La princesse qui ne savait plus rire : un conte offert avec des rimes, du rythme et des jeux de mots
La princesse qui ne savait plus rire : un conte offert avec des rimes, du rythme et des jeux de mots
Je vous propose un conte qui a vocation à être lu à voix haute car il y a des rimes, du rythme et des sonorités qui rendent la lecture amusante. J’ai voulu cette histoire pleine d’humour et de bienveillance, avec un niveau de vocabulaire soutenu pour en faire un “livre vivant”, selon la définition de Charlotte Mason. Il s’appelle “La princesse qui ne savait plus rire” et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire aux enfants qu’eux à l’écouter.
Il était une princesse qui avait oublié comment rire. Pire que cela, elle ne savait plus de quoi était faite la joie. Personne ne l’avait plus vue de bonne humeur depuis des heures. Personne ne l’avait plus entendue rire à perdre haleine depuis des semaines. Personne n’avait plus aperçu ses yeux pétiller depuis des années. Elle-même ne se souvenait guère avoir esquissé un sourire naguère.
La princesse se désespérait de rire à gorge déployée. Elle voulait s’enthousiasmer, danser, s’amuser, chanter, rêver, s’émerveiller. Elle voulait avoir le cœur en fête. A tel point qu’elle annonça fermement et solennellement qu’elle se marierait avec le premier homme qui la ferait rire. Pas un simple sourire ; évidemment, non ! Mais un vrai grand rire puissant et bruyant, tel le barrissement d’un éléphant. Une horde de prétendants se pressa dès lors à ses pieds. Chacun avait bien sa petite idée pour la dérider.
Le premier prétendant se lança avec une simple devinette :
« – Jean-Chou et Marie-Chou-Fleur ont quatre enfants. Comment s’appellent-ils ? »
La princesse, mutique, ne daigna pas répondre.
« – Michou, Patachou, Bout’chou et Prends-moi-pas-le-chou ! » enchaîna le pauvre bougre.
La princesse, à l’air renfrogné, ne semblait pas vraiment apprécier. Le prétendant reprit en pouffant :
« – Bout’chou tombe et s’écorche le genou. Ca fait une chou-croûte ! »
La princesse leva les yeux au ciel, soupira, et le verdict tomba : « Trop grossier ! Je veux plus d’originalité ! »
Le deuxième prétendant déclara :
« – Oubliez blagues, devinettes et bonimenteurs ! Ne dit-on pas que l’argent fait le bonheur ? Je n’ai pas beaucoup d’humour, mais une grande fortune. A défaut d’un sourire, je peux vous garantir des saphirs et vous offrir un empire. »
La princesse secoua la tête, grimaça et le verdict tomba : « Trop superficiel ! Je veux plus d’essentiel ! »
La pauvrette était sur le point de désespérer. C’est alors qu’entra sur scène le dernier prétendant, l’air hésitant après ces échecs cuisants. Il affichait un sourire timide, sa tête était penchée, ses lunettes sur le point de tomber, ses cheveux tout ébouriffés. Il semblait si impressionné qu’il faillit renoncer. A la place, il prit une grande inspiration pour se donner du courage, releva la tête et… marcha sur ses lacets défaits, chancela, sembla danser la bourrée, puis finalement tomba à grand bruit.
« BAM ! », entendit la princesse, à demi amusée.
Dépité, sûr d’avoir échoué, il s’écria : « Oh non, crotte de biquette, j’ai perdu mes lunettes ! » Mortifié, il se rendit compte qu’il avait juré. Il se précipita pour sortir de scène mais, horreur, se cogna contre un poteau mal placé. Il s’empressa de s’excuser auprès du malheureux pilier.
« – Je vous demande pardon, cher ami. Sans mes binocles, je ne vaux pas mieux qu’un cyclope. »
Dans les yeux de la princesse, une étincelle a germé.
Dans le ventre de la princesse, des papillons cherchent à s’envoler.
Dans le corps de la princesse, c’est chaud, c’est nouveau, c’est léger !
Dans la gorge de la princesse, un rire s’apprête à se déployer.
La princesse sautilla de joie, rit aux éclats et le verdict tomba : « Monsieur, je voulais de l’esprit, de l’ironie, de la comédie et c’est votre maladresse qui provoque mon allégresse. C’est donc ça le bonheur, quand la simplicité parle au cœur ! »
La princesse à la joie retrouvée et le sire à la maladresse célébrée se marièrent et eurent beaucoup de fous rires. Certains disent même qu’on entend encore leurs échos s’unir. Et vous, entendez-vous parfois leurs rires communicatifs dans le souffle des arbres, dans le chant des oiseaux ou dans le feu qui crépite ?
Un texte de Caroline Jambon, tous droits réservés