C’est la crise tous les soirs au moment des devoirs : comment éviter les disputes et les pleurs ?
C’est la crise tous les soirs au moment des devoirs : comment éviter les disputes et les pleurs ?
A quoi servent les devoirs ?
Les sciences cognitives insistent sur la nécessité de la répétition pour apprendre. C’est précisément la répétition qui crée des apprentissages durables, et c’est pourquoi les enseignants donnent des exercices pour s’entraîner et des leçons à maîtriser. En réalité, apprendre ne suffit pas : il faut consolider le contenu de l’apprentissage pour qu’il devienne automatique, c’est-à-dire inconscient et réflexe. C’est comme quand vous avez appris à conduire : au début, vous deviez être concentrés sur tous les détails et vous ne pouviez pas entretenir une conversation en même temps que vous conduisiez. Maintenant que vous êtes un conducteur expérimenté, vous pouvez tout à fait conduire en discutant car votre cerveau a automatisé tous les gestes liés à la conduite (regarder dans les rétroviseurs, mettre le clignotant, lire les panneaux).
Par ailleurs, l’entraînement permet de dégager de l’espace dans la mémoire de travail en passant le savoir conscient en savoir inconscient. Le cerveau devient ainsi disponible pour d’autres activités. De plus, la stratégie de consolidation la plus efficace est de distribuer les apprentissages (un peu, mais tous les jours). Toutefois, je tiens à rappeler le cadre législatif en France. La circulaire du 29 décembre 1956 relative à la suppression des devoirs à la maison ne laisse pas d’ambiguïté sur la volonté du ministère de l’époque : « Aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe. Cette prescription a un caractère impératif et les inspecteurs départementaux de l’enseignement du premier degré sont invités à veiller à son application stricte ».
Un enseignant en primaire peut donner à ses élèves : un travail oral (lecture ou recherche par exemple) et des leçons à apprendre à la maison. Cela signifie que, en France, aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne peut être demandé aux élèves de l’école élémentaire en dehors de la classe. Même si cela peut sembler une position délicate, il est possible, en tant que parents, de refuser l’effectuation des devoirs écrits par les enfants du CP au CM2.
3 manières d’éviter les crises, les disputes et les pleurs au moment des devoirs
Le moment des devoirs peut devenir un temps plus plaisant et efficace si vous faites un pas de côté pour ne plus reproduire ce qui ne fonctionne pas et que vous vous mettez à la place de l’enfant. Je vous propose de raisonner autrement pour éviter que le moment des devoirs ne se transforme en véritable corvée, source de tension dans votre famille.
1. Raisonner en termes d’empathie
• Valider les émotions : « Oui, c’est vrai que c’est difficile de se mettre aux devoirs après une longue journée d’école. Je comprends, tu es fatigué et tu préférerais jouer. Tu as envie d’un câlin pour te donner des forces ? »
• Instaurer un rituel de début :
– une séance d’étirement et de respiration;
– une météo intérieure pour demander à l’enfant comment il se sent et prendre le temps de parler d’autre chose que de l’école pendant quelques minutes. Le soleil correspond à la joie, la pluie à la tristesse, l’orage à la colère, les nuages à la peur et au stress. En cas de mauvais temps, vous pourrez vous mettre à l’écoute de l’enfant afin qu’il évacue ses soucis.
• Valider vos propres émotions et vous apporter de l’autocompassion : « Oui, j’en ai marre que ça dégénère tous les soirs. Cette tension en moi raconte que j’ai à coeur d’aider mon enfant et de lui donner toutes les chances dans la vie. Je peux agir à partir de cette intention : offrir le meilleur à mon enfant. »
• Lâcher-prise et laisser la responsabilité des devoirs à l’enfant, afin de préserver la santé mentale tant des adultes que des enfants dans la famille
2.Raisonner en termes de compétences
• Planifier une stratégie de travail et vérifier le résultat (au départ, l’adulte pose les questions puis l’enfant en prend l’habitude) :
– « Tu préfères commencer par le plus difficile et garder le plus facile pour la fin ? »
– « Comment t’appuyer sur ce que tu sais déjà pour résoudre ce problème ? »
– « Comment vas-tu repérer ce qui est important dans cette consigne ? »
– « Comment sais-tu que ta réponse est correcte ? Quelle est ta méthode pour vérifier le résultat ? »
• En tant que parents, se doter de stratégies anti-pétages de plomb
Pour aller plus loin : Education bientraitante :11 manières d’éviter que notre colère se transforme en violence contre les enfants
3.Raisonner en termes d’environnement
• Varier les supports et les lieux : écrire sur les fenêtres avec des feutres à la craie ; apprendre en marchant ou allongé la tête en bas.
