Faire découvrir aux jeunes leur propre capacité à penser : mener des conversations qui stimulent les compétences émotionnelles et relationnelles chez les enfants et adolescents

Faire découvrir aux jeunes leur propre capacité à penser

Conversations qui Stimulent les Compétences émotionnelles

Dans son livre Les mille et une compétences en chaque enfant, Marie-Nathalie Beaudoin s’appuie sur les neurosciences pour affirmer que le cerveau humain encode plus durablement des connaissances complexes lorsque les humains éprouvent un sentiment de plaisir (émotions positives), discutent de quelque chose qui s’applique à leur vie personnelle (information évaluée comme pertinente),et qui maintient leur attention (curiosité et enthousiasme).

Ce que les professeurs, parents ou thérapeutes font vivre à leurs élèves, enfants ou patients, concentre leur attention, active leur cerveau et permet de profiter de la plasticité neuronale des aires spécifiques correspondantes. Il est indispensable, pour construire de nouvelles connexions dans le cerveau de celui qui apprend à réfléchir, qu’il puisse s’investir émotionnellement, découvrir quelque chose de nouveau et être le plus attentif possible. – Daniel Siegel

Il est possible d’avoir des Conversations qui Stimulent les Compétences (CSC) avec les enfants et les adolescents.

Faire découvrir aux jeunes leur propre capacité à penser de façon productive leur permet automatiquement de se sentir compétents, enthousiastes et intéressés. –  Marie-Nathalie Beaudoin

Les principes des conversations qui stimulent les compétences émotionnelles et relationnelles chez les enfants et adolescents

Les Conversations qui Stimulent les Compétences (CSC) reposent sur plusieurs principes :

  • L’adulte se retient de trop s’exprimer et pose des questions bienveillantes (des questions respectueuses peuvent même révéler que, ce qui apparaissait comme un problème pour l’adulte, s’avère être une tentative réussie d’éviter une problématique plus grave).
  • Le jeune est actif : le cerveau est bien plus impliqué lorsque nous réfléchissons et répondons à des questions.
  • Le contenu de la conversation fait plaisir au jeune et lui donne envie de la partager, dans un climat de confiance et de respect, de non jugement.
  • L’adulte ne présuppose pas qu’avoir un problème signifie manquer de compétences mais que les efforts importants ainsi que les compétences sont souvent cachés.
  • L’adulte examine comment  un problème est résolu, pas seulement le résultat.
  • De précieux apprentissages sont possibles sans parler du problème mais en parlant des émotions, des pensées, du vécu intérieur des jeunes et des stratégies mises en oeuvre pour tenter de le résoudre.

Des questions qui stimulent les compétences émotionnelles et relationnelles

Les Conversations qui Stimulent les Compétences (CSC)  passent par des questions qui invitent les jeunes à évaluer leurs erreurs et à en parler d’une manière vivante et intéressante pour eux. Ces questions ouvrent des possibilités de conversations entre adultes et enfants au cours desquelles les jeunes sont encouragés à cultiver des compétences sociales et émotionnelles qu’ils seront capables de mobiliser à nouveau confrontés à d’autres problèmes.

En voici quelques exemples : 

Quand l’attitude de l’enfant a été constructive : questionner sur le « comment » pour l’aider à maintenir une trace dans son cerveau de cette réaction appropriée.

->  Comment as-tu été capable de ne pas être trop fâché contre ton ami quand il a refusé de te prêter son ballon ?

Quand l’attitude a été constructive et que l’enfant ne s’en est pas rendu compte : questionner pour souligner les points forts.

-> Au lieu de dire un gros mot, alors que vous étiez en désaccord, tu as tenu compte de ce que les autres pouvaient ressentir, tu as […] et tu […]. Alors, est-ce que ça ne serait pas une réussite, ça ?

Quand l’enfant a été capable de maintenir une attitude constructive malgré un contexte difficile : questionner sur la manière dont l’enfant a réussi à gérer ses envies de violence (taper, crier, casser, arracher un jouet des bras de l’autre…)

-> Bien des gens auraient eu la tentation d’essayer d’arracher le ballon. Qu’est-ce qui t’a empêché de le faire quand ta soeur n’a pas voulu te le donner ?

-> Qu’est-ce qui t’a aidé à être OK avec ça, même quand tu étais fatigué/ en colère ?

Quand l’enfant a adopté des comportements tant constructifs que dommageables : questionner sur la fin de l’incident pour souligner le positif.

-> Les enfants, j’ai remarqué que vous vous êtes disputés tout à l’heure et maintenant, vous arrivez à jouer ensemble. Qu’est-ce qui vous a aidés à stopper votre dispute ?

Quand l’enfant a eu des comportements dommageables : questionner sur la présence d’une autre partie de lui-même qui aurait pu protester contre les choix négatifs faits.

-> Est-ce qu’une autre partie de toi pense différemment à ce sujet ?

-> Y avait-il une partie de toi qui désirait se comporter autrement ? 

