Accompagner les émotions des enfants à Haut Potentiel Intellectuel (à l’école et à la maison)

Accompagner les émotions des enfants à Haut Potentiel Intellectuel (à l’école et à la maison)

émotions des enfants à Haut Potentiel Intellectuel

Accueillir les émotions

Certains enfants à haut potentiel intellectuel (QI supérieur à 130, mesuré par un test de QI complété par un entretien neuropsychologique) peuvent avoir des amplitudes émotionnelles plus importantes que les autres et leurs crises émotionnelles peuvent être explosives quand ils sont en proie à la colère. Leurs pleurs peuvent être impressionnants quand ils sont en proie à la tristesse, leur peur se transformer en anxiété profonde et permanente.

Il est possible d‘accueillir les décharges émotionnelles de ces enfants avec empathie. L’écoute active permet de se connecter émotionnellement, de valider et reconnaître les émotions sans pour autant chercher à calmer ou réprimer l’émotion  : “ça fait du bien de pleurer”, “vas y, tu as le droit de crier”, “cours si tu as besoin de courir”, “ah ouais, à ce point : ta colère est au moins à 8/10 !”.

Cette approche de la part de l’adulte (parent ou enseignant) permet à l’enfant (ou l’adolescent) de libérer l’énergie de l’émotion avant de trouver des solutions au problème à la source de l’émotion. L’émotion est comme une vague : elle prend naissance suite à la perception d’un déclencheur créant des sensations désagréables, monte à son paroxysme alimentée par des pensées et finit toujours par redescendre. Il s’agit donc de ne pas chercher à calmer ou à raisonner l’enfant en crise mais d’accompagner sa colère,  sa peur ou sa tristesse, de la reconnaître et la laisser passer.

C’est seulement dans un deuxième temps que la redirection du comportement et la réflexion peuvent intervenir (activer des leviers via des questions du type : “à quoi pensais-tu ?”, “la prochaine fois, qu’est-ce que tu peux faire ?”, “de quoi aurais-tu eu besoin ?”, “quelles solution peux-tu trouver ?”, “qu’as-tu eu envie de faire ?”).

Il est souhaitable de ne jamais chercher à retenir les manifestations émotionnelles, que ce soient les larmes ou  les rires.

Travailler sur soi

Apprendre à se montrer vulnérable et parler avec le coeur

Quand un adulte se trouve démuni face aux comportements d’un enfant ou d’un adolescent à haut potentiel, il peut se montrer vulnérable et parler “avec les mots du coeur”.

Pour un parent, il pourra s’agir des inquiétudes profondes : “j’ai peur que tu n’arrives pas à trouver un emploi pour toi, je t’aime et ton avenir me tient à coeur, c’est important pour moi de savoir que je te donne le meilleur de moi-même et j’ai l’impression de ne pas y arriver,  j’ai besoin de savoir que tu es bien dans ton corps et dans ton cœur, je suis affolée par l’idée que tu te retrouves dans des situations dangereuses ou douloureuses.”

Les enseignants peuvent également adopter une posture de ce type en montrant leurs émotions de manière authentique, en parlant de leurs besoins (sans critiquer, juger, culpabiliser ou menacer) -> voir l’approche de Thomas Gordon : Enseignants efficaces..

Changer de regard sur les punitions et récompenses

Le système punition/ récompense est inefficace et nocif pour tous  les enfants et donc aussi pour les enfants à haut potentiel intellectuel. A l’école comme à la maison, il est possible d’éviter le système punitif.  Les punitions peuvent toujours être remplacées par des réparations et des recherches de solutions. Les enfants à haut potentiel aiment être sollicités, responsabilisés et font preuve de beaucoup de créativité dans la recherche de solutions pour réparer ou agir autrement.

Lire aussi : [La gestion de classe avec la discipline positive] Comment trouver des solutions et passer des accords avec les élèves ?

Le système des récompenses n’est pas non plus inévitable. Jean-François Laurent, médiateur scolaire spécialiste du haut potentiel intellectuel, propose une approche basée sur le conte des chaudoudoux pour aborder la discipline avec les enfants et adolescents précoces. Les chaudoudoux sont des signes de reconnaissance positive qui remplissent le réservoir d’amour dans la gratuité des sentiments. Ils peuvent prendre la forme de mots exprimant de la gratitude, d’encouragements, de câlins, de mentions des forces et qualités propres à chaque élève. L’idée est  de cultiver ce qui est positif et de renforcer le lien en passant l’idée à l’enfant que qui il est fait toute la différence dans la vie des gens qui l’entourent.

Le principal obstacle que nous rencontrons sur ce chemin est que nous sommes souvent piégés dans une vision binaire : « Je ne peux pas laisser faire sans réagir, donc je dois l’interdire et/ou punir ».

Pourtant, faire preuve d’empathie envers les enfants et adolescents stimule leur propre empathie. Quand un adulte donne des preuves d’amour ou d’affection, quand il continue à soutenir l’enfant contre vents et marée, quand il garde espoir et continue à croire en l’enfant même quand c’est difficile, alors l’enfant construit sa confiance en lui et sa résilience.