• Utiliser le corps pour apprendre (théâtraliser une leçon d’histoire, mémoriser les mesures des angles avec les bras, compter sur les doigts le nombre d’idées principales d’une leçon…).
• Rendre les devoirs ludiques : fabriquer une cocotte en papier avec des questions et leurs réponses, jouer à Questions pour un champion…
Les blocages qui mènent à des disputes et des crises lors des devoirs
Remettre l’école et les notes à leur juste place
Certaines peurs peuvent nous empêcher de lâcher prise sur les devoirs et nous conduisent à des disputes avec les enfants au moment des devoirs.
Dès le CP, adultes et enfants ont tendance à associer l’école aux notes (même si ces notes ne se présentent pas sous forme de chiffres) et au classement. La pression que nous nous mettons en tant que parents est légitime car l’école joue un rôle important dans la réussite future et dans l’ascension sociale de nos enfants. Ou tout du moins, c’est ce que nous croyons parce que vous avons quantité d’exemples contradictoires autour de nous : des personnes qui sont heureuses et subviennent à leurs besoins sans avoir fait de grandes études et, à l’inverse, des personnes qui ont fait de brillantes études mais qui dépérissent au travail. Une mauvaise note est juste une information qu’il ne sert à rien de punir. Si nous nous focalisons sur les notes, nous entretenons chez nos enfants la peur de nous décevoir, et enclenchons un cercle mutuel de rancoeur. Nous pouvons plutôt valoriser les centres d’intérêt et les points forts des enfants en dehors de l’école et, surtout, veiller à maintenir un lien chaleureux avec eux en famille. Les enfants ont besoin de temps partagé où l’école n’est pas du tout mentionnée.
D’ailleurs, si nous portons un intérêt démesuré aux notes, les enfants vont finir par travailler à l’école, non pas parce que c’est intéressant en soi et utile pour devenir une personne autonome, un citoyen responsable, mais parce que cela peut leur rapporter quelque chose (des récompenses matérielles ou symboliques, comme l’approbation des parents en comparaison avec un frère ou une soeur dont l’enfant pourra se sentir supérieur) ou bien parce qu’il a peur des punitions ou des humiliations. Or la peur n’est pas une bonne motivation pour apprendre. Les enfants peuvent aussi inventer des stratégies pour éviter les mauvaises notes, soit en évitant de prendre des risques pour éviter les erreurs, soit, pire, en trichant. Ou même en désinvestissement complètement l’école et en adoptant une attitude désinvolte, voire insolente. Et puis, si un parent réagit avec colère à chaque mauvaise note, l’enfant risque de mentir les prochaines fois en cachant ses notes ou en n’écrivant pas ses devoirs pour ne pas avoir à les faire. Or nous ne voulons pas que nos enfants rejettent tout ce qui touche au scolaire.
Pour aller plus loin : Vivre, c’est plus que courir après les bonnes notes
Si les difficultés d’un enfant persistent malgré les efforts d’aide, et que l’enseignant alerte sur d’éventuels troubles, un rendez-vous médical peut être utile. Cela peut être un RDV chez un orthophoniste en cas de suspicion de troubles dys (dyslexie, dysorthographie notamment), chez un neuropsychologue pour les troubles de l’attention, ou bien chez un ophtalmologiste pour vérifier la vue, ou encore un orthoptiste en cas de grande fatigabilité visuelle, ou d’un psychomotricien en cas d’agitation ou de manque de tonus.
