[Dossier Réfléchir] : qu’est-ce que réfléchir ? quels facteurs pour une réflexion réussie ?

Qu’est-ce que réfléchir ?

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D’après les cognitivistes, nous ne réfléchissons pas très souvent parce que notre cerveau n’est pas conçu pour réfléchir mais plutôt pour éviter de le faire. Réfléchir est à la fois difficile et une action lente et peu fiable.

Le cerveau est fait pour voir et bouger mais sa capacité de réflexion est lente, contraignante, approximative.

Daniel T. Willingham, professeur de psychologie cognitive, considère que notre capacité à voir et à nous déplacer est une prouesse cognitive remarquable : ces activités demandent plus de travail au cerveau que la seule réflexion.

 

3 propriétés de la réflexion

1.Réfléchir demande du temps

Notre vision sait assimiler une scène complexe instantanément. En un coup d’oeil, nous assimilons l’intégralité des détails d’une scène pour en avoir une photo globale (nous voyons un jardin plutôt qu’un portail, un pelouse, des fleurs et des arbres de manière isolée).

2.Réfléchir implique un réel effort

Pour voir de manière globale et courante, nous n’avons pas besoin de nous concentrer; nous pouvons faire autre chose en même temps. Pour réfléchir, nous avons besoin de nous concentrer; notre cerveau qui réfléchit ne peut pas faire autre chose en même temps.

C’est pourquoi la nouveauté d’une action, bien qu’elle puisse être amusante, est également épuisante.

3.La réflexion est approximative

Réfléchir ne nous offre de pas de garantie : les solutions que nous trouvons peuvent être fausses (et parfois nous ne trouvons pas de solution).

 

Mémoire et réflexion

Daniel T. Willingham affirme que, dès que c’est possible,  nous nous reposons sur notre mémoire car elle nous évite d’avoir à réfléchir (et ainsi nous économise). Pour prendre chacune de nos décisions et pour agir au quotidien, nous n’avons pas besoin de réfléchir systématiquement : souvent, nous agissons comme d’habitude.

Notre mémoire, comme notre vision, nous permet d’analyser immédiatement et sans effort des problèmes complexes. – Daniel T. Willingham

La mémoire enregistre des faits, des événements, des visages et des noms mais également des techniques, des procédures.

 

La neuroplasticité

Pour s’économiser et éviter de réfléchir, la nature nous a dotés de neuroplasticité.

Le cerveau est capable de changer. A force de répéter des actions complexes qui demandent de la réflexion, ces actions sont automatisées. Elles deviennent inconsciente et nous n’avons plus besoin de réfléchir pour les effectuer.

Grâce à la neuroplasticité, notre cerveau s’ajuste et s’habitue. Le cerveau est comme une forêt : si on marche plusieurs fois dans le même sentier, un chemin va progressivement se créer. Dans le cerveau, il y a création de sentiers de communication entre les neurones. Ces sentiers (connexions neuronales) deviennent de plus en plus efficaces et mènent à l’automatisation des processus liés à une certaine tâche et donc à la résolution plus faciles de certains problèmes.

Apprendre, c’est créer des connexions entre des neurones. Les choses deviennent plus faciles et on est capable de les faire de mieux en mieux car le chemin est “défriché”, les informations passent plus rapidement d’un neurone à l’autre par ces voies de communication. Plus on utilise le cerveau pour créer des connexions neuronales, plus on apprend.

Ainsi, quand on apprend à faire du vélo, les gestes sont d’abord conscients et nécessitent une forte concentration : pédaler, maintenir son équilibre, prendre assez de vitesse, regarder droit devant, freiner… Penser à toutes ces choses en même temps demande de gros efforts. Avec la pratique, des connexions se créent entre les neurones sollicités pour effectuer cette tâche. Les neurones ont créé des chemins pour communiquer entre eux et l’information circule de manière plus fluide.

Mais si on ne marche pas pendant un bon bout de temps dans les sentiers créés par la forêt, la végétation reprend sa place. Les réseaux de neurones non utilisés finissent par se déconnecter progressivement.

 

Réfléchir à l’école

Ainsi, le cerveau a développé des stratégies pour s’économiser et éviter d’avoir à réfléchir :

  • les principales fonctions, la vision et le mouvement, ne demandent pas de réflexion
  • dans la majorité des cas, la mémoire remplace la réflexion pour nous guider dans nos actions
  • la neuroplasticité permet d’automatiser des actions grâce à la pratique

Si nous ne sommes pas doués pour réfléchir et si la mémoire et la pratique nous évitent d’avoir à le faire, il est facile de comprendre pourquoi les enfants n’aiment pas l’école, un lieu entièrement dédié à l’apprentissage de la réflexion.

