fructifier ? )
  • support logistique (où trouver des conditions d’entraînement favorables ? où rencontrer des entraîneurs et des mentors ? comment bénéficier d’infrastructures ?
  • soutien psychologique et affectif (qui va motiver ? qui va réconforter en cas de coup dur ? qui va assurer un contexte stable ?)

Réussir contre tout est possible, mais le piège est de tomber dans la dérive romanesque des contes de miraculés du travail acharné. L’influence du contexte est beaucoup plus écrasante que ce que les histoires des réussites rescapées aux circonstances défavorables nous laissent croire. – Samah Karaki

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Le talent est une fiction : Déconstruire les mythes de la réussite et du mérite de Samah Karaki (éditions JC Lattes) est disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.

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