Par ailleurs, il est important de garder en tête que les outils sans changement de posture ne sont rien. Et c’est la raison pour laquelle j’insiste dans différents articles de mon blog sur les exemples d’encouragement et d’accueil des émotions des enfants. La plus grande crainte des enfants est un retrait affectif de leurs parents et ils ont besoin d’être aimés inconditionnellement pour retrouver confiance en eux. Votre travail d’écoute empathique peut être rendu difficile si votre enfant a du mal à mettre en mots ses émotions ou s’il ne veut pas le faire (par honte ou par peur par exemple). C’est d’autant plus difficile quand nous sommes parasités par nos propres souvenirs scolaires et nos peurs pour l’avenir de l’enfant, ou même par notre propre ego de parents d’un élève moyen, voire médiocre à nos yeux. Peut-être qu’un des enjeux est précisément ici : nous avons des ambitions pour nos enfants, leur réussite nous renvoie une bonne image de nous-même et notre ego a tendance à parler à la place de notre amour. Dans ces cas, nous sommes nous-mêmes envahis par le stress, qui est exacerbé au moment des devoirs si l’enfant n’y met pas du sien ou s’il ne comprend pas.
Lire aussi : Comment encourager les enfants efficacement : 30 propositions pour les parents et les enseignants
Eviter d’exploser et préserver la relation parents/ enfant
Crier sur les enfants peut devenir une réaction automatique si on n’y prend pas garde. On peut avoir l’impression que le fait de crier est le seul moyen de se faire entendre ou de se faire prendre au sérieux. Je vous propose quelques idées pour éviter d’exploser et préserver votre relation parents/ enfant.
- N’hésitez pas à prendre un moment de pause : quand vous sentez que vous êtes tendus, que ça chauffe, que vous êtes sur le point de dire des choses qui vont dépasser votre pensée, éloignez-vous.
- Vous pouvez en profiter pour respirer en pleine conscience avec des expirations amples : inspirez en comptant jusqu’à 3 et expirez en comptant jusqu’à 6; concentrez-vous sur l’air qui entre dans les narines, sur votre ventre qui gonfle à l’inspiration, sur le ventre qui se dégonfle et sur l’air qui sort des narines à l’expiration.
- Vous pouvez aussi vous caresser les lèvres doucement, vous étirer en levant les bras au ciel et en vous inclinant à droite puis à gauche, aussi longtemps que nécessaire. Profitez de cette pause pour boire un verre d’eau fraîche ou respirer une odeur agréable.
- Vous pouvez aussi vous remémorer un souvenir agréable avec votre enfant ou bien regarder une photo de lui tout bébé pour vous reconnecter avec votre élan d’amour. Si vous êtes très tendu, criez dans un coussin et même autorisez-vous à pleurer.
- Vous pouvez sinon malaxer une balle anti stress, vous serrez les poings aussi fort que possible, vous tenez trois minutes puis vous relâchez.
- Si cela vous aide, écrivez les émotions ressenties dans un cahier personnel où vous ne vous censurez pas : écrivez même vos pensées les plus honteuses, ce journal est le vôtre et n’a pas vocation à être lu. Toutes vos émotions sont légitimes. Vous pouvez même gribouiller dedans.
- Pour prévenir les prochaines crises, vous pouvez proposer à votre enfant de convenir d’un mot magique dont le côté cocasse ou humoristique vous sortira tous les deux de la colère. Cela peut être un mot doux comme “bébé koala” pour faire penser aux câlins ou alors un mot drôle qui détend tout le monde comme “tarte aux crottes de nez”.
Quoiqu’il en soit, vous pouvez vous répéter des pensées aidantes, comme le fait que votre enfant ne s’est pas levé ce matin pour vous rendre fou ou folle et que vous êtes capable de vous en sortir avec calme et respect. Si vous n’en êtes pas capable là maintenant, vous avez la possibilité de quitter la pièce et de revenir quand vous aurez retrouvé vos esprits. C’est une stratégie tout à fait légitime.
De manière plus profonde, nous pouvons nous demander si notre façon d’être adulte fait sens. Est-ce que nous donnons envie aux enfants de grandir, de se projeter dans un futur d’adulte qui prend du plaisir dans sa vie professionnelle et personnelle ? Est-ce qu’on vit et qu’on incarne les valeurs que l’on porte et que l’on prêche ? Est-ce qu’on vit dans un rythme agréable ou est-ce qu’on subit une sorte de brutalité temporelle, qu’on inflige aussi aux enfants ? Vers quoi veut-on aller ? Comment oriente-t-on notre vie vers ça au quotidien et de manière observable par les enfants ?