-> As-tu un peu hésité avant de [crier/ taper/ arracher/ insulter]? Si oui, qu’est-ce qui t’a fait hésiter ? 

Quand l’enfant a eu des comportements dommageables : inviter l’enfant à quantifier le désaccord qu’il éprouve vis-à-vis de son action.

-> Quelle proportion de toi voulait faire ça ?

-> Quel pourcentage de toi ne voulait pas que tu le fasses ?

Quand aucune solution constructive n’ait été ni trouvée, ni tentée lors d’une situation problématique :  imaginer que le pire se soit produit un peu plus tôt dans le déroulement de l’incident, ou à un moment où serait survenue une escalade de comportements fâcheux.

-> Pourquoi as-tu d’abord demandé au lieu de voler tout de suite ?

-> Pourquoi n’as-tu pas juste frappé quand il a dit « Non » la première fois ?

Quand un enfant retrouve son calme après une grosse colère : questionner sur les stratégies adoptées pour se remettre de la frustration.

-> Tu as l’air de te sentir beaucoup mieux qu’il y a quelques heures. Comment as-tu été capable de surmonter si vite ta frustration ?

Pour que l’art des questions stimule la construction de compétences chez les enfants, il est nécessaire de bien choisir le type de questions à poser, le nombre idéal pour ne pas se montrer trop intrusifs ou ennuyer les enfants, le moment opportun pour qu’elles soient efficaces, le lieu (si parler de l’incident met les enfants mal à l’aise, il peut être utile de parler côte à côte, en voiture ou en marchant).

L’idée de ce type de questions est de s’appuyer sur les réussites personnelles des enfants, examinées en coopération avec eux. Elles s’adaptent au vécu unique de la personne et maintiennent l’intérêt des enfants, en portant l’attention sur ce qui a bien marché pour eux jusqu’à présent et non en s’appesantissant sur les problèmes.

Former les enfants à voir les “invisibles” qui influencent les interactions humaines

Les enfants peuvent développer une compréhension globale des situations et interactions auxquelles ils sont confrontés quand les adultes les encouragent à se mettre dans la peau des autres et à rechercher « les invisibles » dans les interactions humaines. Ce terme d’« invisibles » est utilisé par Marie-Nathalie Beaudoin dans son livre Les mille et une compétences en chaque enfant . Par cette expression, elle désigne les facteurs qui ne se voient pas à l’oeil nu mais qui influent sur les comportements.

Les « invisibles » peuvent être d’avoir faim, d’avoir eu une mauvaise journée, d’être tracassé par un contrôle, d’être malade, d’avoir oublié d’emporter son cartable à l’école, etc. Ils incluent tous les facteurs qui peuvent rendre une personne plus encline à adopter certains comportements et certaines émotions sans qu’elle y fasse attention.

Il est possible d’enseigner aux enfants à découvrir «les invisibles » dans une relation en attirant leur attention sur les facteurs qui poussent les gens à s’engager dans une réaction donnée à un moment donné.

« Les invisibles » sont fondés sur la croyance qu’il y a toujours des raisons complexes et des motivations positives sous-jacentes aux comportements des êtres humains, quel que soit leur âge.

En tant qu’adultes, nous pouvons mener des conversations stimulant les compétences des enfants et adolescents afin de les inviter à réfléchir à ce qui peut contribuer aux comportements d’une autre personne, avec des questions comme :

  • Comment comprends-tu les actes de cette personne ?
  • Comment se sent la personne selon toi ? Quels sont les signes qui te l’indiquent ?
  • Connaîtrais-tu quelque chose au sujet de cette personne qui puisse expliquer ce qu’elle a fait ?
  • Quelle image globale as-tu de sa vie ?
  • Y a-t-il quelque chose qui pourrait t’aider à être patient avec elle ?

Les avantages de savoir prendre en compte les « invisibles » sont nombreux :

  • avoir une vue d’ensemble de la situation réduit les risques d’agressivité et de violence,
  • plus de solution et des solutions plus créatives sont trouvées quand le problème est situé dans son contexte,
  • l’autre est vu comme une personne humaine, comme un pair, et non comme un ennemi ou un obstacle dépersonnalisé,
  • les jeunes prennent des décisions par rapport au type de personne qu’ils préfèrent être en rapport avec leurs valeurs internes.

Ces apprentissages émotionnels et relationnels prennent du temps et le style de conversations stimulant ces compétences n’est pas une technique mais plutôt un ensemble de valeurs qui portent à s’intéresser vraiment à la manière de penser des jeunes. Certains échanges peuvent être brefs, d’autres plus longs. Quand les enfants commencent à parler d’autre chose, c’est le signe que la conversation a suffi.

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Source : Les mille et une compétences en chaque enfant : Prévenir et résoudre les difficultés sociales et émotionnelles à l’aide des découvertes en neurosciences de Marie-Nathalie Beaudoin (éditions L’Harmattan). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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