Heureusement, ma démonstration ne s’arrête pas à ce constat. Car nous aimons réfléchir. Nous sommes curieux par nature et nous cherchons les occasions de faire travailler nos neurones. Mais nous abandonnons assez facilement et, pour que notre curiosité soit attisée, il faut que nous soyons dans les meilleures conditions possibles.  – Daniel T. Willingham

 

Réflexion et curiosité

Les êtres humains aiment réfléchir, ils aiment résoudre des problèmes ! Quand nous trouvons la solution à un problème, notre cerveau s’auto récompense en sécrétant une petite dose de dopamine, un neurotransmetteur proche de l’adrénaline. Les neuroscientifiques et les les cognitivistes soupçonnent donc un lien entre apprentissage et plaisir !

Ce plaisir est lié à l’effort que nous fournissons pour résoudre le problème. Quand nous sommes bloqués face à un problème, nous sommes frustrés mais nous ne ressentons pas de plaisir si la réponse nous est donnée.

Par ailleurs, tous les raisonnements ne sont pas aussi attrayants les uns que les autres. Le sujet d’un problème (au sens large de jeu de l’esprit) peut donc attiser la curiosité mais ne suffit pas à la satisfaire.

Nous n’aimons réfléchir que quand nous estimons que notre effort intellectuel sera récompensé par la satisfaction que suscite la résolution d’un problème. Il n’est donc pas contradictoire de dire que les êtres humains évitent de réfléchir quand ils le peuvent et, dans le même temps, qu’ils sont curieux par nature : la curiosité nous pousse à nous intéresser à de nouvelles idées, à de nouveaux problèmes, mais nous évaluons à chaque fois la quantité d’efforts qu’il nous faudra fournir.  –  Daniel T. Willingham

 

4 facteurs d’une réflexion réussie

1.Les informations fournies par l’environnement

L’environnement est constitué de choses à voir, à entendre, de problème à résoudre…

2.Les faits et événement entreposés dans la mémoire à long terme

Toutes les informations contenues dans la mémoire à long terme sont extérieures à la conscience. C’est comme si elles restaient là bien sagement en attendant le moment où on en a besoin. A ce moment-là, pour répondre à une question par exemple, les informations deviennent conscientes.

Les informations pour répondre à une question ou un problème peuvent donc soit venir de l’environnement, soit de la mémoire à long terme. La réflexion consiste à trouver de nouvelles combinaisons entre ces informations et ce processus se situe au sein de la mémoire de travail (mémoire à court terme).

On comprend alors l’importance de la culture générale dans le processus de réflexion et la raison pour laquelle Daniel T. Willingham insiste sur la culture générale dans un monde connecté même si la connaissance est disponible rapidement “à l’extérieur” du cerveau : Peut-on se passer de culture générale et de mémorisation de faits/connaissances dans un monde connecté ?

3.Les cheminements mentaux (procédures, techniques) mémorisés dans la mémoire à long terme

La mémoire à long terme contient également des connaissances procédurales. La connaissance procédurale est comme une liste indiquant quels éléments il faut combiner et à quel moment : une sorte de recette pour un type de réflexion particulier.

4.La quantité d’espace disponible dans la mémoire de travail

Plus la mémoire de travail (mémoire à court terme) est remplie, plus il est difficile de réfléchir. Daniel T. Willingham compare la mémoire de travail à la conscience.

La mémoire à court terme est la “petite” mémoire qui permet de stocker des informations temporairement. Aucune information ne peut passer directement de l’environnement extérieur à notre “boite noire” intérieure sans passer par la mémoire à court terme. La mémoire à court terme permet de garder une information quelques secondes, pas plus.

On ne peut maintenir dans la mémoire à court terme que + ou – 7 éléments à la fois. C’est pour cette raison qu’on regroupe les chiffres des numéros de téléphone pour les retenir par exemple.

Un empan est la quantité d’information (le nombre de chiffres par exemple) qu’un individu peut mémoriser dans un court laps de temps (en moins de 20 secondes). Cette mesure est importante puisqu’elle influence le nombre d’unités d’information qui peuvent être mémorisées en même temps.

La mémoire à court terme est très sensible :

  • aux distractions,
  • à l’anxiété.

 

Selon  Daniel T. Willingham, si l’un des facteurs fait défaut, il y a de fortes chances pour que la réflexion échoue… ou qu’elle soit longue, difficile, laborieuse, approximative. D’un point de vue cognitif, un des facteurs fondamentaux pour les apprentissages est celui de savoir si un élève ressent cette sensation agréable de satisfaction quand il résout un problème.

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Source : Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école ! de Daniel T. Willingham (éditions La librairie des Ecoles). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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