Le risque d’épuisement parental quand les devoirs des enfants prennent trop de place
Pour aborder la question de la charge mentale parentale, je voudrais rappeler que le burn out (ou épuisement) s’arrête là où le stress commence. Le burnout parental touche principalement les femmes car ce sont elles qui assument encore la plupart des tâches domestiques et parentales. Les facteurs de stress présents dans la vie familiale et domestique remplissent les conditions nécessaires pour devenir potentiellement nocifs, du fait de leur rythme soutenu et de leur durée (des années). Certains facteurs de stress sont inhérents à la parentalité, comme :
– le manque de sommeil,
– les pleurs et cris,
– les demandes et sollicitations multiples et simultanées,
– les responsabilités ménagères/ financières/ affectives
– les maladies saisonnières ou chroniques (voire handicap),
– la complexité de certaines décisions parentales (voire désaccords complets sur la manière d’élever les enfants),
– les problèmes scolaires éventuels.
L’épuisement parental commence par un épuisement physique, émotionnel et psychologique et il ne touche que le domaine familial (pas tous les pans de la vie comme c’est le cas dans la dépression). Toutefois, la dépression est l’une des conséquences plus fréquentes du burn out parental en général, et maternel en particulier, car la mère ne voit pas le bout du stress. L’épuisement parental est insidieux, dans le sens où c’est l’accumulation de plusieurs stress modérés mais chroniques qui finit par faire pencher la balance du côté de l’épuisement. J’en profite pour vous présenter un outil utile pour comprendre et prévenir l’épuisement. Une manière utile de considérer le stress pour éviter de tomber dans l’épuisement est d’imaginer une balance : d’un coté de la balance, il y a les ressources apaisantes, qui “rechargent”; de l’autre côté de la balance, il y a les facteurs de stress, certains sont liés à l’environnement de vie, d’autres à la personnalité du parent, d’autres encore au fait même d’être parent. Une balance du stress est forcément personnelle car les ressources qui rechargent ne sont pas les mêmes pour tous, de même que les stresseurs et le niveau de stressabilité dépend des conditions de vie et de l’histoire de la personne. Il peut être intéressant de réaliser votre propre balance du stress afin de savoir où vous en êtes, en gardant en tête que le burn out commence quand la balance penche fortement et longtemps du côté du stress. Non seulement, cet outil permet de visualiser et prendre conscience de votre situation à un instant T mais il permet aussi de réfléchir à la manière d’équilibrer la balance. Quels facteurs de stress peuvent être retirés en fonction des possibilités personnelles ? Quelles ressources peuvent être ajoutées ?
Parmi les facteurs de stress, vous pouvez être concernés par le bruit du fait d’un logement mal isolé ou de vos enfants qui se disputent bruyamment et fréquemment, par un manque de temps et l’impression de devoir tout accomplir en bâclant, par un manque de sommeil, par une mésentente dans votre couple ou avec des membres de la famille, par une insécurité financière ou des problèmes au travail, ou encore une impression de manque de contrôle sur les événements.
Parmi les ressources qui apaisent et rechargent, vous pouvez noter du soutien de l’entourage, du temps libre ou des temps créatifs, du relais pour les tâches quotidiennes, ou encore des signes de reconnaissance et de gratitude de la part de votre conjoint et de vos enfants.
Pour aller plus loin : Les pères “n’aident pas” les mères, ils sont autant parents que les mères.
Ce travail doit être fait sur mesure car les facteurs de stress et leur importance varient en fonction des valeurs, des besoins et des aspirations de chacun.
- Quels sont les essentiels sur lesquels JE ne peux pas/ ne veux pas transiger ?
- Sur quoi M’est-il possible de lâcher prise ?
- Quelles sont les choses que J’estime délégables ?
- Comment passer à l’action ?
- Quelles sont les ressources que je peux actionner pour ME recharger et prendre soin de moi ?
La prise de conscience du mécanisme du burnout ouvre l’acceptation d’une aide sous une forme ou un autre. De plus, dans le cas où le lever matinal est presque insurmontable, où le moindre acte du quotidien semble pomper le peu d’énergie restant, où la gestion du quotidien devient presque indifférente, il est utile de s’adresser vers un professionnel de santé.