Repenser l’organisation

Accompagner les émotions des enfants à haut potentiel intellectuel passe également par le fait de leur donner de l’espace et du temps pour l’expression créative et corporelle (argile, peinture, théâtre, cheval, jardinage, jeu libre à l’extérieur avec possibilité de patouiller et de se salir…) Là encore, cette approche est profitable à tous les enfants et un groupe classe pourra en bénéficier.

La mise en place de rituels va également aider certains des enfants à haut potentiel intellectuel qui manifestent plus d’anxiété que d’autres. C’est d’autant plus important le soir au moment du coucher : lire une histoire ensemble, faire quelques exercices de respiration, se faire des massages mutuels ou des autos massages, réaliser une visualisation positive, méditer… tout ce qui peut participer à libérer les pensées anxieuses et les tensions du corps.

En tant que parents, il est important de tenir bon sur les choses vraiment importantes (santé, hygiène, sécurité, participation à la vie collective) et de lâcher prise sur les détails (est-ce vraiment important d’avoir deux chaussettes pareilles ? est-ce même important d’avoir des chaussettes dans les chaussures ? est-ce important que le linge soit repassé ?). Chaque famille peut apprendre à lâcher prise petit à petit selon ses valeurs et aspirations, mais l’idée est d’arriver à se ménager, à prendre soin de soi en tant que parents et à respecter les besoins de l’enfant.

En classe et à la maison,  donner des responsabilités à hauteur des compétences de l’enfant va nourrir son sentiment d’appartenance, d’utilité et d’importance.

Quoiqu’il en soit, passer du temps de qualité ensemble va nourrir la relation et assurer le développement sain des enfants à haut potentiel, comme c’est le cas pour tous les enfants. Jouer ensemble, s’émerveiller ensemble des petites choses de la nature, philosopher, créer, se balader sont des leviers de l’intelligence émotionnelle.

Une nouvelle posture au-delà du contrôle

Une posture utile pour accompagner les émotions des enfants à haut potentiel peut être celle de l’adulte chercheur , c’est-à-dire accepter d’être un parent ou un enseignant “en chemin” et imparfait.  Un adulte chercheur est celui qui va prendre des risques et oser des chemins qui n’ont pas été pris en apprenant de ses erreurs et en présentant des excuses.

Le parent chercheur va par exemple sortir de la normalité et ignorer le regard des autres  : c’est OK de se coucher plus tard, c’est OK d’avoir un doudou, c’est OK pour le cododo.

La posture de l’adulte au-delà du contrôle (que ce soit en classe ou à la maison) nécessite que cet adulte accepte un voyage à l’intérieur de lui-même :

  • découvrir son terrain émotionnel et ses croyances erronées hérités du passé, apprendre à écouter les messages envoyés par les émotions et les décoder en besoins, consoler son enfant intérieur, travailler en conscience sur la mémoire traumatique, s’engager dans un travail thérapeutique pas uniquement basées sur la parole (pleine conscience, art thérapie, yoga…);
  • se rappeler sa propre expérience d’enfant et apporter à l’enfant de maintenant ce que l’adulte d’aujourd’hui aurait aimé recevoir alors (se servir de ses propres souffrances pour les éviter à l’enfant et parler de soi quand on était petit).

Quelques clés pour les apprentissages des enfants à haut potentiel intellectuel

Les enfants à haut potentiel aiment par dessus tout les défis, mais certains d’entre eux ont peu confiance en eux (et peuvent procrastiner du fait de ce manque de confiance dans leurs compétences). Il est efficace de les mettre au défi parce que, sans intérêt ni sens, leur engagement dans le travail scolaire sera difficile. En même temps, mieux vaut rester encourageant pour éviter le désinvestissement. Cela peut consister à rappeler à l’enfant ses forces et ses qualités, à pratiquer les trois kifs par jour pour évoquer en famille ou en classe les fiertés et bonheurs du jour, à rappeler les succès passés, à remarquer les progrès et les efforts déployés, à envisager les erreurs comme des opportunités d’apprentissage, à insister sur le plaisir pris dans le processus et la fierté éprouvée à la vue du résultat.

Lire aussi : La procrastination chez les adolescents surdoués (et les autres !)

Par ailleurs, les enfants et adolescents sont sensibles à la relation avec l’enseignant. Ils ont besoin de se sentir appréciés et en sécurité. En tant qu’enseignant, il est possible de prévoir des gestes, des mots, des regards particuliers et encourageants.

En tant que parent d’enfant ou adolescents à haut potentiel, il faut éviter de s’isoler et de monter en escalade contre les enseignants. Mieux vaut venir voir les enseignants avec des questions plutôt qu’avec des réponses. Des personnes ressources peuvent également être sollicitées : des associations spécialisées dans la douance, le médecin scolaire, le référent EIP de l’académie, l’inspecteur de circonscription.

En parallèle, il est possible d’explorer du côté de troubles neurodéveloppementaux (troubles dys, trouble du spectre de l’autisme, trouble déficit de l’attention) quand un enfant ou adolescents diagnostiqué haut potentiel est en échec scolaire : peut-être que le haut potentiel intellectuel cache un trouble que l’enfant a compensé jusque-là.

Pour aller plus loin : 4 idées fausses répandues autour des enfants à haut potentiel intellectuel (enfants précoces/surdoués)

Un podcast à écouter pour déconstruire les mythes autour du haut potentiel intellectuel : Intensément podcast