Fais de ton mieux : à manier avec précaution avec les enfants anxieux (et les autres)

Fais de ton mieux : à manier avec précaution avec les enfants anxieux (et les autres)

Fais de ton mieux enfants

Parfois, nous pouvons prononcer des mots avec des bonnes intentions mais les formulations maladroites peuvent aboutir à l’inverse du résultat souhaité. C’est le cas avec la formule “fais de ton mieux”. L’idée n’est pas bien sûr de tout censurer mais d’avoir conscience de l’impact que nos formules peuvent avoir sur certains enfants afin de rectifier le tir.

La formule “fais de ton mieux” peut créer de l’anxiété chez certains enfants pour plusieurs raisons :

  • cette formulation est trop vague donc elle crée de l’incertitude

Comment un enfant peut-il savoir qu’il a fait de son mieux ?

Est-ce que “faire de son mieux”, c’est tendre vers 20/20 ? est-ce que c’est dépasser la moyenne ?

Est-ce que c’est quelqu’un d’autre qui doit décider pour lui de ce qui est “son mieux” ? ou bien est-ce que c’est lui qui peut sentir quand il fait de son mieux ?

Quels sont les indices qui lui indiquent qu’il fait effectivement de son mieux ?

Est-ce que “son mieux” peut changer d’un jour à l’autre selon les circonstances, les matières ?

Qu’est-ce qui va se passer s’il ne fait pas de son mieux ? quels sont les risques / les menaces?

  • l’incertitude crée de l’angoisse 

Plus un enfant est en insécurité, plus il ressent du stress. Selon Sonia Lupien, auteur du livre Par amour du stress, le stress se développe à partir de 4 facteurs appelés SPIN :

  • Sens du contrôle diminué

Le stress survient quand on a l’impression qu’on n’a aucun contrôle sur la situation.

  • Personnalité menacée

Le stress survient quand la situation menace notre intégrité, notre personnalité.

  • Imprévisibilité

La situation est imprévisible.

  • Nouveauté

La situation est nouvelle.

  • en cas d’échec ou d’erreur, l’enfant risque de considérer les échecs et erreurs comme inévitable et ne pas envisager de marge de progression

Comment en effet progresser, apprendre, faire autrement, trouver d’autres stratégies quand on a fait de son mieux et qu’on a échoué quand même ?

Non seulement l’enfant risque de se déprécier (“je suis nul”) mais il risque de perdre en créativité (“il n’y a rien d’autre à faire puisque j’ai déjà fait de mon mieux”) et en persévérance (“à quoi bon faire de mon mieux ?”).

5 alternatives à “fais de ton mieux”

Formuler des attentes spécifiques

Pour contourner l’aspect trop vague de “fais de ton mieux”, les adultes peuvent formuler des attentes spécifiques à travers des objectifs et sous objectifs (c’est un peu le principe des ceintures de compétence de la pédagogie institutionnelle qui permet de valider des niveaux de compétences les uns après les autres au moment où l’on se sent prêt et avec une dimension visuelle de la progression).

Donner des indications sur les stratégies pour atteindre les objectifs

Pour redonner du contrôle et de la prévisibilité aux enfants, il est possible de les aider à élaborer des stratégies à travers des questions sur le “comment” : comment atteindre tel objectif ? comment vas-tu t’y prendre ? par quoi vas-tu commencer ? de quoi as-tu besoin ? qui peut t’aider ? comment t’assurer que l’objectif est atteint ?

Cela peut passer par exemple par le fait de s’entraîner avec des flash cards pour les tables de multiplication puis de mettre de côté les flash cards maîtrisées pour ne s’entraîner qu’avec celles qui ne sont pas encore maîtrisées.

Cette approche permet de changer de perspective : on passe du focus sur le résultat au focus sur le processus.

Raisonner en termes de maîtrise plutôt qu’en termes de temps passé ou de “souffrance”

Les enfants seront moins anxieux s’ils savent que le niveau de souffrance n’a rien à voir avec la maîtrise. Un enfant qui a des facilités à apprendre l’orthographe des mots ou ses tables de multiplication n’a pas à être dévalorisé parce que c’est “facile” pour lui. Il n’a pas non plus à être “puni” par des exercices supplémentaires s’il va plus vite que les autres.

L’idée est de ne pas associer le “fais de ton mieux” à la souffrance. C’est la joie l’émotion de l’apprentissage.

Attirer l’attention sur les ressources et le futur (le pouvoir du “bientôt”)

Plutôt que de demander si l’enfant a vraiment fait de son mieux suite à une mauvaise note, il sera plus bénéfique pour sa confiance en soi et sa persévérance de lui demander : de quoi as-tu besoin pour t’améliorer la prochaine fois ? qu’as-tu appris de cette erreur/ de cet échec ?

Les ressources dont l’enfant a besoin peuvent être de nature variée :

  • plus d’entraînement
  • plus de temps
  • des outils de gestion du stress
  • des méthodes de travail plus efficaces
  • plus de motivation (plus de sens dans ce qu’il fait)
  • plus de liberté dans la manière de s’organiser
  • de l’aide pour comprendre
  • des outils d’auto correction pour évaluer où il en est de sa maîtrise

Un enfant (et un adolescent) qui pense que ses capacités peuvent être développées s’‘implique en profondeur, traite les erreurs, apprend d’elles et les corrige. 

C’est l’extraordinaire pouvoir de croire qu’on peut s’améliorer. Encore faut-il savoir qu’un “pas encore” change la vie et que quelqu’un dise à l’enfant : “tu n’y arrives pas… encore !”.

Dire à l’enfant que le “mieux” n’est pas immuable

le quatrième accord toltèque consiste à apprendre à faire de son mieux chaque jour. Pour autant Don Miguel Ruiz, concepteur des quatre accords toltèques, rappelle que le « mieux » n’est pas très haut quand on se sent fatigué. On a le droit d’être fatigué, d’être stressé, et ce qui compte est de faire de son mieux aujourd’hui, ici et maintenant.

Cet accord permet de passer le message aux enfants que, s’ils font toujours de leur mieux jour après jour, ils n’auront pas à s’en vouloir si parfois ils ne réussissent pas quelque chose. Et surtout, ils n’auront pas de regret !